L’État et l’esprit arabe : le dilemme de la raison d’État

L’État, ce fardeau institutionnel est un mécanisme indispensable pour chaque nation pour préserver la survie de sa société, mais également, pour imposer une certaine légitimité de son action sur le plan international. Cette forme politique est un exercice quotidien qui relève d’un ensemble de défis à relever par les composantes d’une entité de population et ce, pour maintenir un certain degré de coexistence socio-politique.

L’esprit arabe, notamment dans sa dimension culturelle caractérisée par une spécifiée religieuse, converge avec cette philosophie de l’État principalement dans le sens de sa définition proprement ‘’laïque’’. Or, cette formule institutionnelle, dans son état le plus machinal, dérange le plus souvent le courant le plus conservateur du Monde arabe. Si, d’un point de vue classiquement étatique, l’État doit veiller sur le respect d’une certaine neutralité dans la gestion des affaires politiques et publiques, cette interférence dans l’esprit arabe entre l’institutionnel de l’État et l’héritage socio-religieux réside dans un certain nombre de blocage et une coexistence harmonieuse entre l’esprit du monde arabe et la raison institutionnelle de l’État.

La raison d’État, ce principe au nom duquel un État s’autorise à violer le droit au nom d’un critère supérieur, est un fondement largement répondu dans les pratiques politiques de ceux qui sont au pouvoir, notamment dans un contexte de sécurité ou des menaces légitimes aux yeux des décideurs. En revanche, cette notion, communément empruntée pour légitimer les actions de plusieurs États arabes contre un certain nombre de manifestations, est critiquée par une grande majorité des associations et organismes qui veillent sur les dossiers des droits de la personne et libertés publiques.

Cette convergence entre un principe politiquement légal et une philosophie juridiquement motivée par un respect des droits de la personne et des libertés publiques, constitue une piste de discussion souvent sans issue quant à la méthode de l’usage de ce principe de « la raison d’État ». Un principe qui reste très relatif puisqu’il est souvent différemment interprété selon la culture, l’histoire et l’expérience politique du pays et ses composantes socio-publiques. Souvent évoquer les moments d’une faiblesse institutionnelle, ce concept politique, suscite un débat juridico-politique encore plus mûr et sage dans les sphères de discussion du monde Arabe.

Le dilemme entre culture régionale et système politique démocratique à l’occidental, réside derrière une certaine incohérence dans la conception d’un État moderne, démocratiquement reconnu, sur cette partie du globe. Le trait religieux, notamment chez les courants les plus conservateurs, est souvent mis de l’avant pour contester des modalités organisationnelles propres à la structure systémique de l’État telle qu’elle est reconnue dans le monde contemporain. Or, s’il y a une résistance conservatrice d’un côté, plusieurs entités militent davantage afin de concrétiser le rêve d’un État démocratique à l’instar des pays développés. Un État qui veille au respect des droits et des libertés publiques, mais qui conserve les particularités spécifiques de la région et ce sans nuire au fonctionnement démocratique de l’État moderne à l’image d’une démocratie digne d’une politique juste et prometteuse.

 

Par Moulay Hicham MOUATADID

Politologue, auteur et chercheur en études politiques publiques et internationales, Université de Sherbrooke

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