Mer Rouge : le commerce mondial entre dans une zone de turbulence

La mer Rouge, qui relie l’Asie à l’Europe et à l’Afrique, est l’une des voies maritimes les plus stratégiques du monde. Elle permet le passage de près de 10 % du commerce mondial, dont une grande partie du pétrole et du gaz naturel. Or, depuis plusieurs semaines, cette route est menacée par les attaques des rebelles houthis du Yémen, qui cherchent à riposter à l’intervention militaire israélienne à Gaza. Ces attaques ont des répercussions importantes sur les économies régionales et mondiales, qui subissent des perturbations du transport maritime, une hausse des coûts des biens de consommation et une pression inflationniste.

Le canal de Suez, qui relie la mer Rouge à la mer Méditerranée, est l’un des principaux atouts de la mer Rouge. Il permet de réduire de moitié la distance entre l’Asie et l’Europe, et d’éviter le contournement de l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Il est emprunté chaque année par plus de 18 000 navires, dont environ 1 000 pétroliers, qui transportent environ 10 % du pétrole mondial et 8 % du gaz naturel liquéfié (GNL).

Toutefois, le canal de Suez est devenu une cible privilégiée des houthis, qui ont lancé plusieurs attaques à l’aide de drones, de missiles et de mines marines. Ces attaques ont provoqué des dommages aux infrastructures, des retards, des blocages et des annulations de traversées. Selon une note de recherche du MUFG, une banque japonaise, les attaques de la mer Rouge ont entraîné « le plus grand détournement de commerce international depuis des décennies ». Les cinq plus grandes compagnies de transport de conteneurs du monde, qui représentent environ 65 % de la capacité maritime mondiale, ont décidé de suspendre le passage par le canal de Suez, ce qui a fait chuter le trafic de 39 % depuis début décembre 2023, et le tonnage de fret de 45 %, selon les données de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Une augmentation des coûts de transport et des prix des biens de consommation

Face aux risques liés au canal de Suez, de nombreux navires et pétroliers ont opté pour la voie alternative du cap de Bonne-Espérance, qui rallonge considérablement le temps et la distance de transport. Selon les données du LSEG, une société britannique de services financiers, les temps de transit d’un pétrolier Suezmax ont augmenté de 16 à 32 jours en moyenne, ce qui représente un surcoût de carburant de 300 000 à 400 000 dollars par voyage.

Ces coûts supplémentaires se répercutent sur les prix facturés pour le transport de marchandises entre l’Asie et l’Europe, qui ont connu une forte hausse. Selon Jan Hoffmann, chef de la logistique commerciale à la CNUCED, les tarifs moyens des frais d’expédition depuis Shanghai ont plus que doublé depuis début décembre 2023, et ceux vers l’Europe ont plus que triplé. Ceux vers la côte ouest des États-Unis ont également augmenté, même si cette dernière catégorie ne concerne généralement pas le canal de Suez.

Cette inflation du transport maritime a des conséquences sur les prix des biens de consommation, qui sont susceptibles d’augmenter en raison de la hausse des coûts d’importation. Cela pourrait peser sur le pouvoir d’achat des ménages, et alimenter l’inflation mondiale, qui est déjà sous la pression de la reprise économique post-pandémie et des politiques monétaires accommodantes des banques centrales.

Une pression sur l’économie égyptienne

L’économie égyptienne est l’une des plus touchées par les attaques de la mer Rouge, car elle dépend largement des revenus du canal de Suez, qui représentent environ 2 % de son produit intérieur brut (PIB). Selon les chiffres de l’Autorité du canal de Suez, les recettes du canal ont baissé de 5,8 % en 2023, passant de 5,8 milliards de dollars en 2022 à 5,5 milliards de dollars en 2023. Cette baisse s’explique par la diminution du nombre de navires qui ont emprunté le canal, qui est passé de 18 829 en 2022 à 11 418 en 2023, soit une chute de 39,3 %.

Cette situation met à mal les finances publiques de l’Égypte, qui sont déjà fragilisées par la crise sanitaire et la récession économique. Le pays a dû recourir à l’aide du Fonds monétaire international (FMI), qui lui a accordé un prêt de 5,2 milliards de dollars en juin 2020, et un autre de 1,7 milliard de dollars en novembre 2020. Le gouvernement égyptien a également lancé un plan de relance de 6,4 milliards de dollars, qui vise à soutenir les secteurs les plus affectés par la pandémie, tels que le tourisme, l’industrie et l’agriculture.

L’Égypte espère que les attaques de la mer Rouge cesseront rapidement, et que le trafic sur le canal de Suez reprendra son cours normal. Le pays mise également sur le projet de modernisation du canal, qui vise à augmenter sa capacité, sa sécurité et sa rentabilité. Ce projet, lancé en 2014, comprend le creusement d’un nouveau canal parallèle, l’élargissement et l’approfondissement de certaines parties du canal existant, et la construction de nouveaux ports et zones industrielles le long du canal. Le coût total du projet est estimé à 8,2 milliards de dollars, et sa durée à 15 ans.

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