Colloque international de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’histoire du Maroc : le plaidoyer de Mohammed Kenbib pour approfondir le passé et élargir la recherche

Hassan Alaoui

L’Institut Royal pour la Recherche sur l’histoire du Maroc, dont le Professeur Mohammed Kenbib assure la Direction, vient d’organiser les 27 -28 janvier 2022 à Rabat un colloque international dédié à l’histoire du Royaume, avec le thème « Recherche sur l’histoire du Maroc, état des lieux et perspectives ». Cette rencontre aura permis un exercice de partage des connaissances tout en constituant un espace d’exploration et d’expérimentation .

Il exprime notamment la volonté de transdisciplinarité de l’organisateur Mohammed Kenbib de faire reculer les limites de l’histoire, perçue comme science du collectif, du paradigme du temps long et la pertinence de l’événement pour élargir le champ des recherches. Dans la déclaration qu’il nous a faite, Mohammed Kenbib lance un appel à une interactivité de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire via Internet. Ce dernier nous a accordé un entretien que nous publions ci-dessous.

Vous venez d’organiser un colloque international dédié à l’histoire du Maroc. Quels étaient les objectifs de cette rencontre scientifique ?

Ce colloque s’est tenu à l’Académie du Royaume du Maroc. La « Recherche sur l’histoire du Maroc : état des lieux et perspectives » en était le thème central. L’intitulé est fort explicite. Il indique en tant que tel ce que l’Institut Royal pour la Recherche sur l’histoire du Maroc attendait de cette rencontre qu’il voulait de haut niveau. En termes plus clairs, il s’agissait d’associer des chercheurs de renom, marocains et étrangers, à l’évaluation des avancées les plus récentes enregistrées en matière d’investigations sur le passé de notre pays, toutes périodes confondues.

L’objectif était également, et dans la foulée, d’esquisser les perspectives susceptibles de contribuer à approfondir notre passé et élargir le champ des recherches, c’est-à-dire l’inclusion dans nos préoccupations d’angles morts ou d’omissions d’objets d’études auxquels on ne prêtait pas attention, ou en tout cas pas suffisamment.

Comment avez-vous pu surmonter les difficultés posées par la pandémie, notamment en ce qui concerne vos invités étrangers et la dimension internationale du Colloque ?

Vous avez parfaitement raison de poser cette question. Qui dit « international » dit nécessairement intervenants étrangers. Leur présence était a priori impossible en raison de la suspension des liaisons aériennes.  Le biais le plus adéquat était de proposer à nos invités d’enregistrer leurs communications et de nous les faire parvenir à l’avance, par souci d’éviter toute difficulté technique de dernière minute. Comme il s’agit de surcroît  d’ami(e)s de longue date, ils ont tous adhéré à l’idée – et joué le jeu si je puis dire. Je voudrais leur réitérer mes sincères remerciements.

Pour ce qui est des nationaux ayant participé à cette rencontre en « présentiel», l’Académie du Royaume a appliqué strictement les mesures sanitaires, notamment le port obligatoire du masque et la distance physique. Seuls étaient présents dans la grande salle de l’Académie, les 3 intervenants et un modérateur ou modératrice d’une même table ronde et ceux de la suivante. Il n’y avait pas de public. Dans le communiqué publié la veille de la tenue de la première séance, il était fait mention de cela et de l’information relative aux diffusions successives et instantanées en streaming de toutes les interventions, ainsi que des allocutions d’ouverture et de clôture.

Peut-on vous demander vos appréciations quant au déroulement des différentes tables rondes que vous avez programmées ?

Il est trop tôt pour formuler de telles appréciations. Ce que je puis vous dire c’est que nous avons procédé à la recension des réactions du public qui a suivi tout ou partie du colloque. Dans l’immédiat, ce que j’enregistre ce sont les réactions  de diverses personnes ayant eu l’amabilité de faire part au téléphone ou par mail d’appréciations  enthousiastes.

→ Lire aussi : Mohammed Kenbib ou le fervent plaidoyer pour un renouveau de l’Histoire du Maroc

Ayant été en mesure de suivre de bout en bout toutes les communications, mon premier constat est que les collègues ont lu attentivement l’argumentaire qui leur a été adressé. Ils nous ont livré des analyses plus stimulantes les unes que les autres ainsi que de nouvelles pistes de recherches qui recoupent quasiment toutes celles que l’IRRHM avait inscrites dans son programme d’action au titre des années 2022-2023.

Ce colloque s’est-il tenu sur la base d’approches et perspectives essentiellement historiques ou d’une ouverture à la pluridisciplinarité ?

Dans l’argumentaire qui a été adressé aux intervenants susceptibles de  participer à cette rencontre, j’ai effectivement insisté sur une telle ouverture et invité, en sus des historiens de différentes périodes, des chercheurs relevant  de diverses autres disciplines. Nous avons ainsi eu le plaisir d’accueillir et d’écouter, soit en présentiel, soit via Internet, des sociologues, des anthropologues, des politologues, et des spécialistes de littérature. Il aurait été sans doute plus que souhaitable d’élargir le cercle si la conjoncture s’y prêtait. Tel n’a pas été le cas. Espérons qu’elle ne tardera pas à s’améliorer et que le socle « Histoire » continuera de s’enrichir notamment des apports d’autres composantes des sciences humaines, sociales, juridiques et économiques. Tout en restant  fermement attaché aux fondamentaux de ses spécificités et de sa singularité dans le champ du savoir et de la culture de manière plus générale.

Pour vous donner une idée de la diversité des institutions d’affiliation de nos collègues, il conviendrait de citer les noms de ces derniers inscrits au programme et leurs universités ou les Directions dont ils sont responsables: Daniel Rivet (Paris I – Panthéon Sorbonne), Gilbert Sinoué (romancier, Paris), Marc Perrenoud (Université de Genève), Majida Bargach (University of Virginia, Charlottesville), Jessica M. Marglin (University of Southern California), Mary Beth Allen (Smith College, Massachusetts), Michael Willis (St Anthony College, Oxford University, King Mohammed VI Fellowship for Moroccan & Mediterranean Studies)

Quant à nos compatriotes, parmi nos invités figuraient (par ordre alphabétique): Mohamed Amili (Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Beni Mellal), Mohamed Amattat (Centre de Formation des Inspecteurs, Rabat), El Kebir Atouf  (Université Ibn Zohr, Agadir), Jamaa Baïda (Archives du Maroc), Mohamed Bokbot (Université Sidi Mohamed ben Abdallah, Fès), Rahal Boubrik (Institut d’Etudes Africaines…), Mohamed Bouras (Direction d’Histoire Militaire, Rabat), Salah Chougag (Centre Régional des Métiers d’Education…, Rabat – Salé-Kénitra……), Ahmed Choukri (Institut d’Etudes Africaines… , Rabat), Mohamed Marouf Dafali (Casablanca), Driss Maghraoui (Université Al Akhawayne, Ifrane), Driss El Yazami (CCM), intervention en binôme avec Abdellatif Maroufi), Hamid Tittaou (Université Sidi Mohamed ben Abdallah, Fès – Faculté Polyvalente, Taza),  Ahmed Sahoud (Faculté des Sciences de l’Education, Rabat),   Khalil Saadani (Institut des Etudes Africaines…, Rabat), Bahija Simou (Direction des Archives Royales, Rabat), Sebbioui Madiha (Chercheuse en histoire contemporaine, Floride, USA), Meriem Youssoufi (Université Ibn Zohr, Agadir), Saloua Zerhouni (Faculté de Droit, Rabat)

Nos lecteurs voudraient certainement avoir des exemples de communications

Les communications étaient aussi intéressantes et stimulantes les unes que les autres, on ne le répètera jamais assez. Comme elles sont disponibles sur Internet, les lecteurs auront le loisir de se faire leur propre idée. Leurs appréciations dépendront naturellement  de leurs penchants et de leurs centres d’intérêt. Ce sera à eux de choisir et d’évaluer.

S’il vous fallait choisir un seul et unique exemple, lequel serait à retenir ?

Si je dois absolument choisir, et c’est un exercice cornélien que vous me demandez là, en mettant en avant un critère de seniorship, je dirais que la communication de Gilbert Sinoué, célèbre romancier qui a aimablement répondu à l’invitation de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’histoire du Maroc, a été originale, particulièrement instructive, éclairante et, j’ajouterais sans hésitation, passionnante. Je lui avais proposé d’intervenir sur le thème de «l’Histoire et la littérature ». Son exposé s’est fondé sur sa longue expérience en la matière puisqu’il est l’auteur de plusieurs romans dont les thèmes sont largement puisés dans l’histoire mais élaborés et écrits dans une perspective littéraire réussie puisqu’elle lui a assuré une renommée mondiale. On s’en réjouit bien sûr et je dois dire qu’on l’a tous écouté avec d’autant plus d’attention que son oeuvre la plus récente, L’Ile du Couchant,   est consacrée à l’histoire du Maroc. Il y fait une large part à la dynastie alaouite et plus particulièrement au grand sultan Moulay Ismaïl. Et ce avec une vision novatrice remettant en cause, de manière radicale, nombre de préjugés et de stéréotypes européo – centristes encore solidement ancrés malgré leur désuétude.

Il faudrait que j’ajoute qu’une autre communication présentée également dans une optique littéraire par une jeune chercheuse américaine qui connaît bien le Maroc et lui a consacré son Ph.D, Mary Beth Allen, enseignante dans l’Etat du Massachusset, a porté sur les relations de ce souverain avec le roi de France, Louis XVI.

Un dernier mot : tout au long de ce colloque dédié essentiellement à la recherche, nous ne perdions de vue ni la problématique de l’enseignement, ni sa promotion, ni, bien évidemment, le projet de création d’une Maison de l’Histoire du Maroc, actuellement piloté par la Fondation de l’Académie du Royaume du Maroc, présidée par le Secrétaire Perpétuel de l’Académie, le professeur Abdeljalil Lahjomri, et dont les principales étapes sont (et seront) concrètement suivies par l’Institut Royal pour la recherche sur l’histoire du Maroc et mon ami Driss El Yazami, Président du CCME.

Ceci étant dit, je voudrais, inviter encore une fois vos lecteurs à suivre les différentes interventions sur Internet.  Je suis persuadé qu’ils feront des découvertes très instructives et ne manquant absolument pas d’originalité. Cela stimulera assurément leur goût de l’histoire.

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