Espagne : éclatement du bipartisme et impératif d’une autre gouvernance

 

La courte victoire du Parti populaire d’Espagne (PP), si elle n’est pas spectaculaire, est une victoire de la rigueur contre l’espoir. Elle a un double sens, l’éclatement du bipartisme d’une part et d’autre part l’arrivée en force sur la scène politique de Podemos, cette extrême gauche dont on mesurait, au fur et à mesure, depuis peu de temps, la montée en puissance. Et que l’on disait aussi résolue à gagner les élections législatives que le parti Syriza en Grèce (coalition de la gauche radicale).

Entre les élections de 2011, qui avaient incarné la grande victoire du parti de droite de Mariano Rajoy et décembre 2015, il s’est passé cinq ans, au cours desquels l’Espagne a vécu sans doute la crise la plus grave de son histoire récente. Les retombées de la crise économique et financière mondiale de 2008 n’ont épargné aucun secteur d’activité, elles ont amplifié le chiffre du chômage, détruit des familles entières, et fragilisé encore plus le tissu social. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement de droite de Rajoy a imposé une redoutable cure d’austérité avec cette particularité d’en faire payer le prix aux salariés, de voter une réforme de l’emploi, dite de flexibilité de licenciement – les mettant à la merci des patrons – enfin les acculant à s’incliner ou périr. Le chef du gouvernement peut, en effet, se prévaloir de relancer l’économie par la consommation, vieille recette mise en œuvre au lendemain de la victoire du socialiste François Mitterrand en France. Comme il peut – il le fait déjà – se targuer de réduire la courbe du chômage, soit près de 5 millions de demandeurs d’emplois, soit 21 au lieu de 27%. Mariano Rajoy n’hésite pas à crier victoire, en dépit du chiffre relatif obtenu dimanche, il proclame à tout va que la politique d’austérité a permis à son gouvernement de réaliser 150 milliards d’Euros d’économie et d’éviter la « catastrophe » de la Grèce ou du Portugal qui a vu l’Union européenne leur imposer son diktat et les mettre au piquet. L’Espagne renoue même avec la croissance, mais à quel prix ! Plus de 3%…

Dimanche, ce sont 36,5 millions d’Espagnols qui étaient appelés aux urnes et ce sont également les premières élections législatives organisées sous le règne du Roi Felipe VI. Le Parti populaire n’a pas obtenu la victoire qui le conforterait pour former un gouvernement, il doit composer avec les autres formations, il perd tout de même quelque 60 sièges aux Cortès (Parlement) au profit du parti du centre, le parti libéral catalan Ciudadanos qui fait une entrée au milieu de cette transformation, en même temps que le parti de l’extrême-gauche Podemos. Le seuil requis pour former un gouvernement est fixé à 156 sièges et aucune formation n’y est parvenue, ce qui laisse croire qu’une crise post-électorale est désormais en perspective.

A coup sûr, le modèle classique du bipartisme est enterré et les électeurs rechignent de plus en plus, délaissant, boudant même – et le scrutin législatif de dimanche nous en donne la preuve – les partis, et surtout les vieux partis comme le PSOE et le PP. Emergent, contre toute attente, des petites formations comme Cuidadanos et Podemos qui n’a que deux ans surfé sur la vague du radicalisme politique. A présent, l’Espagne devient un laboratoire où la cohabitation s’illustrera par un marchandage de sièges et de courants avant de constituer un gouvernement et un modèle de gouvernance. L’Espagne pourrait réinventer le mode de gouvernance cohabitationniste qu’appellent de leurs vœux le peuple espagnol et l’évolution du nouveau monde….

 

 

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