La stratégie sécuritaire du Maroc, une approche globale et multidimensionnelle
Rudroneel Ghosh, journaliste basé à Delhi
Docteur en droit (Paris 2, 1988), spécialiste de droit international économique. Maître de conférences à l’Université Mohamed V et directrice de recherches au Centre d’études stratégiques de Rabat (en 1989). Madame Assia Bensalah Alaoui est aussi ambassadeur itinérant de S.M. Mohammed VI, elle a été cooptée comme coprésidente de l’Office de coopération économique pour la Méditerranée et l’Orient (OCEMO), lors de son assemblée générale du 3 juillet 2014 à Marseille. Elle est vice-présidente de l’Association d’amitié Maroc-Japon (AMJ), membre du Conseil d’orientation de « l’Institut royal d’études stratégiques» (l’IRES) de Rabat, membre des conseils d’administration de la «Moroccan-British Association», de la Bibliothéca Alexandrina, Alexandrie, Égypte, et de la Fondation Alaouite pour le développement humain en Afrique, ainsi que du Conseil consultatif international du CITpax (Centro International de Toledo para la Paz).
Nous publions ci-dessous un article que le grand journal « The Times of India » lui a consacré après sa contribution sur la politique de sécurité au Maroc, prononcée dans le cadre d’un Forum international.
Dans un discours perspicace à New Delhi (28 février) sur la stratégie sécuritaire du Maroc pour prévenir le terrorisme et contrer l’extrémisme, Dr Assia BenSalah Alaoui, ambassadrice itinérante du Roi Mohammed VI, a présenté un excellent exposé au nom du Royaume. Il est à rappeler que malgré les vents forts qui ont soufflé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) suite au Printemps arabe de 2011, le Maroc est resté une île de stabilité dans la région. Pendant ce temps, ses pays voisins dans la région dont la Tunisie – qui a connu une transition démocratique douloureuse -, l’Egypte – qui a connu une série de manifestations violentes et de contre-manifestations avant que l’armée ne prenne finalement le contrôle de la situation -, et la Libye où toutes les institutions ont été détruites alors que le pays a été envahi par plusieurs milices – ont vraiment souffert. Cela a créé des menaces dangereuses à la sécurité dans la région, acculant le Maroc à s’adapter et à mettre en place des systèmes pour contrer le terrorisme et l’extrémisme.
En fait, il existe un lien direct entre les bouleversements du Printemps arabe et la montée du terrorisme néo-islamiste, comme en témoignent les événements survenus dans la zone syro-irakienne ainsi qu’en Europe. Le printemps arabe a démoli ou considérablement affaibli l’architecture sécuritaire dans des pays comme la Libye et la Syrie. Ceci a donné une grande impulsion aux forces islamistes dans la région, qui étaient alors dotées d’armes, d’argent et d’autres motivations pour réaliser leur rêve d’un soi-disant califat islamique. C’est ainsi que l’organisation terroriste dite État islamique s’est revigorée en 2014, en attirant des fantassins de toute la région MENA ainsi que des pays d’Europe.
>>Lire aussi: La stratégie sécuritaire du Maroc, une approche globale et multidimensionnelle en matière de lutte contre le terrorisme
C’est dans ce contexte que le Maroc a dû reconfigurer sa stratégie sécuritaire. D’après Dr Alaoui, cette nouvelle stratégie repose sur six piliers. Premièrement, l’ambition de lutter contre le terrorisme en respectant la loi, Deuxièmement, l’adoption d’une approche holistique et multidimensionnelle au problème avec un accent particulier sur la prévention, Troisièmement, la promotion de l’islam modéré, Quatrièmement, la promotion de la coopération Sud-Sud avec ses Amis africains et d’autres partenaires, Cinquièmement, l’apport critique d’un leadership stable et dynamique, et Sixièmement, aborder la question du Sahara marocain à travers le processus de régionalisation et le plan d’autonomie.
Ensemble, ces mesures ont non seulement aidé le Maroc à éviter des actes terroristes majeurs – plus de 350 projets terroristes ont été avortés depuis 2002 – mais ont également aidé à en faire un partenaire fiable dans l’architecture actuelle de la sécurité mondiale. S’exprimant sur ces mesures, Dr Alaoui a détaillé la stratégie sécuritaire du Maroc sur le terrain. Elle était basée, selon cette diplomate, sur la restructuration de la police sous un commandement unique, l’implication des citoyens dans leur propre sécurité, l’adoption d’une politique de tolérance zéro envers tout complot terroriste, le renforcement de la responsabilité tout au long de l’appareil sécuritaire et la création d’une unité d’élite – le Bureau central d’investigations judiciaires – qui a été décrit comme le FBI marocain.
Alors que ces étapes représentent le bras sécuritaire actif de l’Etat marocain, la promotion de l’Islam modéré représente la vision sécuritaire à long terme pour juguler les racines du radicalisme. Axé sur la préservation de l’école Sunnite malékite modérée de la jurisprudence islamique, l’effort comprend le contrôle et l’homogénéisation des fatwas et des prêches du vendredi à travers un conseil d’oulémas. Le Maroc a, également, formé des imams et prédicateurs étrangers et a même ouvert l’Institut Mohammed VI pour la formation des imams, des morchidines, et des morchidates à Rabat où les candidats des pays africains et européens amis viennent se plonger dans les vrais principes pacifiques de l’Islam qui sont totalement compatibles avec les valeurs démocratiques modernes.
En outre, la Ligue Mohammedia des Oulémas se concentre sur la recherche et la prédication islamiques pour contrer l’interprétation erronée des préceptes de l’Islam par les extrémistes. Enfin, la Fondation Mohammed VI des Oulémas africains cherche à être une plate-forme pour les oulémas musulmans d’Afrique afin de rechercher, de coordonner et donner la bonne orientation de l’Islam en Afrique.
>>Lire aussi: La stratégie du Maroc en matière de lutte antiterroriste saluée à Washington
Le troisième aspect crucial est la politique du Maroc à l’égard du Sahara marocain. J’ai déjà écrit sur le statut de cette région et comment un différend artificiel a été soutenu ici par un groupe séparatiste appelé Front Polisario. Mais, le Sahara est le pont terrestre du Maroc vers le reste de l’Afrique. Afin de sécuriser cette région, le gouvernement marocain a investi des milliards de dollars dans le développement des provinces du Sahara. Malgré les défis géographiques, l’industrie de la pêche a été développée, l’agriculture a reçu une aide cruciale, l’infrastructure Internet à haut débit a été mise en place et des mesures incitatives ont été prises pour que les entreprises déménagent ici grâce à un régime d’imposition zéro.
En outre, de nombreux autres projets liés à l’éducation, au tourisme et aux énergies renouvelables ont déjà été lancés. Encore une fois, cela suit le modèle de l’approche sécuritaire marocaine selon laquelle investir dans l’individu est la meilleure garantie pour la sécurité. Et à travers le Sahara, le Maroc peut partager les fruits de son développement avec le reste de l’Afrique.
Tout cela montre que le Maroc est un acteur renforçant nettement la sécurité en Afrique du Nord avec des conséquences positives et significatives sur l’Europe et l’Afrique. Cela dit, l’ambassadrice a également été franche au sujet des défis auxquels le Maroc est confronté. La corruption et les inégalités continuent de constituer de gros problèmes au Maroc qui permettent aux forces extrémistes de pêcher dans des eaux troubles. Ainsi, l’Etat marocain, sous la direction du Roi Mohammed VI, a lancé une campagne sérieuse de lutte contre la corruption dans l’administration publique. Simultanément, il y a une poussée pour stimuler les investissements au Maroc dans le but de créer des emplois pour le nombre important de lauréats au chômage.
Une population active est moins sensible à l’attrait des extrémistes. Enfin, la région du Sahel en Afrique est en train de devenir un défi de sécurité avec l’arrivée de renseignements selon lesquels les restes du groupe terroriste « État islamique » ont trouvé refuge dans des pays ou l’appareil sécuritaire est faible. Selon Dr Alaoui, cela rend la sécurisation du Sahara marocain encore plus impérative.
Dans l’ensemble, le Maroc a fourni un excellent exemple de la façon de relever les nouveaux défis à la sécurité. Comme l’affirme Dr Assia Bensaleh Alaoui, investir dans la sécurité globale aujourd’hui, c’est comme acheter une assurance – c’est cher et l’effet n’est pas immédiat. Mais, il est absolument nécessaire de faire preuve de vigilance devant les forces destructrices qui sont devenues encore plus virulentes à l’ère des technologies. Ainsi, il est logique que les pays s’associent avec le Maroc pour améliorer la sécurité mondiale.