Aziz Akhannouch, un an après

Le vendredi 10 septembre 2021, le Roi Mohammed VI a reçu, au palais royal de Fès, Aziz Akhannouch en vue de le charger de former un nouveau gouvernement.

Sorti vainqueur des élections législatives de 2021, le Rassemblement National des Indépendants (RNI), voit ainsi son leader, nommé Chef de gouvernement.

Si la mission est un grand challenge pour Akhannouch, ce dernier a,  par ailleurs, fini de montrer toute sa compétence dans le monde des affaires. Au demeurant, son parcours politique, qui n’est pas un long fleuve tranquille, l’a conduit au poste de chef de gouvernement.

A la primature, Akhannouch doit composer avec un monde différent de celui des affaires. Une nouvelle vie qui a suscité plusieurs commentaires, voire inquiétudes, tant la responsabilité demande une certaine philosophie dictée par l’altruisme, comportement très différent en affaires.

Après un an au poste, quel est  l’empreinte du Chef de gouvernement sur la gouvernance du pays ? Qu’en est-il de la mise en œuvre des réformes sociales et du Nouveau Modèle de Développement définis par le Roi Mohammed VI?

A travers ce dossier, Maroc diplomatique propose une radioscopie des 12 mois d’Aziz Akhannouch comme chef de gouvernement.

Inédites, étaient les dernières élections de septembre 2021, car au-delà du contexte de pandémie duquel le Maroc venait à peine de sortir, il fallait réussir un autre pari après celui du piège de l’abstention, c’est  celui de l’organisation. En effet, pour la première fois, un triple scrutin est organisé le même jour avec toute la logistique et l’organisation qu’il faut. Faire élire, d’un seul coup, 395 députés, 678 membres de Conseils régionaux et plus de 32.500 Conseillers communaux, ce n’est pas rien. En plus, il fallait veiller au respect des mesures de sécurité sanitaire.

A l’issue du scrutin, le RNI obtient 97 sièges sur les 395 sièges de la Chambre des représentants, suivi par les libéraux du Parti Authenticité et Modernité (PAM) qui en ont remporté 82 et le parti conservateur Istiqlal, crédité de 78 sièges. Au finish, le tiercé gagnant se formalise et devient la nouvelle majorité.

Le PJD au pouvoir depuis 2011, est arrivé en huitième position, n’obtenant que 12 sièges. Un retournement de situation puisque lors du précédent scrutin de 2016, le PJD avait remporté 125 sièges alors que le RNI n’en avait obtenu que 37.

S.M. le Roi Mohammed VI, qui a transféré une partie de ses prérogatives au Parlement et au gouvernement dans le cadre d’une réforme constitutionnelle en 2011, conserve cependant la main sur les Affaires étrangères, les Affaires islamiques, le ministère de l’Intérieur et des domaines stratégiques comme l’agriculture, l’énergie ou l’industrie, ainsi qu’en matière de sécurité.

Premier ministre désigné, Aziz Akhannouch

Le président du RNI était ministre de l’Agriculture depuis 10 ans, et fait partie des hommes d’affaires les plus riches du Royaume. Aziz Akhannouch est le propriétaire majoritaire du groupe Akwa, un conglomérat de plusieurs milliards de dollars, fondé en 1932, par son père et son associé Ahmed Wakrim. Il a des intérêts dans le pétrole, le gaz et la chimie à travers Afriquia Gaz et Maghreb Oxygene cotés en bourse. Selon les estimations actuelles, sa fortune est estimée à environ 2 milliards de dollars américains, faisant de lui l’homme d’affaires le plus riche du pays.

Quelques jours  après sa nomination comme chef de gouvernement, Aziz Akhannouch annonce, dans un communiqué, avoir « entamé un processus immédiat de retrait de toute gestion au sein du holding familial».

« Dès son premier mandat en tant que ministre, M. Aziz Akhannouch avait déjà suspendu toute activité professionnelle ou commerciale, notamment la participation dans les organes de direction, de gestion et d’administration des entreprises privées du groupe familial », poursuit la même source.

« Il a décidé aujourd’hui (ndlr, 13 septembre 2021) de se désengager entièrement, y compris des activités liées exclusivement à la prise de participation et gestion des valeurs mobilières. Et ce en dépit de l’absence de toute restriction légale », explique le communiqué. En effet, même si la loi le permet, M. Akhannouch a abandonné toute activité de gestion dans le privé, se « consacrant entièrement aux nouvelles fonctions dont il a été investi par le Souverain. »

Le communiqué fait référence à la loi organique n° 065-13 qui dispose que « des membres du gouvernement doivent, pendant la durée d’exercice de leur fonction, suspendre toute activité professionnelle ou commerciale dans le secteur privé, notamment leur participation dans les organes de direction, de gestion et d’administration des entreprises privées à but lucratif et de manière générale, de toute activité pouvant entraîner un conflit d’intérêts ». Cette loi n’interdit cependant pas aux membres du gouvernement d’avoir des participations dans des holdings.

Déjà en 2007, lorsqu’Aziz Akhannouch venait d’être nommé ministre de l’Agriculture dans le gouvernement El Fassi I, le patron d’Akwa groupe avait demandé une consultation juridique au cabinet Naciri & Associés sur les incompatibilités entre ses fonctions gouvernementales et ses affaires privées, rappelle TelQuel. Pour se conformer aux exigences de la loi, il avait  démissionné de toutes ses fonctions d’administrateur du groupe Akwa.

Le système politique marocain s’est souvent caractérisé par des liens étroits entre les affaires et la politique. Depuis la fin de la période coloniale, une cinquantaine de familles ont gardé sous leur contrôle les secteurs économiques les plus importants. Avec la gouvernance du RNI et vraisemblablement d’Aziz Akhannouch, ce système revient à plein pouvoir, comme aux Etats-Unis avec l’ancien Président Donald Trump ou en Italie lorsque le magnat des médias et président du parti Forza Italia, Silvio Berlusconi, régnait en maître à la tête de l’Italie.

Compte tenu de ces circonstances, le chef de gouvernement, depuis sa nomination en septembre, essaie de mettre en œuvre les réformes sociales et le Nouveau Modèle de Développement définis par le Souverain, même si entre temps, il fait face à la crise ukrainienne qui a manifestement impacté sa politique, dans un contexte de relance économique ajouté aux réformes de la Santé, de l’Education, de la généralisation de la couverture sociale, la réforme fiscale, ainsi que la mise en œuvre des décisions issues du dialogue social. Pour autant, les urgences sont de plus en plus vives et la demande sociale plus que préoccupante dans un contexte d’inflation généralisée.

Prévision de croissance de 4,5% pour le produit intérieur brut PIB 2023

Lors de sa réunion le 27 juillet, le Conseil de gouvernement a approuvé les paramètres et les hypothèses selon lesquelles seront élaborés la loi de finances PLF 2023 et le plan financier du gouvernement. Les pierres angulaires les plus importantes sont les attentes concernant les rendements agricoles, en particulier les céréales, et les prix du marché mondial de l’énergie et des matières premières, tant par rapport aux exportations qu’aux importations.

Traditionnellement, le débat sur le budget est l’occasion pour l’opposition d’évaluer le travail du gouvernement à ce jour au parlement. Le budget 2023 est le premier plan budgétaire du gouvernement Akhannouch. La loi de finances actuelle pour 2022 a été élaborée sous le prédécesseur puis président du PJD, El Othmani.

Les prévisions pour la croissance économique sont plus optimistes

Le Projet de loi de finances (PLF) 2023 prévoit un taux de croissance économique général de 4,5% du PIB pour 2023. Ce taux serait nettement plus élevé que les attentes pour cette année. Selon les informations précédentes, une croissance de 1,5% est attendue pour l’exercice 2022 en cours. L’attente de 4,5% dans la coalition au pouvoir est supérieure à la prévision de Bank Al Magrib, qui table sur un PIB en plus de 4%.

Le gouvernement Akhannouch fonde sa propre estimation sur un certain nombre d’hypothèses concernant l’environnement national et les incertitudes liées aux évolutions économiques internationales, comme en témoignent le rapport sur l’exécution du budget et le cadrage macroéconomique pour la période triennale 2023-2025.

Cette prévision de croissance pour 2023 repose sur une production céréalière de 75 millions de quintaux, un prix moyen du gaz butane de 700 dollars la tonne, un taux de change dollar/dirham de 9,8, un prix moyen du baril de Brent de 98,6 dollars et une demande étrangère de biens en Maroc (hors produits phosphatés et dérivés) de 4,5%.

Le gouvernement prévoit pour 2023 un déficit budgétaire stable de 5,2% (contre 5,3% en 2022) et une dette de 70,8%.

Cependant, il vise à réduire le déficit budgétaire à 4,5% avec une dette de 70,1%. Atteindre cet objectif nécessite un certain nombre de réformes et de mesures pour mobiliser des ressources supplémentaires.

Cela signifierait un retour à une saison agricole « normale », avec des précipitations suffisantes (pluie et neige) qui devraient également commencer dans quelques semaines. Une hypothèse optimiste compte tenu des changements climatiques et de la sécheresse subie.

Il semble également être supposé pour l’Exécutif que les incertitudes mondiales causées par la pandémie de Covid-19 en cours, la guerre en Europe et la récession qui se profile dans la zone de l’UE seront soit résolues en 2023, ou n’auront aucun impact sur le développement économique du Royaume.

A la recherche du schmilblick!

Le chef du gouvernement, M. Aziz Akhannouch a annoncé, le 23 décembre 2021, lors de la session du Conseil de gouvernement, la résolution de l’arriéré du gouvernement en matière de remboursements de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en faveur des entreprises du secteur privé.

Le chef du gouvernement a indiqué que, dans le cadre de cet engagement gouvernemental, un montant de 2,5 milliards de dirhams a déjà été mobilisé pour apurer les arriérés sur les crédits de TVA.

Dans la même période, M. Akhannouch a ajouté que 1,5 milliard de dirhams supplémentaires seront mobilisés et 9 milliards de dirhams supplémentaires, d’ici fin avril 2022, pour fournir aux entreprises, en particulier les petites et moyennes, des liquidités élevées pendant la crise et ainsi renforcer leurs investissements et développement. Au total, le gouvernement doit lever 13 milliards de dirhams.

La majorité appelée à la rescousse

Le 22 février 2022, le chef de gouvernementa a pris des engagements pour contrer la situation critique liée aux pénuries d’eau et à la hausse des prix.

A l’issue de la réunion de la majorité, il a réaffirmé l’engagement de son gouvernement à tenir ses promesses et à mettre en œuvre le programme gouvernemental tel qu’énoncé.

« Le gouvernement gérera ce cadre de manière sensée et appropriée», a déclaré Akhannouch, soulignant que le pays est actuellement confronté à «un contexte international difficile, marqué par la pandémie, la crise énergétique mondiale et son impact économique, notamment sur les prix ».

Evoquant la hausse des prix, il a assuré que le gouvernement ferait tout son possible pour maintenir la stabilité des prix, malgré la hausse des prix internationaux, notamment des prix du pétrole. Le gouvernement continuera à subventionner les denrées alimentaires de base malgré la forte pression sur le budget de l’Etat.

«Malgré le contexte mondial, la hausse des prix mondiaux et le manque de précipitations, les prix des produits agricoles restent stables. Nous continuerons également à subventionner les produits que les Marocains consomment le plus », a-t-il assuré.

A l’occasion de la rencontre avec les membres de la coalition, le chef du gouvernement a noté que la coalition gouvernementale salue le programme spécial, lancé par S.M. le Roi Mohammed VI, pour soutenir les agriculteurs et les éleveurs en mobilisant une somme de 10 milliards de dirhams.

Acheter la paix sociale

Compte tenu des effets de la pandémie de la Covid-19 sur l’économie mondiale et de la forte hausse des prix des matières premières sur le marché mondial, le gouvernement a tenté d’acheter la paix sociale avec une batterie de subventions pour les régions menacées.

Afin d’éviter l’instabilité sociale voire politique, l’État subventionne de nombreux biens de première nécessité, notamment le blé, le gaz, le sucre et parfois l’électricité.

Cependant, les coûts des subventions dépassent le budget précédent et il ne semble pas y avoir de fin en vue pour les dépenses supplémentaires.

Pour ne rien arranger, la campagne agricole 2021/2022 a été frappée par une forte sécheresse, qui a fait chuter le rendement du blé de 65 %. En plus du GNL coûteux, le gouvernement se voit également acheter plus de blé sur un marché hautement concurrentiel que ce qui est nécessaire au cours des années de récolte normales.

En plus des problèmes déjà décrits, l’Office de l’Electricité et de l’Eau (ONEE) a récemment dû informer le Parlement qu’il fallait en assumer un pour l’exercice en cours, car l’augmentation des coûts d’achat de l’électricité et du gaz ne peut pas se répercutuer sur les consommateurs.

50.000 enseignants à former d’ici 2025

50.000 enseignants doivent être nouvellement formés d’ici 2025. Une formation plus longue avec une partie pratique d’accompagnement est destinée à contribuer à l’amélioration de la qualité de l’enseignement.

 Les ministères de l’Enseignement supérieur, de l’Education et des Finances ont signé une convention-cadre relative à la mise en œuvre d’un programme de formation des enseignants du primaire et du secondaire. D’ici 2025, 50.000 enseignants doivent être formés dans le cadre de ce programme, pour lequel un budget de 4 milliards de dirhams est disponible.

Les ministres de l’Education, M. Chakib Benmoussa et de l’Enseignement supérieur M. Abdellatif Miraoui et le ministre délégué chargé du Budget, M. Fouzi Lekjâa ont signé, en juin 2022, un accord qui vise à mettre en œuvre le nouveau modèle de formation des enseignants. L’accord prévoit des changements majeurs dans le processus de formation des enseignants du primaire et du secondaire.

Dans le cadre de l’accord, la durée de la formation des enseignants passera de trois à cinq ans après le lycée. Les trois premières années sont consacrées à la formation de base dans l’un des programmes du baccalauréat en éducation (CLE). La quatrième année sert de qualification professionnelle dans un centre régional des métiers de l’éducation et de la formation, tandis que la cinquième année est un stage encadré dans une école. Ces cours auront lieu aux Écoles Normales Supérieures (ENS) et à la Faculté des Sciences de l’Éducation (FSE) de Rabat.

En outre, l’accord oblige le ministère de M. Abdellatif Miaroui à verser à ces futurs enseignants une allocation mensuelle de 1.000 MAD, en échange de «mesures pédagogiques, sous forme de soutien scolaire, d’activités périscolaires ou d’aides aux tâches administratives du directeur dans les écoles. Ils précisent que cette allocation peut être cumulée avec les autres bourses.

Des problématiques soulevées

A ce jour, les futurs enseignants sont formés sur trois ans dans les différentes Écoles normales supérieures (ENS) et à la Faculté des sciences de l’Education (FSE). Au cours de cette formation à dominante théorique, les étudiants des cinquième et sixième semestres n’effectuent souvent qu’un stage de quelques semaines.

De plus, l’accès à ce programme de licence était restreint et seuls quelques centaines d’étudiants pouvaient être acceptés par an. «Nous avons aujourd’hui des diplômes universitaires en éducation qui ont permis de former 1<400 diplômés à succès d’ici 2021. Certains d’entre eux font partie des 17.000 enseignants que le ministère a embauchés cette année», a déclaré le ministre Benmoussa, en avril.

La réforme de la santé

Sur la question de la réforme de la Santé, M. Akhennouch explique que les objectifs et les plans d’un système de santé réformé et d’une assurance maladie universelle sont dans une phase très importante. A ce titre, l’Autorité suprême de la Santé devait être instituée prochainement pour assurer la continuité et la qualité des politiques nationales de santé. De quoi réjouir le chef du gouvernement, qui voit ici l’un des projets initiés par S.M. le Roi prendre forme.

Concernant le chantier de modernisation du système national de santé, il explique que cet organe stratégique intervient dans la gestion de l’assurance maladie obligatoire et dans l’évaluqtion de l’efficacité des politiques mises en œuvre par les différents acteurs des services rendus par les secteurs public et privé.

Le même organisme s’occupera de l’élaboration de guides de formation et de meilleures pratiques dans le domaine médical, et veillera à la bonne application et distribution des services de soins aux patients et aux professionnels de la santé, a-t-il ajouté. Cet organe est apte à assurer une réelle continuité de la politique nationale de santé et à renforcer les plans et grands chantiers, ainsi qu’à assurer l’intégration et l’entraide des politiques de santé et des orientations de base de la médecine générale, a-t-il précisé.

Modifications sur le SMIG et le SMAG

Le 1er septembre 2022, le Conseil de gouvernement a discuté de sept projets de règlement, dont le projet fixant le niveau des salaires minima légaux dans l’industrie, le commerce, les professions libérales et l’agriculture. .

Les décisions prises par le gouvernement concernent les augmentations du salaire minimum pour renforcer le pouvoir d’achat dû à la situation économique actuelle, ont également été convenues lors du dialogue social du 30 avril 2022. Néanmoins, il devrait donner aux salariés la possibilité de mieux sécuriser leurs moyens de subsistance.

Selon le calendrier fixé dans le cadre du dialogue social, le gouvernement Akhannouch s’est engagé à augmenter le salaire minimum (SMIG) à partir du 1er septembre. Pour les secteurs de l’industrie, du commerce et des professions libérales, le salaire minimum augmente de 5 %. Pour le secteur primaire de l’économie marocaine, l’agriculture, le SMAG augmente de 10%. Dans le secteur public, les salaires seront portés à au moins 3.500 dirhams nets par mois. La majoration pour passage au grade supérieur passera de 33% à 36%.

Parallèlement, il a également été décidé de faciliter l’accès aux pensions de vieillesse. À l’avenir, 1.320 jours de cotisation suffisent. Auparavant, il fallait 3.240 jours de cotisation pour acquérir des droits.

Une année du gouvernement Akhannouch : Une politique fiscale dans la continuité

Par Mohamed Rahj (*)

La politique fiscale menée par le gouvernement Akhennouch, au titre de la première année de l’exercice du pouvoir, s’inscrit dans la continuité de celle des différents gouvernements précédents (El Otmani, Benkirane, Abbas El Fassi, Jettou, El Yousfi…)

Cette politique est tout simplement cadrée par le système fiscal actuel qui privilégie la fonction financière. Devant les besoins de financement budgétaire, l’Etat recourt massivement à la fiscalité pour mobiliser davantage de ressources, au point que la pression fiscale atteint actuellement plus de 22% du PIB.

Cette pression fiscale qui reste assez élevée, est inégalement répartie. Elle est concentrée sur les dépenses de consommation, les revenus des classes moyennes et les bénéfices de quelques grandes entreprises. D’autre part, sous un angle purement économique, l’économie formelle reste fiscalisée et continue à supporter une ponction fiscale réelle beaucoup plus élevée que le taux de pression moyen de l’ensemble de l’économie.

Ceci s’explique par l’existence de véritables pans de l’économie qui échappent à l’impôt illégalement, tel que le secteur informel structuré et organisé en réseau, ou légalement, tels que les régimes fiscaux dérogatoires. Parallèlement à la faible contribution de la majorité des entreprises et des contribuables, le poids de l’impôt reste concentré sur un nombre très réduit des contributeurs.

  •  Concentration de l’impôt sur les revenus du travail. Les recettes fiscales prélevées à la source par les employeurs publics et privés représentent plus de 70% du produit de l’impôt sur le revenu PIB. Le constat est sans appel. L’écart est très important entre la contribution des salariés et la participation des autres catégories socioprofessionnelles, telles que les commerçants, les agriculteurs, les professions libérales, les titulaires de revenus et profits fonciers et immobiliers…Leur participation ne dépasse guère 30% dans le meilleur des cas.
  •  Concentration et répartition de l’impôt sur les sociétés sur un nombre très réduit d’entreprises. Faut-il rappeler que 2,7% des sociétés contribuent pour plus de 90% de la recette au titre de l’impôt sur les sociétés ?
  •  Maintien de la politique d’incitation fiscale. Celle-ci continue d’ailleurs à favoriser les incitations fiscales en maintenant les régimes fiscaux dérogatoires, créant ainsi des centaines de niches fiscales, qu’il s’agisse d’avantages accordés à certaines catégories de revenus, tels que les revenus et profits immobiliers, revenus et profits immobilier squi bénéficient de taux réduits de 10%, 15% ou 20% (mais libératoire de tout impôt ou taxes) ou de mesures d’exonération totale ou réduite en faveur de certains secteurs d’activité ou territoires (tels que l’agriculture, la pêche, l’industrie, l’exportation, l’enseignement privé, le sport, les plateformes d’accélération industrielle, Casablanca Finance City, etc.)

Le coût budgétaire de ces mesures d’incitation s’élève à plus de 32 milliards de dirhams chaque année. Bref, ces mesures dérogatoires sans préjuger de leur impact économique (car aucune évaluation n’a d’ailleurs été faite à ce jour), ne font que renforcer à notre sens le sentiment d’injustice chez les autres contribuables qui n’en profitent pas, mais qui en revanche paient leurs impôts.

Sous l’angle purement conjoncturel, la fiscalité s’est relativement bien comportée au titre des 6 premiers mois de l’année 2022. En effet, tous les impôts de l’État ont connu une augmentation en termes de recettes comme le confirment les chiffres publiés par l’administration des Finances.

En effet, les recettes fiscales réalisées au 30 juin 2022 s’élèvent à 136 milliards de dirhams, en hausse de 24,6 milliards de dirhams (+22%) par rapport à la même période de 2021. Comparativement aux prévisions de la loi de finances 2022, elles ont affiché un taux de réalisation de plus de 59% (Rapport d’exécution budgétaire et de cadrage macroéconomique triennal)

S’agissant des recettes fiscales prévisionnelles programmées initialement par la loi de finances 2022, elles ont fait l’objet d’un réajustement dans une perspective de hausse touchant tous les impôts de l’État. n

(*) Fiscaliste, ancien président de l’Université Hassan 1er, Settat

 

Mohamadi El Yacoubi, président du Cercle des fiscalistes du Maroc

Mettre en oeuvre le Fonds Mohammed VI pour l’investissement pour se tirer d’affaire

Dans ce contexte actuel «post-pandémique» marqué par le déclenchement de la guerre en Ukraine, les conséquences commencent à avoir des effets sur l’économie nationale.

Le panier marocain a été affecté mais aussi les entreprises et le budget de l’État. A quoi doit-on s’attendre ? Quel impact prévu ?

De nombreuses interrogations se posent, d’où l’intérêt, bien entendu, d’une analyse de tous ces facteurs à même de mettre en place une loi de finance 2023, adaptée aux défis à relever. Il est clair que  la première loi de finance qui sera conçue et mise en œuvre par ce gouvernement, c’est celle de 2023, puisque la dernière loi de finance a été conçue par l’ancien gouvernement vu que la conception de la loi commence à partir du mois d’avril.

Dans ce cadre, le gouvernement va veiller à mettre en œuvre les Hautes  Orientations Royales visant à doter le Maroc d’une couverture sociale importante pour la population. Sur le plan économique notamment celui de la relance de l’économie nationale, à travers  le soutien de l’investissement, il faut  souligner l’importance de la nouvelle charte compétitive de l’investissement qui sera capable de favoriser ou de participer à la création d’emplois, de générer une haute valeur ajoutée, de réduire les disparités spatiales, en matière d’attractivité de l’investissement. Et c’est l’élément différenciateur que l’on retrouve au niveau de cette charte.

Les pouvoirs publics sont appelés, également, à œuvrer pour l’opérationnalisation du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, dans l’objectif de renforcer l’attractivité du pays afin d’en faire un pôle régional et international attractif aux investissements étrangers. C’est ce qui fait que parmi les  principales actions qui peuvent être envisagées, on note, d’abord, la mise en œuvre des dispositions de la loi cadre formant charte de l’investissement. Comme il faut offrir plus de facilités aux investisseurs étrangers en éliminant tout obstacle qu’ils peuvent rencontrer, mettre en œuvre la loi-cadre relative à la réforme fiscale afin de renforcer la stabilité et la justice fiscale, puis accélérer les chantiers  relatifs à la réforme de l’administration et aller vers une nouvelle stratégie nationale de transition numérique, à l’horizon 2030. En outre, il faut absolument mettre en place des mesures d’accompagnement en termes de facilitation d’accès aux fonciers, d’amélioration de la gouvernance, de développement du secteur financier et du renforcement de l’adhésion du secteur privé et du secteur bancaire dans le domaine de l’investissement.

Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que l’État doit renforcer son effort d’investissement public. Il doit promouvoir le produit national, compte tenu de la conjoncture actuelle, et prendre toutes les mesures urgentes pour assurer l’approvisionnement en eau potable à travers le lancement d’une multitude de projets liés au transfert d’eau entre certains bassins et enfin renforcer son rôle comme « actionnaire » en rationalisant la gestion du portefeuille public et en mettant l’accent sur sa performance.

Tous ces axes me semblent d’une importance cruciale pour que le Maroc puisse relever les défis qui s’imposent.

Il faut dire que notre pays a, depuis longtemps, fait le choix de l’économie de marché et de la concurrence loyale, qui restent au cœur de cette économie. C’est donc le meilleur à encourager tout en respectant les règles fixées par l’État pour tous. L’état est un arbitre régulateur. Je dirai que son intervention peut impacter négativement ou positivement la compétitivité des entreprises qui peut être atteinte à travers les prix, la qualité, le service après-vente, la flexibilité…

Il faut signaler qu’aujourd’hui, l’âme principale de la compétitivité devient l’innovation et ce n’est plus le faible coût de la main d’œuvre.

Les entreprises qui investissent dans la Recherche et le développement se positionnent, d’une façon stratégique, sur les marchés au niveau national et international. Ce sont donc des défis qu’on doit réussir à relever notamment dans la conjoncture actuelle tant au niveau national qu’international.

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