Relance du tourisme : les agences de voyage réclament justice

Par Mouhamet NDIONGUE

Traqués par les huissiers de justice, les agences de voyages sont prises à la gorge par les conséquences de la pandémie. En plus des crédits immobiliers et de consommation qu’ils n’arrivent plus à payer, en sus des poursuites judiciaires, les chefs d’entreprises des agences de voyages se sentent abandonnés par le gouvernement. Avec toutes les difficultés qu’ils vivent, la répartition des 2 milliards des fonds de relance du tourisme, vient remuer une plaie qui a du mal à se refermer. « Il vaut mieux en rester à une crise économique plutôt qu’une crise sociale », soutient Mme Hayat Jabrane

Pour faire face à la crise qui frappe le secteur du tourisme, le gouvernement a affecté deux milliards de dirhams aux professionnels du secteur pour soutenir les entreprises touristiques touchées par les mesures sanitaires, notamment la fermeture des frontières.

Les entreprises fortement dépendantes du tourisme sont particulièrement touchées par les mesures prises par le gouvernement, telles que la suspension des voyages internationaux. En clair, la fermeture des frontières.

Pour calmer la colère des professionnels, qui ont surtout subi de lourdes pertes avec cette décision de fermeture, le gouvernement a mis en place un plan d’aide qui a été présenté par la ministre du Tourisme et Artisanat, Fatim-Zahra Ammor, lors d’une réunion présidée par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, en présence de la ministre des Finances, Nadia Fettah Alaoui et du Vice-ministre du budget Fouzi Lekjaa.

Le budget prévoit, entre autres, de poursuivre le paquet de soutien salarial (2000 DH) au premier trimestre 2022 pour tous les salariés du secteur du tourisme, du transport touristique et d’une partie de la restauration. Les employeurs sont également exonérés de la cotisation de sécurité sociale (CNSS) pendant une période de six mois.

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Le plan comprend également l’exonération provisoire des taxes dues par l’industrie hôtelière pour les années 2020 et 2021. Ce volet du plan vise à soutenir les efforts d’investissement (maintenance, rénovation, formation, etc.) des entreprises qui souhaitent préparer la réouverture des frontières.

Cependant, les allocations de ce budget de relance posent un certain nombre d’ « incohérences » si on en juge tout l’écosystème du tourisme qui n’est pas inclus dans le budget.

Fermeture des frontières : l’effet surprise !

« La fermeture prolongée des frontières a achevé le secteur du tourisme» composé des hôtels, des agences de voyage, des transports touristiques, des restaurants… Le plus dur a été qu’elle est intervenue dans une période de haute saison où les hôtels avec des réservations ainsi que les agences de voyages commençaient à se relever un peu avec une petite lueur d’espoir. « Et tout d’un seul coup, on arrête tout, alors que durant la haute saison (décembre), les chiffres d’affaires sont en hausse », se désole Mme Hayat Jabrane, directrice d’Agence de voyage et ex-Secrétaire Générale de la Confédération Nationale du Tourisme (CNT).

Pourtant l’alibi Omicron qui avait été avancé ne tient plus, car depuis plusieurs semaines, le variant s’est confortablement installé au Maroc. « Je ne vois pas pourquoi on continue à fermer les frontières », se demande Mme Jabrane, qui précise que le variant Omicron est un danger qui ne viendra pas d’un touriste ou d’un citoyen marocain qui va rentrer au Maroc. D’ailleurs les personnes qui entrent dans le territoire sont vaccinées à deux ou trois doses en plus d’un test PCR qu’on peut leur demander à l’arrivée à l’aéroport. Pour elle, il n’y a aucune raison de fermer les frontières. Le danger c’est dans les rues surtout avec les personnes qui ne respectent pas les règles de protection (bavette, distanciation…), et cela est un danger permanent.

Le budget de la discorde

Malgré une campagne dynamique pour la réouverture des frontières, le gouvernement n’a pas inclus les agences de voyage pour le budget de relance. Elles se sentent ostracisées. Pour Mme Jabrane, c’est « scandaleux ». Très en colère contre le gouvernement, elle déclare que ses collègues se sentent « indignés » et «marginalisés», car les agences de voyages ont elles aussi subi cette crise comme tous les autres métiers. Pour ce plan d’urgence, « nous aussi nous avons besoin d’un soutien d’urgence et nous l’avons exprimé à travers un sit-in organisé devant le ministère du Tourisme », précise-t-elle.

Pour rappel, lors de cette manifestation, les agences de voyage avaient remis à la ministre de tutelle « les mêmes doléances » que la CNT a présentées et d’un commun accord avec le ministère.

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Sur l’initiative des mesures de soutien, c’est bien d’avoir mis en place un plan d’urgence pour sauver l’industrie hôtelière et le transport touristique. Au demeurant, les hôteliers ont plus de charges au vu des lourds investissements qui y sont faits. L’autre équation c’est le modus operandi et les mécanismes qui seront mis en place pour ce plan de relance. A ce titre, Mme Jabrane rappelle que les agences de voyages font partie de l’écosystème du tourisme marocain. Sur ce point, Othman Chérif Alami propose de « sécuriser au maximum le déploiement de ces mesures ». Le président du CRT de Casablanca-Settat soutient que « ces déclarations doivent être accompagnées pour assouplir les procédures et pour ce faire, il faut un décret d’application le plus tôt possible afin de mettre en œuvre cette mesure. »

Bien sûr, il y a les indemnités de la CNSS, notamment les de 2000 dirhams, « oui ça aide pendant deux à trois mois, mais pendant deux ans, c’est impossible ». A regarder les chefs d’entreprises, avec toutes les charges, c’est impossible, il faut que l’Etat intervienne davantage pour ce secteur.

Tenaillés entre le loyer, les impôts qu’on leur demande de payer ainsi que les crédits Relance et Oxygène contractés pour pouvoir survivre ces 2 années, les chefs d’entreprise ne savent plus comment faire face aux contrecoups de la crise, sans compter qu’ils doivent commencer à payer les crédits Relance et Oxygène en janvier 2022, mais la crise sanitaire est toujours là. Toutefois, cette exclusion dans le plan de relance ne vient pas arranger les choses.

« Pour bénéficier du plan de la relance économique, nous allons continuer à dénoncer et à organiser des sit-in », promet Mme Hayat Jabrane, directrice d’Agence de voyage, qui avec ses collègues vont « mettre la pression » jusqu’à ce qu’ils soient inclus dans le plan de relance. « Il vaut mieux en rester à une crise économique plutôt qu’une crise sociale. », a-t-elle averti.

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