Emploi : Dans l’étau des inégalités, réformes et ambitions

Plusieurs millions de jeunes vivant dans les pays du Maghreb ne voient plus d’avenir dans leur pays. Ces difficultés d’accès à l’emploi surtout viennent d’être accentuées par la pandémie du coronavirus, qui a encore aggravé la situation. Dans ce contexte, une étude de l’organisation non gouvernementale Oxfam Maroc a montré que la jeunesse marocaine souffre d’un chômage massif, en particulier les 15-24 ans vivant en milieu urbain. Les chiffres ont augmenté ces dernières années. Mieux, cette situation est accentuée par la problématique de l’égalité qui continue de secouer le marché de l’emploi.

« Un marché profondément inégalitaire qui reflète les insuffisances de la trajectoire de croissance actuelle », a constaté l’ONG internationale dans son rapport. Conséquence : la recrudescence de la pauvreté.

Le Maroc, comme tous les pays du monde, n’échappe pas à la lancinante problématique de l’emploi en termes de d’offres, mais celle-ci est surtout aggravée par un autre problème sous-jacent, celui de l’égalité.

Oxfam Maroc a présenté son étude sur le chômage, le secteur informel et la pauvreté dans le royaume. Les chiffres sont inquiétants.

L’étude montre que la principale raison de l’augmentation de l’activité, du chômage et donc de la détérioration des conditions de vie de centaines de milliers de Marocains est la perte d’opportunités d’emploi.

Le marché du travail inégal et moins inclusif

« Le marché du travail marocain profondément inégal reflète les insuffisances de la trajectoire de croissance actuelle et une société non intégrée qui marginalise les femmes et les jeunes », avertit le document d’orientation. Selon Oxfam, ces résultats sous-tendent une réalité déjà préoccupante sur un marché du travail très précaire.

Les résultats de l’étude montrent que malgré l’augmentation de la scolarisation, un jeune citadin sur quatre (15-24 ans) est au chômage. Un taux qui a suivi une tendance à la hausse ces dernières années. « Le chômage des 25-34 ans est également plus élevé que celui du reste de la population, puisqu’il touche environ 15 % de la population active de cette tranche d’âge, souligne le rapport.

→ Lire aussi : Emploi : l’Exécutif à pied d’œuvre pour contrer les effets de la pandémie

En revanche, les emplois créés sont encore insuffisants pour faire face à l’augmentation de la population en âge de travailler. 7,5 millions de personnes auraient dû entrer sur le marché du travail au cours des 20 dernières années. Par conséquent, le marché du travail national aurait dû créer 280 000 emplois par an, mais seulement 90 000 ont été créés.

Les femmes ne représentent que 1/5 de la main-d’œuvre

Actuellement, les femmes ne représentent que 21,5% de la population active au Maroc, tandis que les hommes représentent 71,5%, selon une autre conclusion de l’étude. L’emploi des femmes se situe principalement dans des secteurs où l’emploi est précaire et les conditions de travail difficiles : agriculture, travail domestique, textile et habillement, etc. dans la répartition géographique, environ 45,8%, dont 42,3% en milieu urbain et 52,2% en milieu rural. Il était de 71 % pour les hommes et de 21,5 % pour les femmes. Quel que soit leur niveau d’études, les femmes ont plus de difficultés que les hommes à trouver un emploi à niveau d’études égal.

Comme relevé dans plusieurs études, le marché du travail marocain est caractérisé par plusieurs inégalités, notamment à l’égard des femmes. En matière d’accès au marché du travail, les femmes sont peu présentes avec un taux d’activité de 19,9% en 2020, contre 70,4% pour les hommes, selon le dernier rapport du HCP intitulé « La femme marocaine en chiffres : 20 ans de progrès ». Pour Mme Khadija Boujanoui Directrice du Pôle Support chez 2M, « ce faible taux s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, le choix délibéré de certaines femmes à ne pas travailler, préférant se consacrer à l’éducation des enfants et à la gestion des affaires domestiques. Parfois, c’est plutôt le choix de l’époux, compte tenu du contexte social dans lequel nous vivons. Le faible taux d’employabilité des femmes s’explique également par une certaine discrimination à l’embauche. », conséquence, elle ajoute que « certains recruteurs préfèrent, à compétences égales, employer un homme plutôt qu’une femme. » Un autre facteur est également responsable de cette inégalité : le manque d’accès des femmes à l’éducation élémentaire et à l’enseignement supérieur. « Chose qui réduit considérablement leurs chances de trouver un emploi. Cette inégalité est, par conséquent, responsable du manque d’accès à la sécurité sociale, d’autant plus que l’emploi au féminin reste marqué par une forte précarité en lien avec la prépondérance de l’informel. »

Réformes axées sur les jeunes et les femmes

Dans son rapport, Oxfam Maroc souligne qu’une action claire et urgente est nécessaire pour répondre à la crise des inégalités sociales et de l’injustice au Maroc. Parmi ces recommandations figure la protection des emplois, notamment dans les PME et les micro-entreprises, à travers un plan qui met l’accent sur les jeunes et les femmes.

Cependant, Khadija Boujanoui souligne qu’il y a également un travail considérable à faire afin de changer les mentalités et de promouvoir le principe de l’égalité femme-homme en rééquilibrant les rôles respectifs des femmes et des hommes dans la société. Il faut encourager à l’embauche des femmes, notamment via un certain nombre de mécanismes incitatifs pour les entreprises. Sur le plan social, elle estime que « le chantier de généralisation de la couverture sociale à tous les Marocains est à saluer compte tenu de son caractère salvateur, notamment l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) visant à déployer la couverture sociale universelle à l’horizon 2025. Il va permettre de réduire ainsi les inégalités et d’améliorer les conditions de vie des femmes. »

Proposant, une réforme, Oxfam, milite pour une formalisation de l’activité économique, d’assouplir les démarches administratives, d’investir dans des programmes d’accompagnement et de tutorat après la constitution, et d’introduire des avantages fiscaux pour les entreprises lorsqu’elles embauchent des jeunes en CDI.

Toutefois, pour arriver à de bons résultats sur l’égalité sur le marché de l’emploi au Maroc, il est important pour le pays d’investir dans l’employabilité des jeunes en promouvant des mesures telles que l’amélioration de la qualité de l’enseignement post-bac, notamment en le rapprochant des besoins du secteur privé.

Ambitions politiques

Nommé chef de gouvernement il y a plus de 100 jours, Aziz Akhannouch a décliné les priorités ambitieuses de son gouvernement telles que la création d’un million d’emplois nets au cours des cinq prochaines années, l’augmentation du taux d’activité des femmes de 20 % actuellement à plus de 30 %, la réduction des disparités sociales et territoriales de 46,4 % (Gini Index) à moins de 39% et enfin la généralisation de l’Indemnité Perte d’Emploi (IPE) d’ici 2025 pour tous les salariés en CDI.

Les intentions du gouvernement donnent « une petite lueur d’espoir » avec le programme « Awrach », qui profitera sur une période de 2 ans à quelque 250.000 Marocaines et Marocains, selon Khadija Boujanoui. L’objectif dudit programme étant de créer des emplois temporaires qui pourront bénéficier notamment aux plus démunis. Dans le même registre, le programme « Forsa », doté d’un budget de 1,25 MMDH, encourage la création de 12.500 entreprises en une année. Toutefois, elle reste « persuadée des compétences du gouvernement d’Akhannouch et espère la mise en route de plus grands chantiers structurants, notamment sur le plan social et économique. », conclut-elle.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page