Fermeture du GME, une décision « révélatrice de la crispation » de l’Algérie

En fermant le Gazoduc Maghreb-Europe (GME), juste avant l’hiver, l’Europe a été terrorisée par les effets de cette décision. L’Algérie livrera son gaz à l’Espagne uniquement via le gazoduc sous-marin Medgaz, et ce pour couper tous ses liens avec le Maroc. Une décision irrationnelle qui n’a pas d’impact effectif sur le Royaume mais pèse lourdement sur l’Europe, surtout avec la hausse qu’ont connue les prix de l’énergie dernièrement.

Et si le GME était le seul canal qui livre le gaz à l’Espagne, quelle aurait été la décision du voisin algérien ? L’Algérie ne digère toujours pas la décision des Etats-Unis de reconnaître la marocanité du Sahara et continue de creuser toute tentative pour déstabiliser ses relations avec le Royaume. La décision de fermer le Gazoduc Maghreb-Europe et de livrer le gaz algérien via le gazoduc sous-marin Medgaz, lancé en 2011, est « révélatrice de la crispation du gouvernement algérien face à une situation intérieure bloquée », selon Pascal Ausseur, Directeur Général de la Fondation Méditerranéenne des Etudes Stratégiques, qui affirme que « le Hirak n’a pas abouti à une modification des règles du jeu politique en dépit de l’implication massive de la population et en particulier de la jeunesse algérienne ».

Pour sa part, l’ancien eurodéputé Aymeric Chauprade a réagi à cette nouvelle sur sa page Twitter dénonçant la décision de l’Algérie qui vient juste avant l’hiver. Pour lui, « C’est un très mauvais coup porté à l’Espagne et à l’Europe ». Il a affirmé également qu’ « Alger prouve qu’il n’est pas un partenaire énergétique fiable pour l’Europe et qu’il est un facteur d’instabilité pour le Maghreb et la Méditerranée. L’Union européenne doit plus que jamais consolider son partenariat avec le Maroc ».

 

Livraison du gaz exclusivement par le Medgaz : quel impact ?

Cette décision annoncée par l’Algérie a un impact « insignifiant » sur la performance du système électrique du Maroc, d’après l’Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM) et l’Office National de l’Electricité et de l’Eau Potable (ONEE). Rappelons que le gazoduc Maghreb-Europe, qui « permet au gaz algérien de rejoindre l’Europe à travers le Maroc » est assuré par la société Metragaz. Nous avons essayé, d’ailleurs, de joindre des responsables de cette société pour avoir leur version, mais ils ont refusé de répondre à nos questions, arguant que la direction de la société leur interdit de se prononcer sur le sujet.

Contacté par MAROC DIPLOMATIQUE, Ausseur a précisé que la fermeture du GME a plutôt un « impact politique », soulignant que sur le plan économique, « l’Algérie va profiter de la hausse du prix du gaz pour absorber sa baisse d’exportation, l’Espagne devrait pouvoir s’approvisionner par le gazoduc Medgaz qui la relie directement à l’Algérie et par la voie du gaz naturel liquéfié par navire ». Il a noté, à cet égard, que « le Maroc va perdre 10% de son approvisionnement et le revenu de son « droit de passage » (jusqu’à 200M€ par an) ».

Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle économique pour ces pays, notamment
à la veille de l’hiver, mais ce n’est pas une catastrophe, Pascal Ausseur.

La décision de l’Algérie aux yeux de l’Europe 

Quelles conséquences pour le Maghreb ? Et quelle doit être la position de l’Union européenne ? Selon le DG de l’Institut FMES, le Maghreb subit déjà des tensions économique, politique et sociale, « entouré par des pays eux-mêmes en difficulté au sud dans la BSS et à l’est en Libye ». Il a expliqué que « les acteurs extérieurs, la Russie et la Turquie notamment, mais également la Chine et les pays du Golfe persique, jouent leurs jeux parfois déstabilisateurs. Dans cet environnement très instable où les plaques tectoniques géopolitiques sont en mouvement, la politique de la fuite en avant nationaliste algérienne ne peut qu’ajouter de la tension à la tension ».

En ce qui concerne la position de l’Union européenne, Ausseur a signalé qu’ « elle est très absente, réticente aux rapports de puissance qui sont désormais la norme et incapable de générer une vision commune vis-à-vis de son flanc sud ».

Pour calmer la frustration croissante, le pouvoir joue sur ses leviers habituels : l’achat de la paix sociale autorisé par l’augmentation du prix du gaz et le sentiment nationaliste anti-français et anti-marocain. L’annonce de la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe s’inscrit dans ce dernier volet. Cet épisode illustre également la montée des tensions dans la zone de frottement entre l’Europe et son voisinage méditerranéen et moyen-Oriental : de la Turquie au Maghreb, en passant par l’Azerbaïdjan, l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye,… sans oublier le Soudan et la bande sahélienne. Cette région concentre les tensions, à la fois internes et géopolitiques, Pascal Ausseur .

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