Maroc/Saint-Siège : Une longue histoire de fraternité

Souad Mekkaoui 

Si la visite du Pape François, qui a laissé des images fortes, est une opportunité pour promouvoir le dialogue, le respect et la tolérance entre les religions, le caractère multidimensionnel est aussi d’une importance capitale en cette période d’obscurantisme et de haine. Elle représente surtout un nouveau point de départ et une rencontre qui nous change et nous relance dans la volonté d’oeuvrer pour le bien d’une grande et unique famille humaine à un moment où le monde a grand besoin de retrouver des repères émanant de grands dirigeants spirituels. C’est aussi l’aboutissement d’une longue histoire entre l’islam et le christianisme. D’ailleurs, le Vatican se prépare à la commémoration du 800e anniversaire de la rencontre historique entre Saint-François d’Assise et le Sultan d’Egypte Al Kamil en 1219, qui symbolisait la paix, le vivre ensemble et le dialogue interreligieux.

En effet, en Serviteur d’Espérance, la première visite du Souverain pontife d’un pays du Maghreb, porte en elle les valeurs de la paix dans le monde qui ne peut se réaliser sans un dialogue interreligieux entre les religions monothéistes. Cette visite pontificale, qui est loin d’être la première, s’inscrit donc dans un continuum de relations diplomatiques et religieuses, à la fois notamment sous l’égide du Roi Mohammed VI qui a toujours été garant des libertés religieuses : « Cette symbiose est notre réalité. Elle se matérialise par des mosquées, des églises et des synagogues qui, depuis toujours, se côtoient dans les villes du Royaume.

Nous, Roi du Maroc, Amir Al Mouminine, Nous Nous portons Garant du libre exercice des cultes. Nous sommes le Commandeur de tous les croyants.
En tant que Commandeur des Croyants, Je ne peux parler de Terre d’Islam, comme si n’y vivaient que des musulmans. Je veille, effectivement, au libre exercice des religions du Livre et Je le garantis. Je protège les juifs marocains et les chrétiens d’autres pays qui vivent au Maroc », dira le Souverain dans son dernier discours face au Pape.

Aujourd’hui et plus que jamais nous avons besoin de cultiver l’unité dans la diversité. Les déplacements apostoliques dans les différents pays revêtent donc une importance capitale dans la promotion des valeurs humaines dans un contexte de conflits politiques et économiques.

Une entente séculaire

Qui ne se rappelle pas de l’image fort émouvante du Pape Jean-Paul II baisant le sol marocain, lors de sa visite historique en 1985 ? N’est-ce pas un geste lourd de sens brandi à la face du monde et suivi par une rencontre avec 80.000 jeunes musulmans, réunis dans le stade de Casablanca pour écouter le grand discours du chef suprême de l’église, invitant musulmans et chrétiens à mieux se connaître pour bannir la haine et construire la paix, un discours devenu la charte du dialogue islamo-chrétien ? Le Maroc ayant été le premier pays musulman visité par un Souverain pontife, cette visite avait eu lieu une année après la promulgation d’un Dahir Royal confirmant le statut de l’Eglise catholique au Royaume et son droit d’exercer, publiquement, ses activités, en particulier, celles relatives au culte, au magistère, à la juridiction interne, à la bienfaisance de ses fidèles et à l’enseignement religieux, créant ainsi un cadre législatif pour une coexistence paisible entre musulmans et catholiques. Les relations entre le Vatican et le Maroc étaient ainsi étroitement renforcées.

Or ce rapprochement ne date pas de ce siècle puisque ses contours se sont tracés déjà à travers les premiers contacts entre les souverains marocains et l’Eglise catholique, sous les Almoravides (1061-1147). De fait, le Sultan Moulay Hassan envoie une délégation au pape Léon XIII, en 1888, pour lui présenter ses voeux à l’occasion d’un événement religieux, en signe de fraternité entre les religions. Plus tard, plus précisément en 1960, Abdellah Ibrahim, président du Conseil de gouvernement sous le règne de Mohammed V, rencontre le Pape Jean XXIII.

Et c’est la visite officielle de feu Sa Majesté le Roi Hassan II au Vatican, en 1980, qui donnera un autre souffle à une dynamique symbolique surtout qu’il était le premier Chef d’Etat musulman qui allait à la rencontre du Souverain pontife à Rome. Celui-ci effectuera, à son tour, une visite historique au Maroc pour renforcer et inscrire dans la pérennité un dialogue interreligieux entre l’Eglise chrétienne et l’islam.

Au Maroc, la Nonciature apostolique du Vatican à Rabat a été ouverte en 1988. Monseigneur Vito Rallo étant nommé ambassadeur, cette structure représente l’une des 115 représentations diplomatiques et consulaires du Saint-Siège dans le monde.

Par ailleurs, l’ouverture, en 1997, d’une ambassade du Maroc auprès du Saint-Siège n’était donc que la suite logique d’une volonté de consolider les relations diplomatiques entre les deux Etats. Toutefois, des propos offensants du Pape Benoît XVI contre l’Islam, le 12 septembre 2006, à l’université de Ratisbonne, dans le sud de l’Allemagne, où le Souverain pontife a tenu des déclarations laissant entendre l’existence de relations entre l’Islam, la violence et l’absence de recours à la raison, contrairement au christianisme, poussent le Maroc à rappeler Ali Achour, l’ambassadeur du Royaume au Vatican, le 17 septembre 2006. Ces déclarations ont suscité une vague de protestations dans le monde musulman mais le Maroc était le premier à réagir.

Et c’est en août 2018, que le Souverain a nommé Madame Rajaa Naji Mekkaoui, ambassadeur du Maroc au Vatican. Un choix qui n’est pas fortuit puisqu’il s’agit d’une théologienne, juriste qui a été membre de la Haute instance du dialogue national sur la réforme de la Justice et membre du Conseil des Oulémas.

Par la suite, le Roi Mohammed VI réagira à la visite du premier ministre israélien au Pontificat, en 2013, en mettant en garde le Pape quant aux conséquences d’un éventuel accord « injuste » entre le Vatican et Israël à propos d’Al-Qods. L’accord ne sera finalement pas signé.

L’unité dans la diversité

Aujourd’hui et plus que jamais nous avons besoin de cultiver l’unité dans la diversité. Les déplacements apostoliques dans les différents pays revêtent donc une importance capitale dans la promotion des valeurs humaines dans un contexte de conflits politiques et économiques.

Toutefois, la visite du Pape François au Maroc a, bel et bien, laissé des images fortes, étant bien différente de celles effectuées dans d’autres pays comme la Jordanie en 2014, Al-Azhar en avril 2017 ou aux Emirats en 2019, eu égard à la symbolique des institutions religieuses et aux statuts du Souverain pontife qui est le chef suprême de l’Eglise catholique et du Roi Mohammed VI, en sa qualité du Commandeur des croyants. Les deux oeuvrant, bien entendu, pour la paix, la promotion de l’entente entre les peuples, la solidarité et le vivre ensemble, indépendamment des origines ou des religions, dans un monde perturbé par le racisme et la haine envers les étrangers, plus particulièrement les musulmans, et secoué par les actes terroristes qui n’épargnent aucun pays. Sans parler du flux migratoire que certains pointent comme étant le préambule du « Grand remplacement ».

C’est dans ce sens que Sa Majesté le Roi Mohammed VI, marchant dans les traces de son père et couronnant une histoire commune entre le Royaume et l’Eglise catholique, effectue sa première visite officielle au Vatican, en 2000, pour rencontrer le Pape Jean-Paul II et promouvoir la culture de l’unité dans la diversité et de la paix entre les religions dans le monde allant même au-delà de la tolérance : « Les trois religions abrahamiques n’existent pas pour se tolérer, par résignation fataliste ou acceptance altière » dira Sa Majesté le Roi dans son discours à l’occasion de la visite du Pape François au Maroc

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