Syncope géopolitique : Histoire et mat

1ère partie

Par Hassan Hami

Une série de questions et de réponses qui valent ce qu’elles valent par les temps qui courent.

Une première question : pourquoi les historiens d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne ne mentionnent pas la Mauritanie comme ayant été, à l’instar du Maroc, un rempart contre la domination de l’Empire ottoman dans toute la région ?

Loin de raviver l’irrédentisme ou de céder aux surenchères, la réponse est que la Mauritanie faisait partie de l’Empire marocain. Tant et si bien que lorsque certaines plumes, légèrement emportées ou carrément chauffées, se jouent de l’origine des Almoravides, elles ne font que brasser du vent.

Le plus important, c’est que cette dynastie a régné sur le Maroc, la Mauritanie actuelle, une grande partie de l’Algérie, une partie du Mali et de la péninsule ibérique du 1040 au 1147.

L’Histoire n’est pas un jeu de société

D’où la deuxième question : pourquoi l’Algérie cherche par tous les moyens à s’inventer une histoire, des symboles culturels et identitaires ?

Là aussi, sans sombrer dans l’égocentrisme des uns et l’ironie des autres, la réponse est que l’Algérie n’existait pas avant 1962, date de son indépendance négociée sur mesure par la confection d’un référendum miné dont les retombées expliquent les crises endémiques entre Paris et Alger. Indépendance sur mesure, comme le reconnaissent certains intellectuels algériens et français.

D’où la troisième question : pourquoi à la veille et au lendemain de l’indépendance du Maroc (dont les négociations ont été aussi amorcées et concrétisées avec la France, à Aix-les-Bains et à La Celle-Saint-Cloud en 1955 et avec l’Espagne en avril 1956), la France et l’Espagne ont tout fait pour que le pays ne se retrouve pas dans ses frontières historiques ?

Sans verser dans l’irrédentisme et encore moins dans l’autoflagellation, la réponse est que les colonisateurs, en parfaite intelligence avec d’autres puissances, redoutaient que cela ne fasse tâche d’huile et relance des revendications territoriales à n’en pas finir.

Un tel processus aurait remis en cause les traités qui avaient institué la colonisation, notamment au lendemain de la Conférence de Berlin de 1884-1885 sur le partage de l’Afrique et la Conférence d’Algeciras de 1906 sur le partage du Maroc.

Au risque d’exaspérer l’entendement des partisans de la table rase géopolitique, on répétera que la récupération graduelle par le Maroc des parcelles de son territoire, à partir de 1958, était imposée, en partie, par les colonisateurs et favorisée par des appétits politiques intra-nationaux dus à la multiplication des interlocuteurs marocains à la veille de l’indépendance du pays.

L’affaire du Sahara n’est que la partie visible de l’iceberg. Elle s’inscrivait dans le cadre du même schéma d’obstruction pour tuer dans l’œuf les revendications territoriales marocaines déjà exprimées sur la Mauritanie et le Sahara oriental.

Depuis quelques années, des voix indépendantes en France et en Espagne sortent de leurs réserves pour faire des révélations sur les compromis, compromissions et complots qui ont entaché la lutte que le Maroc a livrée pour achever son intégrité territoriale.

Le Maroc continue de le faire malgré l’adversité, l’animosité et l’obstruction émanant de sous-traitants géopolitiques dans la région, dont l’Algérie.

Les appendices finissent inéluctablement par sécher

D’où la quatrième question : comment expliquer l’acharnement, depuis 2019, des décideurs algériens, au plus haut sommet de l’État, à dénigrer le Maroc et à manquer d’éthique et de retenue dans ce qui est libellé de « politiquement et diplomatiquement correct?”

Une campagne médiatique qui puise dans la désinformation, la calomnie et le mensonge. Mais surtout des actes politiques de pure provocation pour amener le Maroc à entrer en guerre avec l’Algérie. Une tentative de reconstitution d’axes en 2020-2021, comme durant les années 1980, avec la Tunisie et la Mauritanie (en y associant la Libye).

La rupture unilatérale des relations diplomatiques n’en est que la face apparente d’un scénario visant à précipiter la région dans le chaos.

Des provocations et intimidations sur les frontières. Parmi les dernières en date, l’annonce, pour la nième fois, du début de l’exploitation des mines de fer de Garat Jbilat sans tenir compte des dispositions de la Convention sur les frontières, signée en 1972.

À chaque fois, les Algériens avancent le nom d’un investisseur étranger. Cette fois-ci, et depuis un an dans un refrain truffé de fausses notes, il s’agit de la Chine. Non seulement, le Maroc ne fait pas de réaction officielle, mais il raisonne du reste comme les Chinois : il joue sur le temps.

Les Chinois disent par exemple que Taïwan est un territoire chinois et devra réintégrer la mère-patrie. Cela prendra le temps qu’il faudra, mais la réintégration est inévitable.

Le Maroc, qui ne se prononce, donc, pas encore officiellement sur les agissements de son voisin de l’Est, laissera le temps au temps. Puis, au moment opportun, il produira les arguments juridiques idoines pour défendre ses droits qui découlent de la pratique en matière de non-respect des dispositions des traités signés entre États souverains.

D’où la cinquième question : quelle serait la réaction de l’Algérie si cela devait arriver ? Déclarer la guerre au Maroc. Peut-être. Mais au préalable, elle devrait avoir le feu vert de ceux qui en font un intermittent stratégique, un exécuteur de scénarios échafaudés dans des capitales occidentales et orientales depuis un demi-siècle déjà.

L’Algérie sait qu’elle a perdu la guerre du morcellement du Maroc, et ce, depuis, entre autres, les confrontations à Amgala en 1976, la bataille de 1984 pour s’infiltrer dans les murs de défense, l’échec de son pari sur les camps Gdim Izik en 2010 et les tentatives de siège d’El-Guergerat en 2020.

L’Algérie ne sait quoi faire du Polisario qui s’installe à Tindouf et y agit comme ‘’une entité indépendante.’’ L’Algérie est consciente que tôt ou tard, l’entité-appendice du Polisario sera noyée dans « l’humidité politique et diplomatique » et quittera, par la force des choses, l’Union africaine.

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La refonte de la Charte de l’Union africaine est une question de temps, non seulement sur la question de l’admission et de l’exclusion des États membres, mais aussi sur celle de la démocratisation des règles de prise de décision.

L’identité n’est pas une collection de clichés tirés au hasard

Le retour du Maroc à l’Union africaine en 2017 était dicté par la volonté de ne pas laisser l’Algérie et une poignée de ses alliés y faire la loi et tromper l’opinion publique africaine.

La présence de l’entité-appendice est un détail sans signification diplomatique ou géopolitique. Le dossier du Sahara est entre les mains du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il prendra le temps qu’il faudra, mais la proposition d’autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine triomphera.

D’où, sixièmement, première synthèse des différentes questions posées plus haut.

La Mauritanie a joué un rôle très important dans l’histoire culturelle et religieuse du Maroc avec l’Afrique subsaharienne.

La Mauritanie ne s’offusque donc pas de l’observation qu’elle est née sous sa forme actuelle par la volonté de la France. Elle adopte une position relativement équilibrée entre le Maroc et l’Algérie, exception faite de l’épisode Mohamed Khouna Ould Haidallah en 1979, coïncidant avec le plan de partage mort-né appelé Sahara demain(SAD), confectionné par la France.

La Mauritanie résiste aux différentes mouvances et pressions qui cherchent à lui imposer des modes culturels et crédos religieux et politiques importés du Moyen Orient. Elle défend jalousement sa personnalité sans en faire trop et sans baisser les bras.

D’où, septièmement, deuxième synthèse : depuis son indépendance, l’Algérie a été hantée par l’idée de se fabriquer une histoire qu’elle ne pouvait aucunement revendiquer en son temps.

Au début, l’Algérie s’est contentée de faire le jeu de l’ancien colonisateur : maintenir le statu quo des frontières héritées de la colonisation qui lui était favorable. Ensuite, l’Algérie a provoqué la Guerre des sables en 1963 pour se dégager des engagements pris à Tanger en 1958 lors de la réunion du parti de l’Istiqlal (Maroc), le Neón-Destour (Tunisie) et le Front de Libération nationale (Algérie) et ceux pris par le gouvernement provisoire algérien.

Mais Ben Bella (chef du Bureau politique) et Houari Boumediene (commandant de État-major de l’Armée de Libération nationale) auraient eu des divergences avec Ben Khedda (GPRA) sur la nécessité de respecter les engagements pris à l’égard du Maroc.

Le sort du Sahara oriental allait être scellé, n’eût-il l’intervention de la France pour convaincre (ou obliger à ) le Maroc de quitter des territoires repris. Et pour cause, car une telle récupération allait de facto ouvrir la voie au Maroc pour récupérer la Mauritanie.

Mais aussi et surtout, la France était soucieuse de protéger ses intérêts pétroliers et continuer ses essais nucléaires au Sahara en vertu des accords conclus avec les représentants algériens, en marge des négociations à Evian.

La France et l’Espagne ont fait cause commune, comme les deux pays l’avaient fait à l’occasion de l’opération Écouvillon, en 1958, contre des forces irrégulières de l’Armée de libération nationale marocaine.

(*) Hassan Hami : Géopolitologue et ancien ambassadeur

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