Le Liban dans la tourmente, pourquoi?

Par Gabriel BANON

Dans la tristesse et la colère, les Libanais ont marqué, mercredi dernier, le 1er anniversaire de l’explosion au port de Beyrouth. Le 4 août 2020, peu après 18H00 locales, la capitale libanaise a basculé dans l’horreur : des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium, stockées dans un entrepôt délabré, explosent.

Cette catastrophe a fait 214 morts et 6500 blessés. Une tragédie dont les coupables n’ont toujours pas été, ni inculpés, ni jugés. Cette impunité des dirigeants, avec un système de gouvernance où règne la corruption, ont mis des milliers de Libanais dans la rue, hurlant leur douleur et leur impuissance.

La France qui s’est donné, depuis des décennies, le rôle de parrain du pays du Cèdre, et l’ONU ont organisé une nouvelle conférence pour apporter au Liban une aide humanitaire d’urgence aux plus démunis.

Bien sûr, toute aide est la bienvenue pour ce pays englué dans la pire crise socio-économique de son histoire. Mais le mal est plus profond et surtout demande non pas une aide d’urgence, mais une véritable révolution. Une mise à plat d’un système de gouvernance qui a montré ses limites. On a voulu faire du Liban un pays de rêve, exemplaire, en faisant coexister des communautés diverses : il y a au Liban, 18 communautés dont les trois principales sont les musulmans chiites, les sunnites et les chrétiens maronites. On attribue les fonctions régaliennes au prorata de la population des communautés précitées. Au Liban, le président de la République doit nécessairement être chrétien maronite, le Premier ministre nécessairement musulman sunnite, le président de la Chambre nécessairement chiite. Au Parlement, sur 128 sièges, il y a 34 pour les maronites, 27 pour les sunnites et 27 pour les chiites, etc.

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Mais au fil du temps, ce système politique a montré ses limites. Les changements démographiques, les rivalités politiques, les divisions économiques et sociales, ont rendu ce système extrêmement rigide.

Depuis l’instauration du confessionnalisme, la démographie libanaise a changé, avec un acteur majeur, le Hezbollah, véritable État dans l’État. Il dispose d’une force quasiment militaire, puissamment armée, où l’Armée régulière libanaise fait piètre figure.

Cet élément d’une capacité de nuisance évidente, avec ses exigences et son cortège de chantages, a une grande part de responsabilité dans la situation actuelle : un pays en faillite économique, dirigé par une classe politique qui le laisse couler.

Quasiment inchangée depuis la guerre civile (1975-1990), la classe politique est accusée de négligence, de corruption et d’être complètement déconnectée de la réalité. Le pays attend depuis plus d’un an, un nouveau gouvernement censé enclencher des réformes réclamées par la communauté internationale, en échange d’aides tant nécessaires. Le premier ministre, Hassan Diab, a démissionné, quelques jours après l’explosion. Pendant que les partis politiques sont absorbés par des marchandages interminables, le pays s’enfonce dans la pauvreté, avec une chute libre de la monnaie locale, des restrictions bancaires inédites, une hyperinflation, carburant et médicaments introuvables. Même l’électricité est devenue un luxe.

Le pays est en train de perdre ses forces vives, car ceux qui ont les moyens d’émigrer -médecins, avocats, étudiants, fuient cet enfer qu’est devenu le Liban. La majorité des Libanais dénonce la classe politique comme corrompue, médiocre, incapable de gouverner, irresponsable. Les hommes politiques se doivent alors  de former un gouvernement différent des anciens gouvernements, avec un peu plus de personnes crédibles, indépendantes, technocrates, s’ils n’ont pas déjà quitté le pays, une véritable mission impossible !

L’élite politique libanaise n’a pas réussi à trouver des programmes ou des processus capables de dépasser un jour, le confessionnalisme. A la fois par médiocrité, mais aussi pour des intérêts que tous les ténors de la classe politique, qui sont d’ailleurs exactement les mêmes depuis 1990, à quelques exceptions près, ont tous intérêt à sauvegarder. Ce système leur permet de se maintenir au pouvoir, d’alimenter leur base sociale et électorale, afin de pouvoir gouverner et s’octroyer  des privilèges.

La situation d’aujourd’hui, résulte à la fois, de la corruption, de l’irresponsabilité, de la mauvaise gestion et de certaines complicités sécuritaires avec le régime syrien.

Mais le pire reste à venir. Le Hezbollah, bras armé de l’Iran chiite, a un autre agenda. La première étape est de vider le Liban des chrétiens, ce qui est en train de se passer. L’étape finale, au prix de combien de morts, d’exilés et de misères, sera la transformation du Liban en un pays chiite, satellite de l’Iran « expansionniste ».

A moins que la communauté internationale ne prenne enfin la mesure du problème. 

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