Festival Gnaoua : rendez-vous du 25 au 28 juin 2020

Essaouira a accueilli la 22ème édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde sous les meilleurs auspices. Au programme concerts passionnants, fusions harmonieuses, échanges heureux et chaleureux, débats audacieux et enrichissants du 20 au 23 juin à la ville des Alizés.

Des centaines de milliers de mélomanes se sont réunis dans la joie, la bonne humeur et l’amour de la musique à Essaouira pour fêter la 22ème édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde. Une édition qui a su tenir toutes ses promesses : des concerts inspirants aux fusions inspirées en passant par les rendez-vous débats et échanges que proposent le Forum des Droits de l’Homme le matin, et l’Arbre à Palabre l’après-midi.

Ouverture…sur les racines africaines !

Après la désormais traditionnelle parade d’ouverture qui a tenu en haleine la ville des Alizés, le public s’est dirigé vers la scène principale Moulay Hassan où les festivités ont démarré avec le fruit d’une belle résidence entre Maâlem Hassan Boussou et le groupe cubain Osain Del Monte. Un concert métissé, un hommage aux racines africaines qui sonnaient comme une évidence. Yoruba et Gnaoua jadis considérés comme des musiques subalternes, ont su se marier à merveille créant une harmonie, transportant le public dans des rythmes énergiques au bonheur du plus grand nombre. S’en est suivi une fusion ardente entre le plus pop rock des maâlems, Omar Hayat brillant élève de feu Mahmoud Guinéa et le « griot » de l’afro pop, Moh! Kouyaté. La rencontre de la guitare et du guembri, un pont entre les sources mandingues et inspirations contemporaines empreinte de blues, du jazz et pop. Une autre union sacrée en cette fin de soirée, celle d’un père et son fils, les maâlems Abdelkebir et Hicham Merchane qui ont offert au public de la scène Moulay Hassan un concert d’une authenticité rare, une magistrale démonstration d’une relève assurée et que la tagnaouite a un bel avenir devant elle.

Grande Fête de la musique

Avec un public fidèle au rendez-vous et des jeunes qui affluaient après avoir parcouru pour certains des centaines de kilomètres, la fête de la musique a été hautement célébrée durant le Festival Gnaoua et Musiques du Monde. Pendant trois jours, le plus maâlem des festivals a offert des moments intemporels d’une rare beauté. 32 maâlems venus de tout le Maroc et même de Brooklyn comme Hassan Hakmoun, ont transporté le public du meilleur de la fusion au plus authentique de la belle tradition tagnaouite.  Le groupe de blues touareg Tinariwen a offert à la ville l’un des plus beaux concerts toutes éditions confondues.

Un enchantement partagé comme l’a déclaré Abdallah Ag Alhousseini guitariste du groupe Tinariwen qui a confié avoir donné un des concerts les plus habités de sa carrière. C’était à l’occasion de son intervention lors du Forum des Droits de l’Homme du festival « Je n’ai jamais vu un aussi beau public, de tout le continent africain c’est la première fois que je ressens cela, il y a un formidable public à Essaouira » après un concert presque minimaliste plein de grâce et d’humanité suivi d’une fusion avec le maâlem Mustapha Bakbou qui s’est révélée d’une magie rare.

→ Lire aussi : 22ème Festival des Gnaoua, musiques du monde : symbiose et triomphe des valeurs

Hamid El Kasri a offert un des temps fort du festival avec un concert passionné qui a transformé la place principale en une sorte de chœur géant par la force de l’écho du public.  Le maâlem a ensuite partagé la scène avec deux artistes féminines véritables étoiles de la scène world. L’indienne, la transculturelle Susheela Raman dont la rencontre avec Hamid El Kasri a donné lieu à un moment d’une belle intemporalité, puis la surprise avec l’arrivé sur scène de Hindi Zahra qui a offert une transe pleine de grâce au public souiri accompagné des maitres percussionnistes Karim Ziad et Rhani Krija.

Quant au dernier concert, la place Moulay Hassan s’en souviendra longtemps. Un show d’une grande générosité de Third World, un groupe qui vient fêter à Essaouira ses 45 ans de carrière. Les ambassadeurs du reggae ont offert un concert parfaitement préparé, se permettant des clins d’œil à Bob Marley et même à Andréa Boccelli avec une reprise de « Con te partiro » qui a raisonné dans toute la ville.

Le festival retiendra les concerts de Borj Bab Marrakech face au coucher du soleil d’Essaouira. Le rossignol de la musique andalouse moderne, Nabyla Maan a séduit avec un duo andalou d’une profonde humanité, celui formé avec la maestra de la danse flamenca Maria Del Mar Moreno. Les concerts de la scène de plage ont été porteurs de belles ondes et de belles énergies. Entre les troupes de la relève et les jeunes maâlems ou des groupes colorés comme Baloji et Imdiazen qui rendent hommage à la diversité des racines musicales marocaines africaines. Et enfin l’original et vitaminé groupe Betweenatna qui a contaminé de son énergie euphorique une jeunesse conquise, et a également accepté d’offrir un concert pour les détenus de la prison d’Essaouira, à la demande des organisateurs du festival.

Enfin, les concerts en toute intimité dans le charme des plus beaux riads d’Essaouira ont fait le bonheur d’un public ravi de s’oublier aux rythmes des troupes Gnaoua, Issaoua, Hmadcha, et de fusions endiablées à l’image des lilas de Dar Souiri, des rencontres musicales de Dar Loubane ou encore des soirées envoûtantes de la Zaouia Issaoua.

La culture au cœur des débats du Forum des Droits de l’Homme

« La force de la culture contre la culture de la violence » était le thème des débats de la 8ème édition du Forum d’Essaouira des Droits de l’Homme du festival. Pendant deux jours, intellectuels, artistes et militants des droits de l’Homme ont pris part à ces échanges. Le public du forum a pu donc écouter et interagir avec des personnalités comme Laure Adler, Edwy Plenel, Gilles Marceron, Abdelkader Azrii, Abdelkrim Jouaiti, Mohamed Rafiki, Mouna N’Diaye, Abdellah Alhoussayni, Soumaya Hanifa, Seif Kousmate ou encore Mahi Binebine, et sous la modération du journaliste Abdellah Tourabi, autour du rôle de l’acteur culturel et la place de la culture comme rempart face aux différentes formes de violence.

A l’ouverture de ce forum Neïla Tazi, productrice du festival, a rappelé « que la culture n’est pas un slogan, c’est un appel à la mobilisation citoyenne. C’est un appel à une prise de conscience pour garder le cap d’une civilisation humaine de progrès et de justice » tout en évoquant Hannah Arendt qui affirmait que « c’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal », Neïla Tazi a poursuivi en expliquant que depuis 22 ans avec le festival « la recherche de l’excellence dans la culture est au cœur de notre démarche ; mais pas celle qui exclut, qui isole et qui conduit à un processus d’intimidation sociale en déniant à certains le droit de considérer leur propre culture comme légitime et digne de reconnaissance ».

Pour Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), la protection des droits de l’Homme est « toujours un chantier inachevé partout dans le monde puisqu’il y a encore un travail immense à accomplir au quotidien ».  Laure Adler, journaliste et écrivaine française, cite la politique de Donald Trump et pointe du doigt les slogans utilisés lors des campagnes électorales comme « tolérance zéro », estimant que ces derniers « ne font que répandre la haine et amplifier tout type de violence ». Quant à la culture face à l’extrémisme religieux, Abdelouhab Rafiqi (alias Abu Hafs) a partagé son expérience en tant qu’ancien salafiste. « C’est grâce à la culture que j’ai pu retrouver la joie de vivre qu’on m’a ôté à mon jeune âge.

Si mon père a tout fait pour que je devienne un « cheikh », ma mère elle, qui travaillait à la Royal Air Maroc à l’époque et qui était contre toute forme de radicalisation religieuse, m’incitait à lire les magazines de culture et de mode ». Le peintre et romancier Mahi Binebine a partagé son expérience avec les centres des Étoiles de Sidi Moumen qui participent à sauver les jeunes des bidonvilles et quartiers sensibles de l’influence intégriste en les initiant à la culture. L’actrice Mouna N’Daye et le photographe Seif Kousmate ont expliqué comment ils parviennent à travers leur art à donner la parole aux minorités, notamment les immigrés et les groupes ethniques.

Le journaliste et écrivain Edwy Plenel a offert au public une intervention de haute facture, rappelant aussi que la culture n’est pas suffisante pour éviter la barbarie quand cette culture « est née de l’humiliation et de l’idée que des gens seraient propriétaires de la culture en dominant d’autres personnes ». Il a qualifié le Festival Gnaoua et Musiques du Monde et son Forum de « Lieu de rencontre étonnant, où beaucoup de choses inédites se disent, beaucoup de choses provocantes au meilleur sens du terme. Faire le chemin dans la compréhension qu’il n’y a pas d’identité supérieure à d’autres, de culture supérieure à d’autres, que nous sommes libres et égaux en droits ».

Trois jours de célébration, de dialogue et de communion, c’est ce qu’a proposé, une fois encore, cette  édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde en attendant la 23ème EDITION DU 25 AU 28 JUIN 2020.

A L’ANNEE PROCHAINE !

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