Italie : Tractations pour la formation d’un gouvernement, entre optimisme et prudence

Les contours d’un nouveau gouvernement en Italie peinent encore à se dessiner dans un climat d’optimisme prudent sur les chances d’aboutissement des tractations menées par le Premier ministre, Giuseppe Conte, entre le parti démocrate (PD) et le Mouvement 5 étoiles, dont les divergences suscitent l’inquiétude des milieux européens et des places financières.

Au terme de trois semaines de crise politique dans laquelle la troisième puissance économique européenne était plongée, après le dynamitage par Matteo Salvini, le chef de la Ligue (extrême droite), le 8 août de la précédente coalition formée avec le Mouvement 5 étoiles, un accord politique a été finalement trouvé entre le Mouvement 5S et le centre-gauche pour éviter des élections anticipées et former une nouvelle majorité de gouvernement sous la houlette du premier ministre sortant Guiseppe Conte qui entend présenter son nouveau cabinet d’ici mercredi au plus tard.

M. Conte, très populaire en Italie, a obtenu ces derniers jours le soutien, d’abord des Européens au G7 de Biarritz (France), puis lundi du président américain Donald Trump, qui l’a qualifié «d’homme très doué». Le président sortant de la Commission européenne a salué la nomination de M. Conte, soulignant que Bruxelles « compte sur l’active contribution de l’Italie au projet européen », selon une porte-parole.

Après de fortes tensions entre les deux partis au sujet de l’attribution des maroquins, il y a désormais « une bonne ambiance de travail », a estimé Giuseppe Conte. A ce sujet, il a indiqué qu’il demanderait au PD et au M5S de lui présenter des suggestions, plutôt que des exigences, « de façon à pouvoir composer la meilleure équipe ».

La nouvelle coalition aura « un seul et même programme », a-t-il affirmé. Giuseppe Conte a aussi insisté sur sa neutralité, niant son appartenance au M5S.

« Je ne suis pas membre du Mouvement 5 Etoiles, je ne participe pas aux réunions de la direction (du Mouvement), je n’ai jamais rencontré les groupes parlementaires, donc m’appeler M5S est à mon sens déplacé». Il a cependant reconnu « être proche d’eux ». « Je les connais depuis longtemps et je m’entends bien avec le M5S », a-t-il noté.

Premier parti au Parlement depuis les législatives de 2018 (32 % des suffrages), le M5S entend en effet peser aussi sur la répartition des ministères. Son leader, Luigi Di Maio, a fait savoir qu’il pourrait jeter l’éponge, si le programme, déterminé par le nouveau cabinet, n’inclue pas les principales mesures défendues par sa formation politique. « Nous avons résumé nos principaux objectifs dans un document que nous avons soumis au Premier ministre. Nous estimons que certains de ces objectifs sont essentiels. S’ils sont inclus dans le programme, nous pourrons alors commencer à travailler dans ce nouveau gouvernement. S’ils ne le sont pas, mieux vaudra retourner aux urnes le plus tôt possible », a déclaré Luigi Di Maio.

Il a notamment rejeté une modification des « décrets sécurité », promulgués par le ministre de l’Intérieur sortant et son ex-allié le chef des souverainistes Matteo Salvini.

« Le problème de l’immigration est sérieux, concret et il doit être affronté avec compétence dans le respect des sensibilités exprimées par l’opinion publique », a-t-il dit, conscient qu’une bonne partie du M5S approuve le durcissement sécuritaire promu par Matteo Salvini, pendant les 14 mois d’alliance M5S-Ligue.

Un haut dirigeant du PD, Graziano Delrio, a qualifié d' »inacceptables les ultimatums de Di Maio à Conte », rappelant que les sociaux-démocrates « se sont engagés à soutenir loyalement les efforts de M. Conte » pour constituer un gouvernement.

Le Parti démocrate insiste, quant à lui, pour obtenir un poste de vice-Premier ministre en prétextant la proximité qui existe entre Giuseppe Conte et le M5S.

Auparavant, le patron du PD, Nicola Zingaretti, avait énuméré, à l’adresse de Giuseppe Conte, les « principales nouveautés » d’un programme commun M5S-PD : une baisse des impôts pour les moyens et bas salaires « afin de stimuler la consommation », un plan pour l’emploi, la promotion de l’économie numérique et la possibilité de « rendre gratuite la formation des enfants des familles modestes depuis la crèche jusqu’à l’université ».

Désormais, Giuseppe Conte va devoir s’atteler à l’arbitrage très compliqué de la répartition des postes ministériels, alors que le grand perdant de cette nouvelle alliance politique, Matteo Salvini table désormais sur l’échec de la coalition pour revenir au pouvoir à travers des élections anticipées. L’ex-ministre de l’Intérieur a déjà prévu de partir en campagne pour faire tomber le gouvernement.

« Nous sommes dans une phase très délicate pour le pays et nous devons sortir au plus tôt de la période d’incertitude politique créée par la crise de gouvernement », a souligné M. Conte, après une rencontre avec le président italien.

Le Premier ministre a promis de former un gouvernement pour une Italie « plus juste ». Il a également promis une relance de l’Italie qui doit aussi « retrouver un rôle de premier plan en Europe », appelant à « un pays plus juste, plus compétitif, plus solidaire, plus inclusif ».

Selon le système parlementaire italien, une fois son gouvernement investi, M. Conte devra obtenir la confiance des deux chambres du Parlement. Il va immédiatement consulter « tous les groupes parlementaires » et les forces politiques de la nouvelle majorité, et présentera sa liste de ministres au président « dans les prochains jours ».

Malgré la crise politique, l’Italie doit présenter d’ici la mi-octobre son projet de budget 2020, a rappelé vendredi le commissaire européen au Budget, Günther Oettinger.

La troisième économie de la zone euro se porte mal, ce qui pèse sur le moral des Italiens, comme en témoigne la baisse de l’indice de confiance des ménages en août. Après une récession au second semestre 2018 (recul du PIB de 0,1%), l’Italie a connu une croissance nulle de son Produit intérieur brut (PIB) sur les six premiers mois de 2019, a confirmé vendredi l’Institut national des statistiques (Istat).

Pour l’ensemble de l’année, la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI) tablent sur une croissance de seulement 0,1%, mais certains experts sont encore plus pessimistes, estimant que la péninsule pourrait de nouveau tomber en récession.

L’économie italienne est affectée par le ralentissement économique qui plane sur toute l’Europe, les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, mais aussi par la prudence des entreprises qui investissent moins, inquiètes à la fois de l’évolution mondiale et de l’instabilité politique.

« Sur le papier, le nouveau gouvernement devrait être plus responsable en terme budgétaire, mais il subira une énorme pression pour éviter toute austérité », souligne Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien dans une note d’analyse.

« Le PD a perdu les précédentes élections pour ne pas avoir été capable de comprendre le mal-être social » et « c’est indubitablement un domaine où les deux partis (PD et M5S) peuvent trouver un terrain d’entente », juge-t-il, estimant que le nouvel exécutif, qui devrait être formé dans les prochains jours, devrait maintenir le revenu de citoyenneté destiné aux plus modestes, mais en le rendant plus efficace, et réduire la taxation sur l’emploi.

La hausse du chômage, notamment chez les jeunes, montre que « l’Italie traverse un moment délicat et critique, qui exige la responsabilité maximale des forces politiques et des choix courageux en faveur d’une relance de l’économie », a d’ailleurs plaidé l’association de consommateurs « Federconsumatori ».

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