Tickets Sadaka, une alternative à l’aumône inventée par un jeune marocain
Par Saad Bouzrou
Face à la mendicité, chacun de nous réagit différemment mais la plupart finissent par donner l’aumône sans savoir si leur charité aiderait des gens nécessiteux ou financerait des personnes «professionnelles» qui en ont fait leur métier permanent. Afin de lutter contre cet épiphénomène et venir en aide aux personnes démunies, Mehdi Essakalli, un jeune entrepreneur marocain installé à Rabat, lance une alternative judicieuse à l’aumône traditionnelle qui s’appelle «Tickets Sadaka».
Permettant dans un premier stade d’acheter des produits alimentaires auprès d’épiciers ou de commerçants partenaires se trouvant à Rabat, le Ticket Sadaka est un moyen de donation qui coûte 2,5 dirhams, (soit 30 dirhams pour un carnet de 12 tickets), et qui garantit à ses détenteurs le droit de se procurer des denrées de première nécessité.
L’idée d’une telle start-up remonte à l’époque où Mehdi faisait encore ses études en Finance et Stratégie à Science po Paris, et voyait dans le métro des SDF et des mendiants demander des pièces de monnaie ou des tickets de restaurant pour manger. «Ça m’a fait penser au fait qu’il fallait un instrument spécial pour faire le don. Du coup, j’ai commencé à réfléchir sur cette problématique de l’aumône et après être rentré au Maroc il y a deux ans pour monter ma start-up et commencer à résoudre ce problème, j’ai vu dans la rue le nombre de personnes qui demandaient de l’argent à côté des feux rouges, des parkings, n’importe où et tout le temps. J’ai compris donc qu’on est sur-sollicité en tant que citoyens mais incapables de faire la différence entre un mendiant professionnel et une personne dans le besoin. C’est ainsi que cette idée de «Ticket Sadaka» est née pour résoudre ce problème, c’est-à-dire faire en sorte que lorsque l’on donne de l’argent, on est sûr qu’il est utilisé pour aider une personne et non pas pour financer un réseau de drogue ou soutenir l’économie souterraine», explique à Maroc Diplomatique l’auteur du projet.
Ticket Sadaka n’est pas une «action bénévole», mais une «entreprise à but social» et hautement technologique qui a pour vocation de combattre la mendicité professionnelle en offrant une inclusion financière aux démunis, «c’est une plateforme de confiance et de sécurité qui va permettre aux donateurs de s’assurer que leurs dons iront répondre à des besoins de personnes défavorisées. On pourra donc travailler avec des associations pour faire en sorte que l’argent des donateurs puisse profiter à des gens dans le besoin. On pourra également travailler avec des commerçants pour qu’ils puissent écouler leur marchandise et la vendre, on travaillera aussi avec tout un tas d’acteurs qui feront que l’écosystème Ticket Sadaka pourrait exister et assainir ces économies souterraines», nous fait savoir Mehdi Essakalli.
Afin de garantir un maximum de traçabilité et de transparence dans les donations, chaque Ticket Sadaka est doté d’un QR codes, pour savoir où et quand il a été utilisé et permettre au système de rester tout le temps en sécurité. «Pour la première fois, on va voir naitre une vraie valeur technique autour d’un écosystème purement marocain et créé pour le Maroc», se félicite-t-il.
Quant aux profits, l’entreprise n’en fera pas sur les donations mais sur les services qui apporteront des gages de sécurité et de confiance aux utilisateurs, et «tout cela sera monétisé avec des partenaires qui vont vouloir soutenir l’opération et en profiter pour vendre des marchandises, bénéficier d’une image de marque ou autres», conclut le jeune Rbati.