Intelligence artificielle : Pour le meilleur OU pour le pire ?

Dossier du mois

Othmane Bennis,Managing, Partner et BD Director @ XNode

L’Intelligence artificielle fascine tout autant qu’elle fait peur

On associe, généralement, l’intelligence artificielle (IA) au cyborg envoyé par Sarah Connors pour sauver son fils John, dernier espoir de l’humanité face à la guerre contre la machine. Une machine sophistiquée dotée de capacités similaires à l’humain, mais avec de velléités destructrices. Cette même image porte, intrinsèquement, en elle toute la crainte que l’on peut avoir en pensant à l’IA. Mais soyons clairs, on est encore loin de ce moment-là, nous n’y arriverons sûrement jamais, la machine ne nous égalera pas et ne prendra pas le contrôle de notre destinée.

L’IA est, aujourd’hui, dans toutes les conversations. Elle fascine tout autant qu’elle fait peur. Ce terme fleurit, exponentiellement, dans les présentations PowerPoint dans les milieux d’affaires. Mais les spécialistes en la matière parlent, eux, de «machine learning» ou plus précisément de «deep learning» ou apprentissage profond, qui est la capacité d’une machine à apprendre toute seule, grâce à un réseau de neurones artificiels. Il suffit alors de nourrir ce réseau profond avec un grand nombre de données pour qu’il réussisse, après un temps d’entraînement variable, à identifier et à accomplir une tâche spécifique et précise, mimant l’intelligence humaine : reconnaître un visage, traduire une phrase, prédire notre prochain achat.

Aujourd’hui, l’IA connaît un développement fabuleux dans plusieurs domaines dont : la vision par ordinateur, la reconnaissance vocale, la traduction, la robotique, la voiture autonome, pour ne citer que ces derniers.

Les enjeux de l’IA

L’avènement de la société du numérique, l’omnipotence du « Big Data », l’augmentation de la capacité de stockage et de la puissance de calcul des ordinateurs ainsi que la sophistication des algorithmes de traitement et d’analyse ont créé les conditions du développement exponentiel de l’IA. Cette nouvelle donne s’accompagne d’un changement de paradigme fondamental : une révolution technologique sans précédent, qui donnera à la nation qui la maîtrisera, un avantage décisif dans la gestion des affaires du monde. Le cabinet PWC estime le gain en productivité au niveau mondial de 16 trillions de dollars. A titre de comparaison, le PIB des Etats-Unis d’Amérique, en 2017, était de 19 trillions de dollars. Le potentiel est massif.

L’IA va révolutionner nos méthodes de transport avec l’avènement de la voiture autonome, notre industrie avec la robotisation des outils de production, la santé avec la sophistication des méthodes de diagnostic, notre consommation à travers une connaissance extra fine de nos habitudes d’achat, mais surtout et sans doute le plus important, notre capacité de prédiction. Car prédire, -l’un des fondements de l’intelligence humaine-, deviendra facile et peu coûteux. La prédiction dépendant de la quantité de données à capturer et à analyser, le faible coût de capture de la donnée et de son analyse révolutionnera notre approche des problèmes et des solutions au niveau économique, sociétal, environnemental, éducatif et politique, pour ne citer que ces derniers.

L’IA en Chine

Nous avons eu la chance à XNode d’être au coeur de l’accélération de certaines nouvelles technologies, dont l’IA. Et nous avons mesuré l’impact énorme qu’elle aura sur le façonnement de la nouvelle société technologique chinoise. La Chine s’est dotée d’une stratégie gouvernementale et d’un plan quinquennal mettant l’IA au centre du réacteur économique. La Chine est, aujourd’hui, en compétition frontale avec les États-Unis et compte bien devenir le leader mondial en la matière à horizon 2030. L’investissement en IA en Chine a dépassé celui des États-Unis en 2018.

La Chine a deux avantages concurrentiels flagrants : la taille de sa population lui permettant d’accumuler des masses de données importantes. Puis sa réglementation très souple sur la confidentialité des données personnelles et leurs utilisations, qui lui permet une flexibilité et une agilité que d’autres pays n’ont pas et n’auront peut-être jamais. J’en veux pour exemple l’utilisation des données médicales personnelles, qui peuvent être utilisées, aisément, en Chine pour nourrir des IA qui opèrent dans le diagnostic médical par exemple.

Les dernières découvertes majeures en matière d‘IA ont été faites aux États-Unis, mais les innovations et applications sur le marché sont décidément chinoises. L’IA est partout en Chine, dans la finance, l’assurance, la surveillance, la consommation, les usines etc.… La Chine abrite l’entreprise d’IA la plus valorisée au monde : Sensetime. Cette dernière travaille étroitement avec le gouvernement local, et renforce la vidéosurveillance de la ville de Shanghai par exemple. Pour l’anecdote, les autorités de la ville peuvent retrouver automatiquement n’importe quel visage, au sein d’une population de 24 millions d’habitants, en moins de 8min. Ahurissant !

La Chine est désormais crainte. L’affaire Huawei où les États-Unis ont inculpé le numéro deux du groupe chinois, pour commerce illicite avec l’Iran, n’est que la partie visible de la grosse course à la suprématie sur la data et l’IA que les deux puissances se livrent. Huawei, au-delà d’être un fabricant de téléphone hors pair, dépassant, l’année dernière, Apple en termes de ventes annuelles de téléphones, défraie, aujourd’hui, la chronique avec sa technologie 5G, dont il est le leader mondial. En effet, Huawei maîtrise parfaitement cette dernière et a des moyens colossaux pour déployer son architecture au niveau international. La mainmise sur les réseaux 5G sera la future base fondamentale de capture et de transfert des données, nerf de la guerre de l’IA.

Pour finir sur une note plus positive, la France, l’Allemagne et les pays nordiques se sont dotés, ces derniers mois, de stratégies IA au niveau gouvernemental pour faire face à la concurrence américaine et chinoise, et ne pas être relégués au banc des nations qui auront échappé à cette révolution technologique. Nous avons au Maroc les ressources nécessaires (de très bons mathématiciens) pour développer et mettre en oeuvre une stratégie nationale d’IA qui ait du sens et qui servirait de relais de croissance pour les décennies à venir.

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