Le Maroc et les élucubrations calamiteuses de la revue algérienne « Al-Jaïch »
Par Hassan Alaoui
La revue « Al-Jaïch », produite et réalisée par l’armée d’Algérie, rédigée dans un style digne de la « Pravda » soviétique n’en démord pas.
Porte-parole de l’ANP, fidèle reflet de l’hostilité du pouvoir à l’endroit du Maroc, elle n’a de cesse de publier régulièrement des articles respirant, outre de vulgaires menaces, de fausses informations, s’inventant même une vocation de réécrire l’histoire en la falsifiant de manière révisionniste pourvu qu’elle dénigre le voisin marocain.
La démarche stalinienne nous interpelle, parce qu’elle s’inspire d’un révisionnisme de mauvais aloi. Ainsi, le dernier numéro de la revue « Al Jaïch », fidèle à sa culture ultra-mensongère vient de consacrer une partie de son dernier numéro au Maroc, rien que ça. Le journal « Al Khabar al-Jazairya » s’en fait l’écho avec ce titre racoleur qui ne sacrifie nullement à la mesure : « La revue Al Jaïch ouvre le feu sur le Maroc », écrit-il en manchette. L’article en question feint de s’interroger comme suit : « Qui a trahi le héros numide Jugurtha l’année 104 avant JC ? Qui s’est retourné contre l’Emir Abdelkader en décembre 1847 en s’alliant à l’ennemi français contre lui ? Qui a trahi les 5 héros et les a livrés à la France en octobre 1956 et qui a agressé notre pays en octobre 1963 alors que les plaies persistent en même temps qu’une volonté d’occuper Tindouf et Béchar… ».
La revue Al-Jaïch ne s’en tient pas à ce tissu de mensonges et de loufoqueries. Elle en vient au ton belliqueux voire aux menaces qui sont, au fond, l’objectif de cette démonstration sémantique et de falsification de la réalité. « Tant que l’Algérie, écrit le copiste de la revue, est exposée aux complots pour la déstabiliser et menacer sa sécurité, ses positions et ses décisions souveraines , elle relèvera – cette Algérie nouvelle – les défis et en sortira victorieuse, son drapeau « novembrien » hissé contre les campagnes hostiles dont les résultats sont condamnés et les objectifs dévoilés ». Si en effet le texte de ce lamento n’avait pas commencé par une mise en cause du Maroc, on eût cru qu’il provenait d’une planète Mars par exemple, tant il sent la médiocrité et le soufre…
L’éditorialiste de la revue Al-Jaïch ne croit pas si bien dire, parce qu’il n’y a rien à dire. L’histoire est têtue, et sa tentative de revenir à l’An 104 avant notre ère, à la guerre de l’Emir Abdelkader contre la France en 1844, que l’on appelle la « bataille d’Isly », nous en dit long sur la totale et scandaleuse méconnaissance et l’irrespect déplorable de la mémoire des deux peuples, marocain et algérien. On rappellera au chroniqueur de la revue de l’ANP que l’Emir Abdelkader – puisque c’est de lui qu’il s’agit – avait été désigné Khalifa du Sultan Moulay Abderrahmane et fut envoyé par ce dernier en Algérie pour accomplir le Jihad, la guerre sainte contre les Français. Charles-André Julien, grand historien s’il en est et que l’on ne peut soupçonner de sentiments anti-algériens explique cet épisode avec saveur dans son livre majeur : « Le Maroc face aux impérialismes 1415-1956 » .
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Voici ce qu’il écrit : « L’Emir Abdelqader consentait à agir en qualité de Khalifa du sultan, reprenait le Jihad en Algérie. Essaouira pavoisa après son entrée dans Tlemcen (1836). L’occupation de la Mitidja excita même chez les populations de l’intérieur( du Maroc) un mouvement très prononcé de sympathie selon le vice-consul de France à Tanger qui constatait l’empressement des Marocains à remplir le devoir que leur religion leur impose de contribuer au succès de la guerre sainte en envoyant gratuitement des chevaux, des bêtes de somme, et des provisions de toutes sortes, cependant que les riches y joignaient les présents en numéraire ». Mieux : « Les Oulémas de Fès reconnurent par une Fatwa la vocation religieuse de l’Emir Abdelqader et le Sultan constitua à Fès des stocks d’armes que des caravanes acheminaient vers les places algériennes par Taza et Oujda…Quelle que fût leur situation sociale, les Marocains se sentirent solidaires de la résistance algérienne ».
Voici donc un témoignage on ne peut plus limpide et irrévocable de l’un des plus prestigieux historiens, ayant vécu le plus clair de son temps en Algérie de surcroît. Un document en somme que le lampiste intellectuel de la revue Al-Jaïch n’a apparemment jamais lu, assez pour nous éclairer non seulement sur une ignorance aggravée mais doublée de la pire mauvaise foi : travestir l’histoire !
L’ignorance du thuriféraire de l’ANP est encore plus criarde quand il croit glisser, par inadvertance volontaire, une trahison marocaine faite en…l’An 104 au Roi numide, Jugurtha…On ne sait s’il faut prendre cette boutade pour un lard ou un cochon ? Une remarque s’impose a priori : l’auteur de la revue Al-Jaïch reconnait malgré lui le millénarisme du Royaume du Maroc qui remonte, au moins, à l’An 104 avant J.C…Le même auteur qui ne vérifie pas non plus ses sources et en fait une lecture pire que sommaire inclut, à son corps défendant, la Maurétanie ( aujourd’hui Mauritanie) dans le Maroc…Car, le Roi Jugurtha comme le veut la légende a été livré en effet en l’An 104 à ses ennemis.
Autre et suprême ignominie du « postier de service » dit journaliste d’Al-Jaïch qui parle de la trahison du Maroc d’octobre 1956 quand cinq dirigeants et non des moindres du FLN furent arrêtés à par les forces d’occupation françaises à l’aéroport de Rabat au moment où il s’apprêtaient à prendre l’avion pour Tunis. Il s’agit d’Ahmed Ben Bella, figure emblématique de la guerre de libération , d’Hocine Aït Hamed, de Mohammed Boudiaf, Mostefa Lacheraf et Mohammed Khider . Là encore la mauvaise foi le dispute à l’embrouillamini volontaire d’Al-Jaïch. Nous laissons la prestigieuse revue « Hérodote » apporter l’éclairage nécessaire à cette affaire que les sbires algériens ne cessent de réinventer comme un phénix qui renait de ses cendres : « Au moment du départ, sur le tarmac de l’aéroport de Rabat, après avoir salué le prince héritier Moulay Hassan, futur roi Hassan II, les Cinq manquent de se tromper d’avion et confondent le vol d’Oran (Algérie) avec celui de Tunis ».
Au registre de l’ignorance, on ne saurait mieux dire ni trouver. En revanche, à celui de la compilation stalinienne, digne de la Guépéou soviétique, nous sommes gâtés. Les réseaux sociaux algériens proches du pouvoir algérien se sont emparés de l’éditorial de la revue « Al Jaïch » et se sont donné à cœur joie à la lecture du passage sur le Maroc. Le site « Awras » s’est même surpassé, reprenant à son compte une déclaration du général Saïd Benchriha affirmant que, par deux fois, « l’armée algérienne s’était abstenue d’intervenir , la première fois en 1971 et la seconde en 1972, à la faveur des tentatives des coups d’Etat contre le Roi Hassan II » ! Il ne manquerait plus que ça ….Un internaute, du nom de Oualid Kébir a tout de même rappelé au général chamarré qu’en vertu de l’accord signé en 1969 ( à Ifrane) par les deux chefs d’Etat, Hassan II et Boumediene, il était clairement stipulé qu’aucune « agression ou violation du territoire de l’un ou l’autre pays ne serait tolérée… ». Le même précise que « le régime algérien viole les accords et les promesses et renie l’histoire et le destin commun des peuples, contribuant à la déstabilisation de la région du Maghreb ».
La propagande de l’armée algérienne ne se limite pas à la diffusion acharnée des fausses informations, elle est menée tambour battant avec une série de vidéo vantant non sans démesure les équipements acquis auprès de la Russie, nous livrant un spectral florilège de lance-missiles, de batteries d’interception, de téléradio, de tanks et de chars, d’hélicoptères et tout ce qui amuse la galerie et doit effrayer…le Maroc ! Voyons donc ! Un articulet nous apprend par ailleurs que l’Algérie et la rasd ont finalisé un « accord sur la délimitation de leurs frontières arrêtées en juin dernier entre , côté algérien le général Omar Farouk Zerhouni et Sidi Oughal, côté polisario » ! Le fantasme nourrit le mensonge dans une Algérie « bouffée » par le tropisme atlantique…
Est-ce à dire, dans ces conditions, que la revue « Al-Jaïch », passée orfèvre dans la surenchère idéologique, passant outre la pudeur proverbiale nous sidère avec ses transgressions de l’histoire et de la mémoire.