Imprécision, manque d’entretien et perte d’eau, les projets de barrages sous la loupe de la Cour des comptes

Dans son rapport annuel 2022-2023, la Cour des comptes a mis en évidence des lacunes préoccupantes dans la gestion et l’entretien des barrages, soulignant la responsabilité du ministère de l’Équipement et de l’Eau. La Cour des comptes a révélé avoir transmis 18 dossiers à caractère pénal entre janvier 2022 et octobre 2023 au parquet. Ces dossiers concernent des actes de pillage de l’argent public.

 

Les données révélées par la Cour des comptes mettent en évidence un manque de rigueur dans l’entretien des barrages en boue, ce qui conduit à l’épuisement progressif des réserves nationales. En effet, le volume total de boue accumulée est estimé à 2,24 milliards de mètres cubes, soit environ 12,72 % de la capacité totale des barrages évaluée à 17,6 milliards de mètres cubes.

Le rapport souligne que le ministère de tutelle ne répond pas aux normes recommandées en matière d’entretien des barrages, telles que définies dans le Plan National de l’Eau pour la période 2010-2030. Ce plan préconise d’augmenter le budget alloué à l’entretien des barrages à hauteur de 0,5 % du volume total des investissements, contre 0,3 % actuellement.

La Cour des comptes constate que le ministère n’a pas encore atteint ce pourcentage recommandé et que plus de la moitié des grands barrages (soit 81 barrages) ont plus de 30 ans, nécessitant ainsi des efforts considérables en termes d’entretien régulier voire de réparations majeures.

En outre, le rapport souligne que malgré les mesures prises pour lutter contre l’érosion, le taux annuel d’envasement des barrages demeure élevé, entraînant ainsi une perte annuelle d’environ 75 millions de mètres cubes de capacité de stockage, selon le projet de Plan National de l’Eau de 2015. Cette situation est en conformité avec les estimations de la Stratégie Nationale de l’Eau de 2000.

En ce qui concerne le projet de système d’information sur l’eau, la Cour des comptes constate que le ministère de l’Eau ne dispose pas de données sur l’état de 87 grands et moyens barrages, ce qui complique l’évaluation de la valeur de ces installations.

Le rapport met également en évidence un retard dans la mise en œuvre du projet de système d’information lié à l’eau, prévu par la loi n° 36.15 relative à l’eau. Bien que lancé en 2016, le projet n’a été achevé qu’à la fin de l’année 2022, alors que la date limite fixée était novembre 2019. Ce retard est principalement attribué à l’incapacité de mobiliser les parties concernées (secteurs ministériels et institutions publiques) pour fournir les données nécessaires à la finalisation de ce projet majeur.

18 dossiers criminels pour délits de pillage transmis au Ministère Public

Le rapport souligne que le procureur général du Roi près le Conseil Supérieur des Comptes soumet au procureur général du Roi près la Cour de cassation – le procureur général de la République – les infractions découvertes par le Conseil ou les conseils régionaux des comptes, susceptibles de nécessiter des sanctions pénales. Cela est conforme aux dispositions des articles 111 et 162 du code judiciaire financier.

Il est précisé que certains actes, en raison de leur poursuite devant les juridictions financières, peuvent également relever de délits portant atteinte aux fonds publics. L’article 111 du Code judiciaire financier stipule que les poursuites devant les juridictions financières n’empêchent pas la mise en œuvre de poursuites pénales.

Le rapport souligne le principe de la possibilité de cumul des sanctions, basé sur le fait que les éléments de responsabilité en matière de discipline liée aux affaires budgétaires et financières diffèrent de ceux liés à la responsabilité pénale. En effet, la responsabilité pénale vise à punir les manquements au devoir d’intégrité et de préservation de la fiabilité, alors que la responsabilité disciplinaire en matière financière est de nature administrative et punitive. Cette dernière ne requiert pas d’élément moral et se fonde sur la fonction de l’agent en charge et l’exécution des tâches qui lui sont confiées conformément aux lois et règlements applicables dans le secteur public. Elle vise également, à travers des sanctions pécuniaires, à protéger les finances publiques.

Selon la Cour, ce système est régi par des règles juridiques spécifiques garantissant la mise en place d’un cadre rigoureux pour lutter contre le pillage de l’argent public et assurer la responsabilisation des acteurs impliqués dans ces actes répréhensibles.

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