La globalisation de l’épidémie

Par Mohamed Ouzzine

Une question s’impose de prime abord ! Pourquoi le Coronavirus terrifie-t-il le monde sachant que l’humanité a subi, à travers l’histoire, des épidémies plus contagieuses et plus létales ?

Il est fort probable que nous vivions, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une globalisation de l’épidémie. C’est dire, un seul et même degré de contagion, les mêmes symptômes, une frayeur commune et des victimes dans les quatre coins du globe ; certes à degrés divers, mais l’effet papillon s’étend de Wuhan à Ouarzazate. Sur une note satirique, un plaisantin a donné une définition singulière à la globalisation : « Quelqu’un consomme une soupe à la chauve-souris à Wuhan, et je me retrouve confiné à Zagora ». Drôle de propos mais porteur d’une sémantique qui cerne la quintessence du concept de la globalisation.

Au milieu des années 90, dès que l’idée de la globalisation avait commencé à faire irruption, elle était devenue un sujet de débat public. Néanmoins, nous n’avions pas saisi le fond de cette idée, à exception faite des définitions ou autres descriptions en vogue à l’époque, tels que le « village planétaire », le contrôle, la domination, la chute des barrières douanières, celle des frontières économiques, l’aliénation, ou encore la crise identitaire, etc. Cependant, avec l’avènement de la révolution numérique nous avions pris de plus en plus la mesure de ce concept. Un concept selon lequel le monde est devenu un espace entièrement « transparent », où tout un chacun est observé de toute part, tout un chacun laisse une trace numérique.

La définition du « village planétaire » prend tout son sens et va même jusqu’à provoquer l’effondrement de régimes causé par un changement drastique des modes de consommation frôlant la démesure tandis que les revenus, eux, restaient limités. Cette inadéquation, voire inéquation, a suscité une sorte de désespoir né d’une frustration, elle-même ravivée plus tard par un élan d’aspiration orientée vers davantage d’égalité, de justice et de prospérité.

Pour revenir aux références anecdotiques, un intellectuel contemporain a décrit, résumant la situation de l’enseignement dans les sociétés arabes, dans l’affirmation suivante: « J’ai le sentiment que tout le monde connait les protubérances postérieures de Kim Kardashian et que peu de personnes connaissent les Prolégomènes d’Ibn Khaldoun (Muqaddima) ». Il fait ainsi allusion, bien que moqueuse, à la fascination de cette partie du globe par l’Occident. Outre ce constat, l’intellectuel fait également référence à la négligence ambiante d’un chef-d’œuvre de l’héritage intellectuel arabe.

Certes, l’histoire de l’humanité est ponctuée d’épisodes difficiles dont diverses maladies et épidémies sont la cause ; en commençant par la première épidémie scientifiquement prouvée : la peste noire qui, en 5 ans, avait décimé la moitié de la population européenne. S’en est suivie la pandémie du choléra qui a fait des milliers de victimes dans le monde au cours du XIXe siècle. Au début du XXe siècle, la grippe espagnole avait causé la mort de près de 100 millions de personnes, soit 5% de la population mondiale de l’époque. En 2009, une nouvelle épidémie, appelée grippe aviaire et parfois grippe porcine selon l’animal porteur du virus, a commencé à faire parler d’elle. Elle n’était pas moins mortelle chez l’homme que chez l’animal. 4 ans plus tard, Au cours de l’année 2013, le monde a été secoué par une nouvelle épidémie appelée Ebola qui est apparue sur le continent africain et a fait plus de 11.000 morts et dont la propagation n’a été endiguée qu’en 2018.

Nous constatons que ces épidémies sont de deux types, celles à caractère endémique qui sont apparues dans des zones géographiques limitées, et celles à caractère pandémique, ayant concerné une aire géographique plus étendue et s’étant propagé dans le monde.

De nombreuses thèses font état du taux de mortalité de la grippe saisonnière, qui, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est estimé à 700 000 décès par an. La comparaison avec le nouveau Covid19 n’est pas raison, étant donné que le Coronavirus devance la grippe saisonnière sur deux plans : l’indice de contagiosité et le taux de létalité (le taux de mortalité associée à l’épidémie). Concernant ce dernier, force est de relever que le taux de létalité du Covid-19 avoisine 3%, soit 30 fois plus que celui de la grippe saisonnière, dont le taux de létalité ne dépasse guère 0,1%.

Aujourd’hui, il s’avère que le monde est devenu plus que jamais ce « village Planétaire » suite à la survenue de la pandémie du Coronavirus. Un village, se sentant menacé par l’épidémie, a transformé ses artères et ruelles en espaces désertés rappelant des scènes dystopiques terrifiantes avec des airs de fin du monde. En effet, plus d’un tiers de la population du globe est en confinement sanitaire. Des images et des enregistrements relatent la même situation, le même sarcasme, façon détournée de la décrire, et la même frayeur dans les quatre coins du monde. La planète est lancée dans une nouvelle aventure : la distanciation sociale, et pour cause, la terreur impose la distance. Partout dans le globe, et dans toutes les langues du monde, un seul mot d’ordre : « Gardez vos distances ! Restez chez vous ! ». Tout le monde mène un combat contre le temps et contre la peur pour la survie. Cette situation a été admirablement décrite par la célèbre romancière italienne, Francesca Melandri, alors qu’elle vit le confinement sanitaire depuis plus de trois semaines, à travers son message adressé aux Français et intitulé « Je vous écris depuis votre futur », qu’elle a entamé en disant :

« Nous sommes maintenant là où vous serez dans quelques jours. Les courbes de l’épidémie nous montrent embrassés en une danse parallèle dans laquelle nous nous trouvons quelques pas devant vous sur la ligne du temps, tout comme Wuhan l’était par rapport à nous il y a quelques semaines. »

Voici pourquoi le Coronavirus a terrifié le monde.

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