Syncope géopolitique : Histoire et mat

2ème partie

(…) La France a évoqué le principe du droit de suite pour venir en aide aux troupes espagnoles assiégées au Sahara.

En réalité, la France voulait faire achopper le plan de ces forces visant à étendre le combat dans tout le sud pour éventuellement libérer la Mauritanie.

D’où, huitièmement, troisième synthèse : une coopération d’obstruction anti-marocaine est exécutée alternativement, et en fonction des contraintes géopolitiques, depuis 1956, date de l’indépendance du Maroc.

Et c’est dans le même contexte qu’il faut insérer l’obsession de l’Algérie ( et d’autres intérêts diffus) à créer une entité fantoche au Sahara marocain.

Témoin en est la proposition de Houari Boumediene à Mokhtar Ould Daddah de se retirer des négociations tripartites (Espagne, Maroc, Mauritanie en 1975) sur le Sahara en contrepartie de la réalisation ultérieurement d’une confédération entre les deux pays à laquelle se joindrait plus tard ‘’l’entité sahraouie’’ si elle était créée.

Des révélations que l’ancien président mauritanien a consignées dans ses Mémoires parues en 2003. Mais déjà Boumediene pactait avec l’Espagne pour que le territoire bénéficie d’une autonomie dans le cadre des institutions espagnoles, en contrepartie d’un corridor sur l’Atlantique.

Parallèlement, Boumediene tentait de faire le plein de la tribu des rguibat, dont une bonne partie a été séduite pour aller s’installer à Tindouf.

L’obsession de conserver coûte que coûte les territoires acquis injustement grâce à la France, et lorgner ceux des voisins, selon le principe ‘’prêcher le faux pour avoir le vrai’’.

Il reste cependant à distinguer entre le vrai et le faux dans une équation stratégique à plusieurs inconnues.

Or à trop vouloir, sans en mesurer les conséquences, on finit toujours par ne rien avoir. Déjà sur les frontières de l’Est, les Tunisiens commencent à parler des territoires de leur pays injustement rattachés à l’Algérie.

Le Président Habib Bourguiba en avait fait la demande à la France en 1959, avant l’indépendance de l’Algérie. Il a réitéré la même demande lors du sommet tripartite l’ayant réuni à Houari Boumediene et Mouammar Kadhafi en 1972 à Kef lorsque ces derniers lui ont proposé de former une union regroupant les trois pays.

Bourguiba a revendiqué à la fois les territoires arrachés respectivement par la France et l’Italie et rattachés à l’Algérie et la Libye.

Curieusement, Kadhafi a toujours refusé de reconnaître le tracé des frontières de son pays avec l’Algérie; une position qui demeure celle de la Libye.

Par contre, Zine El Abidine Ben Ali, le président tunisien, a confirmé en 1995, le tracé des frontières concernant son pays, en contrepartie de l’exploitation commune des gisements de fer. La Tunisie attend toujours que d’Algérie respecte ses engagements.

Si bien que si l’Algérie s’aventurait davantage à jouer avec le feu sur la question du Sahara oriental, rien n’empêcherait les pays voisins de l’Algérie (Mali, Mauritanie, Niger et Tunisie) de revenir sur les accords frontaliers signés en 1983.

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D’où, neuvièmement, la quatrième synthèse : l’obsession de l’Algérie à se bricoler une histoire.

L’acharnement de ses médias et de certains chercheurs nés de la dernière pluie à brasser large et à s’approprier l’histoire et les symboles culturels dans un espace allant du Maroc aux lieux saints de l’Islam, ne s’expliquerait que par leur désarroi à assumer l’échec d’une révolution algérienne qui marque le pas dans presque tous les projets avant-gardistes qu’elle a sacralisés des décennies durant.

La hantise de l’appropriation est un tueur silencieux. Le prétexte « des ennemis extérieurs », qui encercleraient une révolution qui a tout réussi dans l’échec, a fait long feu.

Dans le sable mouvant, tout grain devient une rotative

D’où dixièmement, la cinquième synthèse : pourquoi l’Algérie ne tourne-t-elle pas la page de ‘la victimisation et de l’auto-flagellation ?

Pourquoi ne pas revenir à sa vraie identité, par la réforme voire la remise en cause d’un système qui voit sa légitimité s’éroder à force de croire que le sable mouvant dans lequel sont empêtrées ses élites au pouvoir bouge dans la bonne direction et va finir par les propulser en l’air et en avant ? Car dans le sable mouvant à force de bouger aléatoirement, on s’enfonce.

Les secours se font rares ; l’arrêt cardiaque n’est pas une fatalité imminente, mais il n’est en tout cas pas une option. Si on ne se ressaisit pas, la mort est inéluctable.

L’Algérie est un pays qui a des ressources considérables.

Pour peu qu’elle les mette au service de son développement et de son progrès (et éventuellement, plus tard, quand son économie est mise à niveau) au service de l’intégration régionale, elle gagnerait au change. Une région maghrébine forte qui serait une locomotive de celle englobant les pays de la CEDEAO.

Un premier pas serait de faire du gazoduc Nigéria-Maroc-Europe un complémentaire du gazoduc transsaharien Nigéria-Algérie-Europe qui viendrait épauler les autres gazoducs algériens.

Un deuxième pas serait de mettre fin à son entêtement pour aider à résoudre le conflit artificiel autour du Sahara.

S’enfermer dans l’appel à l’exercice du droit à l’autodétermination au Sahara sous prétexte que l’Algérie a eu son indépendance, grâce à la mise en œuvre de ce principe, est une insulte à l’intelligence des gens.

Reprocher au Maroc et à la Tunisie d’avoir -prétendument- retrouvé leur indépendance au détriment de la révolution algérienne, est un autre argument aussi absurde que saugrenu.

La France a organisé le référendum en Algérie parce que cette dernière n’était pas un État quand elle a été conquise en 1830.

En revanche, le Maroc et la Tunisie étaient des États indépendants avant l’arrivée des Français et c’est pourquoi ils ont bénéficié du statut de protectorats.

Du reste, les Accords d’Evian, signés en 1962, ont été sous forme d’actes de portée interne selon la législation française. Ils ont été publiés dans un ordre différent en France et en Algérie.

Le référendum d’autodétermination a porté sur la question : “ Voulez-vous que l’Algérie soit un État indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962? »

Le terme « coopérant »laisse entendre, selon de nombreux observateurs, l’existence d’un lien subtil de dépendance qui demeure la règle dans les relations tumultueuses entre les deux pays.

Si bien que les décideurs algériens sont appelés à définitivement se convaincre q’une entité étatique artificielle à la Boumediene au Sahara marocain est impossible. Pourquoi ?

Parce que non seulement le Maroc est dans son droit et ne se laissera pas faire, mais aussi parce que les puissances qui connaissent bien le dossier ne le veulent pas.

En fait, elles n’ont jamais eu l’intention de tolérer la création d’un État-tampon (entre le Maroc et la Mauritanie).

L’enfantillage diplomatique est plus ridicule que l’amateurisme politique. Organiser en mai dernier un match de football entre l’équipe mythique, la Mouloudiya Club d’Alger et une sélection ramassée à la dernière minute d’une entité artificielle, alors que les décideurs algériens refusent toujours le recensement des locataires des camps de Tindouf, comme l’exigent les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, depuis 2007, est un comportement hallucinatoire qui frôle la névrose.

Les conséquences d’une décision aussi gauche a été, entre autres, l’échec du président de la Fédération algérienne de Football à se faire élire au Bureau exécutif de la Confédération africaine de Football, vendredi dernier.

Le délégué algérien avait, l’année passée, tenté de faire admettre cette entité au sein de la CAF, comme au bon vieux temps où l’Algérie faisait le bon et le mauvais temps à l’OUA-UA.

Cela devait passer par l’amendement de l’article 4 des statuts de la CAF, déjà amendé en 2021, stipulant que seules les fédérations représentant les pays indépendants et membres des Nations Unies y sont éligibles. Une tentative ignorée de belle manière par les autres délégués.

Le mirage du leadership régional aux calendes grecques

Un troisième pas serait que l’Algérie travaille à consolider son unité nationale par réconcilier les Algériens avec leur histoire contemporaine, mais en l’assainissant de mythes et de contre-vérités, qui n’ont plus raison d’être.

Pourquoi ne pas faire comme l’Afrique du Sud laquelle, grâce à un homme visionnaire, comme Nelson Mandela, a fait le deuil de l’apartheid et réconcilié les Africains du Sud avec leur âme et conscience collective ?

Ceci au lieu de manipuler l’un des petits-fils de Mandela (dont la probité et l’honnêteté laissent à désirer), à l’occasion de la dernière CHAN (février-janvier 2023) pour verser sa haine contre le Maroc et marquer un point virtuel contre lui au moment où son dossier progresse et s’achemine vers une issue heureuse.

Et pourquoi ne pas faire, justement, comme le Maroc, qui a courageusement, grâce à son Roi visionnaire, tourné la page des années de plomb et ouvert un chantier prometteur de promotion authentique des droits de l’Homme ? Un chantier qui, malgré certains écueils dressés par inadvertance, marque des avancées saluées par les observateurs neutres.

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Oui, l’avortement de l’expérience démocratique en Algérie, en 1991, a eu lieu avec la complicité de forces obscures étrangères, qui n’étaient pas encore préparées à accepter l’arrivée de mouvements islamiques au pouvoir au Maghreb et au Proche Orient. Elles étaient encore traumatisées par la Révolution islamique en Iran (1979) qu’elles avaient pourtant provoquée et aidé à s’imposer, justement parce que le Shah d’Iran ne faisait plus l’affaire.

l’Algérie, un grand pays comme il est, pourrait reconnaître les crimes commis durant la décennie noire qui a meurtri un peuple martyr.

Elle pourrait amorcer une réconciliation nationale sincère et authentique au lieu de se contenter de l’habillage réalisé sous le premier mandat d’Abdelaziz Bouteflika entre 1999-2004.

Un quatrième pas serait d’abandonner son rêve de devenir le leader de l’Afrique du Nord, car le monde a changé. L’équilibre de pouvoir classique a pris un coup de vieux et ne se retrouve ni dans le schéma d’un système international bipolaire ni multipolaire.

De même que le système international actuel traverse une transition difficile et imprévisible dans laquelle la hiérarchie des acteurs est sujette à caution.

Par ailleurs, l’asymétrie politique et diplomatique entre acteurs à égalité de puissance avérée dans des sous-systèmes fragilisés par l’incohérence de certains décideurs, ne permet pas de terminer la course au leadership par un échec et mat entérinant la défaite ou l’abdication de l’un des protagonistes.

Si bien que le cinquième pas serait de se garder de voir le pays divisé en quatre entités indépendantes : la Kabylie, l’Azawad-touareg algérien, Constantine et région, Tindouf et régions et Alger et régions (retour aux sources quand Alger était propriété ottomane et achetée par la France en 1830).

De même, sixième pas: l’Algérie est appelée à revoir sa perception de la sécurité au Maghreb et dans la région du Sahel et du Sahara. Elle ne coopère pas avec ses voisins, notamment le Maroc, pour lutter contre les réseaux du crime organisé, notamment les groupes terroristes.

Bien que soupçonnée d’avoir été à l’origine de la création de certains groupes extrémistes, l’Algérie a sévi, sous l’œil complice de certains pays occidentaux, dont la France. Celle-ci est soupçonnée même d’avoir fait achopper le démarrage sous les bons auspices de l’Union du Maghreb arabe et avoir mis les bâtons dans les roues de la CEDEAO.

L’Algérie devrait, en conséquence, cesser d’être un enjeu de politique intérieure en France. Déjà, le refrain de la rente mémorielle sonne de plus en plus faux. Ensuite, la lecture que se font des analystes qui aiment ce pays. Ils sont d’avis qu’il deviendrait absurde et irréaliste de miser sur les décideurs algériens.

D’autres, plus agressifs, demandent la remise en cause de la convention de 1968 sur les avantages accordés aux ressortissants algériens.

Et plus est, des planificateurs politiques, qui ne sacrifient nullement à l’éthique en politique étrangère, craignent que l’Algérie ne se dirige vers un abîme, et qu’elle n’entraîne avec elle certains alliés, dont les dirigeants sont aussi moins avisés que les siens.

Et ce n’est pas une insulte ( du cynisme ou un diktat) à l’égard des Algériens qui doivent être fiers de leur pays. Ils doivent travailler à le défendre dans le concert des Nations par une identité certaine, pure et conciliante au lieu de s’amouracher d’une nouvelle culture convoitant ce qui n’appartient pas à l’Algérie, et qu’elle n’aura jamais.

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