En géopolitique, pas de mort subite

Par Kamal F. Sadni (Géopoliticien)

Il y a des hommes et des femmes qui marquent l’histoire. Importe peu le cercle dans lequel ils évoluent, ils sont au rendez-vous, souvent sans y être attendus. Les fatalistes parlent de destin ; les positivistes parlent d’énergies en communion ; les spiritualistes parlent de rencontres dans une vie passée ou d’une vie future simulée par avance. Ils partagent surtout l’originalité d’avoir travaillé pour la paix ou d’avoir provoqué une guerre qui aurait pu être évitée.

Cette observation est d’autant plus avérée qu’elle s’applique à la politique interne et à la politique étrangère de certains acteurs appartenant à des sous-ensembles régionaux en crise de constitution ou de reconstitution. Etre au rendez-vous de l’histoire, certaines personnalités l’ont été et de belle manière. Elles ont fait le choix de la raison, et plus concrètement, elles ont opté pour le choix rationnel en tant que mode de décision en politique.  Elles ont été en phase avec l’obligation de l’instant et les impératifs de saisir l’opportunité au vol.

L’histoire retient que ces personnalités ont évité à l’humanité des catastrophes aux conséquences apocalyptiques. Certaines d’entre elles ont évolué sur l’échiquier politique, diplomatique et stratégique international. D’autres sur l’échiquier politique interne avec les enchevêtrements que cela implique, chaque fois que le paradigme Linkage Politics est intégré dans l’analyse. Les deux catégories ont bien négocié le cheminement vers la stabilité, l’ordre et la paix. Elles n’ont pas toujours eu la reconnaissance magnanime de leurs concitoyens. Elles ont été souvent malmenées par des historiens et politicologues à la gâchette facile. Ces personnalités méritent tous les égards.

Il y a cependant une autre catégorie qui a raté l’opportunité d’être au rendez-vous de l’histoire. Si bien que celle-ci n’en retient des noms que pour les ridiculiser sinon les mépriser.

Quelles caractéristiques ont les bénis et les haïs de l’histoire dont il s’agit? Tout dépend du contexte et de l’ampleur des crises dans lesquelles ces personnalités ont eu à intervenir. Et on commence par certaines celles qui ont été bénies par l’histoire, même si au moment où elles étaient des acteurs directs de la crise, elles n’ont eu que des poussières en soutien. Car, il est un secret de polichinelle que dans tout contexte politique ou social, les décisions les plus cruciales sont prises par une poignée sinon par un décideur unique rationnel (certainement pas dans la configuration d’Orwell, mais dans celle de la maturité du processus de décision dans lequel le niveau de la manipulation n’est pas déterminant).

Etre au rendez-vous de l’histoire : un privilège, une bénédiction

Les historiens  et les théoriciens des relations internationales aiment citer la visite du président américain Richard Nixon en Chine en 1972 en pleine Guerre froide comme un événement historique. Une percée accueillie différemment par les Américains et leurs alliés européens d’une part, et les dirigeants soviétiques, d’autre part. Mais tout le monde s’accorde sur le fait qu’il s’est agi d’un tournant, une sorte de coupure épistémologique dans les relations internationales post-Deuxième Guerre mondiale. Avant Nixon, il y a eu John Kennedy et sa saga d’ouverture et de fermeté à l’égard de Cuba en 1962 dans le cadre de la Guerre froide et la tension Est Ouest.

Un demi-siècle plus tard, Barak Obama a tenté une nouvelle percée en direction de Cuba (2016) et de l’Iran (2013-2015) dans une lecture complexe de l’échiquier géostratégique post-crise financière internationale (2008), post-illusion démocratique dans les pays ex. Soviétiques (2008-2016) et post-saccade de printemps arabes mort-nés (2012-2016). Les mêmes historiens et théoriciens des relations internationales ne manquent pas l’occasion de citer la décision du Général Charles de Gaulle de se débarrasser (ou d’être forcé par les Etats-Unis de) des colonies françaises en Afrique, notamment à partir de 1960, en maintenant les départements d’outre-mer et les territoires d’outre-mer DOM-TOM, appelés depuis 2015 collectivités d’outre-mer (COM).

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Ces chercheurs rivalisent également dans l’explication de l’aventure ottomane et les causes de l’émergence du kémalisme en Turquie à la suite de la conclusion des traités de Sèvres (1920) jugé injuste et de Lausanne (1923), qui le remplace en permettant de garder des territoires qui allaient être amputés au pays par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale.

Les mêmes historiens et théoriciens se mélangent parfois les pinceaux en épiloguant sur l’aventure de Mikhail Gorbatchev ou la saccade des révolutions dans les pays d’Europe orientale en Hongrie (1956 et 1989), en Tchécoslovaquie (1968), en Pologne (1989) ou en Roumanie (1989). Ces théoriciens ferment souvent les yeux sur les péripéties des dictatures espagnole et portugaise, l’issue catastrophique de la guerre des Balkans, la persistance de conflits gelés ou l’existence de velléités indépendantistes en Europe occidentale. De même que, suivant les saisons et les opportunités géopolitiques, ils se rappellent Camp David 1 et le traité de paix entre l’Egypte et Israël (1978), Oslo et les accords entre Palestiniens et Israéliens (1993) ou Wadi Araba, lieu de la signature du traité de paix entre la Jordanie et Israël (1994).

Ils font l’impasse sur les ratés de Camp David 2 et de Sharm El-Cheick (2000), l’échec des négociations secrètes entre la Syrie et Israël sur le plateau du Golan (1992-1996), les vraies causes de l’invasion de l’Irak (2003) ou du déclenchement des printemps arabes et la victoire-défaite de l’islam politique dans certains pays de la périphérie arabe (2011-2013) que certaines puissances avaient voulu une refonte de systèmes politiqués taxés de moribonds. Ils font à peine référence aux acteurs qui ont inspiré ou participé à la confection et à la mise en œuvre des décisions stratégiques prises à l’occasion des différentes crises à connotation existentielle.

Toutes les personnalités citées plus haut n’ont pas été épargnées -souvent injustement- par les critiques sur les plans interne et international. Pourtant, leur contribution au maintien de la paix a été majestueuse, même si le processus a causé des dommages collatéraux, dont les répercussions continuent à nos jours. Nixon a été éclaboussé par l’affaire Watergate (1974), Kennedy assassiné (1963), Obama vilipendé (2015) pour avoir été moins intransigeant à l’égard de la Chine et plus magnanime à l’égard de la Russie et de l’Iran, De Gaulle (1962) échappant à une tentative d’assassinat pour avoir mal négocié le maintien de l’hégémonie dans certaines colonies et pour avoir créé une nouvelle entité en Afrique du Nord (l’Algérie) sans garantie de pouvoir museler des agissements attentatoires théoriquement aux intérêts français, Gorbatchev et Atatürk accusés d’avoir bradé leurs pays sans rien obtenir au change ou du moins pas grand grand-chose.

Et puis, l’histoire la plus rocambolesque est celle des acteurs des différents processus de paix au Proche Orient. Deux parmi les signataires des traités de paix ont été assassinés (Anouar Al-Sadat, 1981 ; Yitzhak Rabin, 1995) ; une victime d’une mort sur laquelle les suspicions sont nombreuses (Yasser Arafat, 2004). Les interprétations soutenues par les historiens et les théoriciens des relations intranationales font l’impasse, délibérément ou par incohérence méthodologique, sur le contexte et la dimension réelle ayant motivé les choix de la décision. Il en est ainsi de la dimension psychologique, des déterminants culturels, historiques et géographiques, c’est-à-dire, entre autres, l’environnement, les préférences, les facteurs idiosyncratiques et cognitifs et  les différents impacts pré-décision et post-décision.

Or, le jugement porté demeure équivoque. Même après la levée secret défense  sur des archives sensibles afférentes aux conflits et crises qui ont marqué le siècle dernier, l’interrogation demeure sur la sincérité et la pertinence des opinions et avis émis par leurs rédacteurs et sur les conditions réelles du déroulement des faits et évènements relatés. Ainsi par exemple, on cherche à entériner l’idée qu’Atatürk fût de connivence avec les puissances coloniales de l’époque, que Kennedy eût été à deux doigts de déclencher une troisième guerre mondiale à l’occasion des crises des missiles (1962), que Gorbatchev (1990) fût  manipulé par les Américains et leurs alliés européens, que Sadat fît le choix des intérêts de l’Egypte au détriment de ceux des Palestiniens et des autres pays en conflit avec Israël.

Etre visionnaire : l’art du compromis salutaire

De même, on prétend qu’Obama eût été élu pour faire exécuter un agenda qu’une autre personnalité, plus expérimentée et moins novice en politique que lui, n’eût fait aboutir et que, de surcroit, il se fut berné par les Iraniens qui lui auraient vendu l’idée saugrenue de l’existence de conservateurs et de réformistes au sein du système décisionnel en Iran et que ce pays ne serait plus totalement imperméable à l’ouverture sur les Etats-Unis. Il aurait accepté de laisser les Russes faire en Syrie, en contrepartie de leur engagement dans la conclusion de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran. Alors que, comme lui-même l’a expliqué dans ses mémoires, il lorgnait la Chine qu’il considérait plus dangereuse à long terme que la Russie à court terme.

Plus ambigüe est l’opinion de faire porter le chapeau de l’échec des négociations de Camp David (2000) à Arafat, alors que, selon les témoignages de personnalités y ayant participé, celui qui aurait fait marche arrière à la dernière minute fut Ehud Barak. De même que l’on incrimine Saddam Hussein pour avoir envahi le Kuweit ou rechigné à arrêter son programme d’acquisition d’armes de destruction massive, conduisant à l’invasion de son pays, alors que les motivations des deux invasions respectivement en 1990 et 2003 ont été autres. Les Palestiniens justement qui se mordent les doigts pour avoir laissé échapper l’opportunité de récupérer quatre-vingt-dix pour cent de la Cisjordanie, plus Gaza, à la suite des accords de 1978 entre l’Egypte et Israël. Tout comme le président Hafez Al Assad qui aurait laissé échapper l’occasion de récupérer  le plateau du Golan (1967 et 1994) pour des considérations de politique intérieure et de lutte pour le pouvoir. Il en est de même de ces chefs d’Etat arabes qui n’ont pas vu venir un printemps qui allaient les éclabousser ; mais que de récentes révélations font état qu’ils avaient voulu coopérer pour des transitions politiques à long terme. Ils ne faisaient plus l’affaire. Ils ont été lâchés par leurs partenaires distributeurs de sursis.

C’est dire que le contexte et le timing jouent un rôle déterminant dans la confection et le contrôle des échiquiers politiques, diplomatiques et stratégiques. Et c’est le cas ici  d’évoquer des acteurs qui ont été sacrifiés dans le cadre de disputes intranationales pour avoir cru qu’ils pouvaient faire quelque chose pour secouer le statu quo. En premier lieu, il y a nombre de personnalités de l’opposition à l’étranger qui ont pris le risque de rentrer dans leurs pays pour accompagner des transitions politiques, certes laborieuses, mais inévitables. Elles ont été soit évincées avant qu’elles ne commencent leur mission, soit récupérées par les forces de l’inertie pour finir amadouées, complices ou jetées en pâture.

Il y a ensuite des figures historiques, comme ce fut le cas de Mohamed Boudiaf, appelé à la rescousse d’un pays meurtri par une guerre civile larvée, avant qu’il ne fût assassiné pour avoir osé s’attaquer à des tabous politiques et stratégiques. On serait tenté d’avancer le même constat sur la mort de Boumediene, de manière mystérieuse (1978) alors qu’une rencontre avec le roi Hassan Il sur le dossier épineux du Sahara aurait été programmée. Il y a aussi le cas d’Aung san Suu Kyi, opposante birmane qui s’est pliée au jeu de lutte pour la démocratie et de manipulation  par des puissances étrangères. Ces dernières  n’ont pas été aussi critiques de son silence (complice ou impuissant)  sur le massacre des Rohingyas (2012-2017).

Sur l’échiquier intranational, mais avec des histoires heureuses, on pourra citer le cas de Léopold Cedar Senghor (1981) et Abdou Diouf (2000) au Sénégal qui ont, avec une certaine nuance, transmis le pouvoir et permis à l’expérience démocratique d’éclore dans le pays. Il y aussi le cas de Nelson  Mandela et de Frederik De Klerck (1990-1993) qui ont fait le pari de tourner la page de l’apartheid et permettre à l’Afrique du Sud de sortir de son traumatisme existentiel. Il y aussi le cas d’Alpha Oumar Konaré, militant pacifiste malien devenu président (1992-2000), qui quitte le pouvoir à temps pour éviter la répétition du scénario de Modibo Keita (1960-1968).

Et plus proche de nous, quoique sur un registre plus nuancé, les acteurs de l’alternance au Maroc, notamment durant les  années 1990 et 2000. Une alternance qui allait de ne pas avoir lieu s’il n’y avait pas eu la clairvoyance des leaders qui s’y étaient refusé au début de 1990 pour des raisons politiciennes. Des exemples passés en revue plus haut, on pourra tirer des conclusions en observant les expériences qui se déroulent devant nos yeux.

Premier constat, les acteurs de la paix et de la guerre ne sont ni plus intelligents ni moins au fait des réalités auxquelles ils se mesurent. Cependant, ils partagent une caractéristique fondamentale : en acceptant de s’engager dans les négociations, ils tiennent compte de leurs atouts. En foi de quoi, ils peuvent être qualifiés de fins visionnaires  ou de sacrés sanguinaires.

Deuxième constat, les acteurs de la crise, qu’ils en soient les initiateurs ou les héritiers, doivent  travailler à en trouver la solution. Une crise héritée n’est jamais facile à résoudre en l’absence des véritables acteurs impliqués.

Troisième constat, la qualité des acteurs et leur capacité d’interagir avec les autres protagonistes. L’une des questions sur laquelle buttent les historiens et les théoriciens des relations internationales est de savoir si le degré et la portée du mandat confié aux négociateurs leur permettent de faire la décision quand l’opportunité se présente durant le processus de négociation. En effet, les négociateurs sérieux s’attendent à avoir affaire à des homologues  tout aussi sérieux. Atteindre une solution gagnant-gagnant est l’objectif ultime. A défaut, la solution c’est l’entretien du feu par le maintien des cendres en activité douteuse.

Quatrième constat, le vieillissement des acteurs contemporains des crises, conflits endémiques, leur disparition ou mise à l’écart, constituent un grand problème. Il n’est pas garanti que leurs successeurs puissent avoir le sens de la mesure ou soient ouverts aux compromis jugés incontournables.

Il n’est pas dit, non plus, que l’entêtement des premiers soit une contribution à une solution potentielle. Si l’on prend en considération la retenue et les réserves inhérentes à la rétention de l’information (ou la destruction délibérée de pièces maitresses), il y a des risques de voir les étapes franchies anéanties par des novices ou par des têtes brûlées politiques et diplomatiques.

Dialoguer, un geste de sagesse

L’appel au dialogue ou la main tendue quand le destinataire n’a pas le moyen ou la marge de manœuvre pour conclure la paix est un exercice qui est emporté par le vent. Le geste permet de démonter la bonne foi et de gagner le temps. Cependant, le destinataire peut ne pas avoir le temps et serait tenté de recourir à la pratique ‘après moi le déluge’. La phobie, le manque de confiance en soi, le rôle de négociateur-écran ou de figurant, l’entretien du syndrome de l’encerclement, de la mentalité de la victime, du leader charismatique ‘envié’ et ‘jalousé’ faussent le processus de négociation. Ils participent à la création de héros en papier, qui, à défaut d’embrasser la raison, fabriquent d’autres pantins qui les adulent tout, faute de mieux, en les haïssant.  Certains analystes préfèrent parler de style de négociation associé au charisme du négociateur.  Analyse pertinente sauf que pour danser, il faut être deux. Sur le plan interne, il faut que les acteurs politiques partagent la conviction de sauver les institutions de la crise en les réformant à partir de l’intérieur, en travaillant prudemment sur les éléments de convergence et avançant lentement sur les éléments de divergence. Sur le plan international, les acteurs sont appelés à faire jouer leurs atouts dans un esprit de compromis et non pas d’hégémonie, de ‘bitter end’ ou de ‘mort subite.’

Les experts des affaires moyen-orientales se rappellent le cri d’Anouar el- Sadate, au lendemain des accords de Camp David, exhortant les Palestiniens à accepter les termes (à définir) de l’existence de deux Etats au bout d’une période de transition en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. D’autres observateurs des affaires européennes et des relations Est-Ouest se rappellent de la mise en garde lancée par des historiens réputés, au lendemain de la décomposition de l’URSS, de ne pas provoquer la Russie sur le terrain de l’élargissement de l’Otan ou de l’Union européenne en ouvrant large le processus d’adhésion d’anciens pays de l’Est.

Des experts des affaires de la Méditerrané orientale ont, au lendemain du triomphe de l’islam politique dans certains pays arabes, attiré l’attention de la Turquie de ne pas s’acharner à entretenir sa tentation impériale en exploitant la variable religion pour un pays réputé attaché à la laïcité. Des familiers des affaires du Golfe ont tiré le signal d’alarme contre l’assouplissement des relations avec l’Iran sur le dossier nucléaire, le programme balistique et en pas gober sa  prétendue disposition à ne pas chambouler l’équilibre sécuritaire régional.  La Russie, la Turquie et l’Iran cherchant à se repositionner pour faire revivre, même virtuellement, l’âge d’or qui fut le leur. Aspiration légitime, mais qui se heurte à la prolifération d’acteurs qui nourrissent, dans leurs zones de compétition respectives, les mêmes ambitions, même en s’inventant une histoire glorieuse jamais prouvée par des archives ou de découvertes archéologiques incontestables.

Si on jette un coup d’œil détaché sur ce qui se passe notamment dans les périphéries arabes et africaines, on ne peut que se sentir désespérés tant la majorité des acteurs au pouvoir plane sur une autre orbite : ni partie prenante dans les processus de modélisation (ou de conditionnement) pacifique des échiquiers stratégiques régionaux et internationaux, ni partie intéressée en devenir pour dépasser les blocages psychologiques dans la gestion des conflits régionaux endémiques. A défaut d’arguments et d’atouts,  une poignée d’entre eux se permet même d’entretenir  un comportement belliqueux, opportuniste et dangereux. Certaines composantes du pouvoir se transforment en pyromanes de service, y compris contre des systèmes de prise de décision en perte de repères et de lucidité. D’autres acteurs, évincés du pouvoir politique, soit à la suite d’élections libres ou par usure politique, s’ingénient à ressasser des doctrines révisionnistes, dogmatiques et dépassées. On en a des échantillons en Espagne, en France, dans certains pays scandinaves, au Moyen Orient, en Afrique et en Amérique latine.

Si bien que certains acteurs font le choix de travailler l’échiquier politique interne en observant, en oblique, les autres récalcitrants. C’est le cas du Maroc, qui a quitté l’Union africaine (OUA, 1984), quand il était nécessaire, et d’y retourner (2017) quand les ambivalences se sont dégagées. C’est aussi par le même diagnostique que le Maroc observe l’Union du Maghreb arabe. La priorité est donnée à relever les défis de l’ancrage à la modernité, dans son sens à la fois philosophique et positiviste, et la sauvegarde de ses fondamentaux existentiels les maniant avec réalisme, pragmatisme et optimisme. La même démarche est suivie dans le processus d’ouverture démocratique. Un processus qui ne serait pas du goût des comparaisons hâtives et des adorateurs de modèles par association. Ceux-là mêmes qui ont du mal à comprendre que le changement incontournable ne se fait pas dans la précipitation. Il se fait par l’adhésion et l’inclusion.

Etre au rendez-vous de l’histoire, c’est aussi admettre l’hypothèse d’avoir tort et d’essayer de rectifier le tir. Le choix rationnel n’est pas un manuel de solutions à tous les problèmes posés par la politique et la géopolitique. La révision d’une décision et son ajustement, en fonction des paramètres de la situation-rôle, est un comportement sage. Les scientifiques, toutes disciplines confondues, font  de la remise en cause régulière, des résultats et des postulats un sacerdoce, pourquoi pas les politiques ? L’actualité récente le démontre de belle manière, à l’occasion des malentendus enregistrés entre certains pays membres du Conseil de Coopération du Golfe ou entre certains pays subsahariens en période de liquidation d’héritages lourds à connotation ethnique et tribale. Les acteurs impliqués choisissent le dialogue, même laborieux, que la confrontation dont personne ne sortirait vainqueur.

Il en est de même, et de manière plus claire, des relations entre le Maroc et certains pays membres de l’Union européenne. Si des détails doivent être réglés, il n’en demeure pas que les perceptions évoluent dans un sens positif. D’autres pays le seraient-ils dans un avenir proche ? Rien n’est moins sûr, cependant force est de conclure qu’en géopolitique, l’histoire peut  parfois être ingrate et cynique. Elle est comme une lame de fond, elle peut emporter des éléments utiles sur son passage, mais elle ne peut certainement provoquer une mort subite.

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