Covid : Voici pourquoi la situation risque de se dégrader à Casablanca

Alors qu’une semaine nous sépare désormais de la fin de mesures de restrictions à Casablanca, actés depuis le 7 septembre, par le gouvernement, la situation sanitaire est toujours inquiétante et les indicateurs ne sont pas très rassurants. Les craintes de foyers de contamination persistent avec la reprise des activités professionnelles et la rentrée universitaire.

« Le risque de saturation des unités hospitalières dédiées à la prise en charge des patients infectés au coronavirus est bien réel », alerte Docteur Nabila Rmili, directrice régionale de la Santé de la région de Casablanca-Settat, lors de son passage sur 2M, il y a quelques jours. Chiffres à l’appui, la métropole concentre en effet 40% des formes graves enregistrées au niveau national. Sur les 4.500 prélèvements effectués chaque jour à Casablanca, le taux de positivité est de 30% contre 6% au début de la pandémie. Quant à la moyenne d’âge des personnes décédées à Casablanca à cause du Covid-19, 71% des cas ayant perdu la vie ont plus de 65 ans. Des indicateurs alarmants dévoilés par la responsable du département de la Santé.

Certes, le volet de la capacité d’accueil des unités de réanimation a été renforcé. Toutefois, « on ne peut pas augmenter indéfiniment la capacité litière, puisqu’un manque accru de personnel de santé continue d’exister », fait savoir docteur Moulay Saïd Afif, le président de la Société marocaine des sciences médicales (SMSM) contacté par MAROC DIPLOMATIQUE. En effet, le Maroc compte 200 médecins réanimateurs du public, qui ne pourront servir que 400 lits de réanimation, compte tenu de la répartition territoriale. Ce sont des données avancées par le Dr. Jamal Eddine Kohen, Président de la Fédération nationale d’anesthésie réanimation (FNAR). Jusqu’à aujourd’hui, la capacité du Maroc en lits dédiés à la réanimation n’a jamais été saturée, et on compte 275 cas qui sont désormais admis dans les unités de réanimation et de soins intensifs, dont 59 sous intubation.

Une situation que le docteur Abdelouaheb Bennani, directeur du laboratoire de biologie moléculaire chez l’Institut Pasteur, qualifie de « dramatique », le cœur battant de la machine économique nationale, est aujourd’hui en détresse face à la recrudescence des cas. Un scénario pourtant prévisible pour la professeure Majida Zahraoui, spécialiste médecine interne et pathologies infectieuses, même si personne ne s’attendait à ce qu’il soit de cette gravité. Toutefois, Professeur Chakib Abdelfettah, spécialiste des maladies infectieuses à Casablanca, lors de son passage télé le 14 septembre, a estimé que l’étape actuelle risque de prendre encore du temps. Pour lui, « il est difficile de prévoir une baisse du nombre de cas contaminés d’ici fin septembre », souligne-t-il.

Est-ce qu’un relâchement de la population serait derrière cette recrudescence cas ? « Il faut garder à l’esprit que la population n’est pas homogène, donc, il y a une certaine catégorie qui comprend les choses et qui applique toutes les mesures d’hygiène, mais il y a d’autres qui ont encore besoin d’être sensibilisés, ceux-ci sont plus exposés au risque d’être contaminés », explique docteur Bennani, appelant à augmenter la capacité du dépistage. Maintenant, tous les spécialistes que nous avons interrogés s’accordent à dire que la solution ultime est de respecter les gestes barrières, il n’y a pas de secret. Lavage fréquent des mains, port du masque, usage du gel hydroalcoolique et distanciation sociale. Des mesures qu’on fait chaque jour, mais qu’on banalise, alors que celles-ci diminuent le risque de la transmission de 15 fois, ainsi que le risque de faire des formes graves, nous explique Dr. Afif.

Mise à l’écart du secteur privé

Les structures sanitaires du public ont été orientées depuis le début de la pandémie, vers les circuits Covid, aujourd’hui, celles-ci frôlent la saturation. Il semblerait que 3.855 médecins généralistes au niveau du secteur public dont seulement une partie couvre les 838 centres de santé en zone urbaine, où sont totalisés plus de 88% des cas Covid, selon un Policy Paper du docteur Sanaa Merimi, la fondatrice de l’Initiative vers l’unité pour la Santé au Maroc.

Alors que les appels à l’intégration du privé dans lutte contre la pandémie se multiplient, le secteur libéral est toujours mis à l’écart par le ministère de la Santé, qui se prive ainsi de près de 5.190 médecins généralistes, qui se sont montrés prêts à collaborer avec le public. Mais, alors, qu’est-ce qui bloque ?

La question a été posée au patronat par MAROC DIPLOMATIQUE, lors d’un point de presse tenu le 9 septembre. « Est-ce pour les raisons de respect de certaines normes, est-ce que c’est pour d’autres raisons ? En toute sincérité on ne sait pas. La question se pose et une réponse doit y être apportée étant donné que le ministre de la Santé dit qu’on est dans une période de saturation de certaines villes, comme Casablanca », nous a confié Mehdi Tazi, Vice-président de la CGEM.

Cependant, une autre question reste en suspens, à supposer même que le privé soit mis à contribution, qui prendra en charge le manque à gagner par rapport aux capacités mobilisées ? D’aucuns évoquent l’aspect pécuniaire comme raison officieuse à cette bouderie. D’ailleurs, la question de la prise en charge des patients Covid avait fait couler beaucoup d’encre suite à la note de service de la CNOPS relative au non-remboursement des prestations liées à la Covid-19 et datée du 12 août, avant qu’elle se rétracte par la suite. En l’absence de réponse claire, c’est la ville de Casablanca qui continue de payer les pots cassés.

De son côté, le président de la SMSM appelle à autoriser aux médecins généralistes du privé à traiter leurs patients et à ce que le protocole thérapeutique soit accessible au niveau des pharmacies.

Notons qu’une circulaire du ministère, rendue publique le 2 septembre, a autorisé aux « cas probables » de commencer le traitement au plus vite, avant même la révélation du résultat de test PCR. « Si on arrive à faire plus de tests rapides à Casablanca, on pourra isoler les gens et il y aura moins de contamination », commente notre source. Ce qui veut dire qu’un problème de diagnostic se pose, c’est ce qui pourrait retarder la prise en charge des cas positifs et exposer d’autres personnes au risque d’être contaminé.

Dépistage massif ou ciblé ?

Alors que le patronat a suspendu la campagne de dépistage massif en entreprise, dans un courrier adressé le 9 septembre aux membres de la Confédération, un autre mode de dépistage ciblant que les cas contacts sera ainsi utilisé.

Fausse-bonne idée ? « Je suis contre le dépistage ciblé, parce qu’il laisse de côté les cas asymptomatiques, qui continuent de contaminer d’autres personnes », tranche ce responsable à l’Institut Pasteur, qui considère que ce mode de dépistage ne révèle pas la partie immergée de l’iceberg, alors que le dépistage de masse permet de clarifier la situation épidémiologique et freiner plus rapidement la chaîne de transmission de l’infection par les porteurs non encore diagnostiqués.En l’occurrence, Dr. Afif propose que le Maroc se procure les tests antigéniques, qui sont plus simples et plus rapides. Il s’agit d’une méthode peu chère, mais dont l’efficacité est encore discutée. Plusieurs pays ont opté pour ces nouveaux tests, en France, ils ont été déployés depuis la semaine dernière.

Concrètement, un test antigénique est réalisé comme un test PCR, à travers un prélèvement au fond de la cavité nasale, à l’aide d’un écouvillon. Là-dessus, pas d’amélioration pour les patients. De même, comme les tests PCR, le test antigénique permet de savoir si on est infecté au moment du dépistage.

En attendant, d’autres solutions alternatives ont été adoptées.Plusieurs laboratoires privés ont été agréés par le ministère de la Santé pour effectuer les tests Covid. 8 laboratoires des 18 autorisés sont au niveau de la région de Casablanca-Settat.

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