FMI : Le Maroc est-il qualifié pour l’octroi d’une LCM ?

Dans un contexte de crise économique mondiale, les pressions sont accrues sur le budget public et les marges de manœuvres se resserrent. Une situation qui a poussé le Maroc à considérer une sortie sur le marché internationale. Alors que les discussions entre les institutions nationales et le FMI avancent, beaucoup est en jeu !

Le Gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, l’avait annoncé lui-même : Les discussions sont « engagées » pour évaluer un éventuel tirage sur la ligne de précaution et de liquidité (LPL) afin de répondre aux besoins du Trésor. Le Chef de la mission du Fonds Monétaire International (FMI) au Maroc, Roberto Cardarelli l’a encore affirmé ce jeudi 23 juin 2022 à Rabat.

Intervenant à l’occasion de la Conférence organisée par BAM, le FMI et la revue du FMI, les 23 et 24 juin 2022 à Rabat, Cardarelli a fait savoir que les discussions autour le renouvellement de la LPL pour le Maroc ont été entamées. A cet égard, le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, Jihad Azour, a rappelé que le Maroc avait déjà procédé à un tirage sur la LPL d’un montant de 3 milliards de dollars  au début de la crise sanitaire.

Ce tirage a constitué un « levier » pour la politique financière du Maroc, lui a permis de faire une sortie sur les marchés internationaux afin de renforcer ses moyens de financement, maintenir sa stabilité monétaire et garantir la durabilité de son économie, a noté l’administrateur du FMI. Il a aussi souligné qu’après avoir remboursé une partie des 3 milliards de dollars, le Maroc a toujours 2 milliards de dollars à rembourser.

→ Lire aussi : BAM-FMI : Une conférence de haut niveau pour parler des opportunités de la crise

Outre le renouvellement de la LPL, une autre option de financement est sur la table pour le Maroc. Le pays peut procéder à un tirage sur une ligne de crédit modulable (LCM). « Sans conditionnalité » et « sans limite supérieure », explique le Chef de mission du FMI au Maroc, pourrait s’avérer plus avantageuse.

Néanmoins, encore reste-t-il de voir si le Maroc est « qualifié » pour l’octroi de la LCM.  « Nous avons discuté la possibilité de renouveler la LPL et il y a la possibilité de penser à une ligne modulable (LCM) », affirme le Chef de mission du FMI au Maroc. Les discussions sont ainsi engagées pour déterminer « si le Maroc est effectivement qualifié pour l’octroi de cette ligne modulable », assure-t-il aussi.

Pour arriver à une conclusion, la situation financière et monétaire du Royaume ainsi que ses politiques et cadres institutionnel et juridique sont revus par le FMI, et le pays devra répondre à un nombre de critères qui pourraient s’avérer problématiques.

« Le processus pour obtenir une ligne modulable est un peu différent, dans le sens où le FMI réserve cette ligne aux pays qui ont un cadre de politique macro-économique très fort, alors que la qualification pour la LPL c’est pour les pays  qui ont un cadre fort », a expliqué M. Cardarelli.

« Fort » et « très fort », a insisté le responsable du FMI, laissant entendre que tout dépendra cette nuance. Comme le dit le proverbe : « le diable se cache dans les détails ». Pour le Maroc, dans ces nuances et petits détails se cachent des ajustements significatifs, et le pays sera amené à fournir des efforts laborieux pour répondre aux exigences du Fonds monétaire. « Il y a également des discussions en cours sur des changements qui seront nécessaires pour avancer les discussions autour de la LCM », a-t-il ajouté, évoquant des « contraintes » et des « difficultés ».

La première de ces contraintes est le classement du Maroc sur la liste grise de GAFI. En effet, l’organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme avait maintenu le Maroc dans la liste de pays ayant des lacunes dans les lois nationales relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, mais qui se sont engagés à mettre en œuvre des plans d’action dans les délais impartis pour améliorer leurs conditions. Cela « soulève des questions sur la possibilité de conclure si le Maroc a un cadre de supervision financière très fort », note M. Cardarelli. « Le fait que le Maroc est sur la liste grise signifie qu’il y a des choses à faire pour qu’il se dote d’un cadre de supervision financière très fort », ajoute-t-il.

Alors que le pays risque de faire face à un besoin budgétaire urgent, des améliorations à court terme peuvent s’avérer « difficiles », estime le responsable au FMI. « Cette discussion sur la possibilité de renforcer le cadre institutionnel budgétaire à travers l’évolution du cadre fiscale et budgétaire au moyen terme, est quelque chose que le Maroc trouvera une difficulté à faire, puisque  la programmation budgétaire est déjà en place et la préparation du budget devait passer sous cette programmation sur trois années », détaille-t-il, regrettant qu’il serait « difficile d’ajouter ce programme à moyen terme ».

Bien que le responsable du FMI de parle de difficultés persistantes, malgré le progrès « très important » réalisé par le Maroc dans le cadre de l’implémentation du plan d’action GAFI et du renforcement du cadre politique, le Wali de BAM, quant à lui, rassure qu’il ne reste au Maroc que de parcourir les « derniers 100 mètres ». A l’issue du Conseil d’Administration de BAM tenu au début de la semaine, M.Jouahri, avait souligné que les efforts sont déployés par des institutions telles que la Banque centrale, les douanes, le ministère public et le ministère de l’Économie et des finances.« Nous sommes dans les dernières étapes du parcours permettant de répondre aux recommandations de cet organe, et nous espérons quitter la liste grise en septembre », avait-t-il confié.

Un constat partagé par le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, Jihad Azour, a également noté que « sur 10 ans de grandes réformes », le Maroc a réalisé des « progrès importants » sur l’implémentation du cadre GAFI.

Le recours à un tirage sur une ligne de crédit du FMI reste tributaire de nombreuses conditions, notamment dans une conjoncture mondiale incertaine. Pourtant, une chose est sûre : les discussions progressent, et comme l’ont fait savoir les responsables, il faudra attendre fin septembre pour savoir si le plan du Maroc de procéder à une sortie sur le marché international avancera et pour connaître sous quelles conditions cela se fera.

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