L’égalité dans l’héritage entre évolutions de la société et sacralité du texte religieux

Le 8 mars constitue, sans doute, une occasion pour célébrer la femme et ses réalisations dans nombre de domaines et à tous les niveaux, mais c’est aussi l’occasion de s’arrêter sur les formes de discrimination et d’inégalité dont souffrent encore les femmes de diverses communautés et idéologies.

Au Royaume, à l’approche de la Journée mondiale de la femme, les voix du « mouvement des femmes au Maroc » s’élèvent pour réclamer l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à œuvrer pour la consécration de l’égalité des sexes dans divers aspects, notamment sociaux, politiques, culturels, économiques et environnementaux.

L’égalité dans l’héritage entre femme et homme est l’une des plus importantes de ces revendications, qui continuent de susciter un large débat sociétal et politique au Maroc entre intellectuels, chercheurs et oulémas pour se transformer en débat de société, qui a abouti à une large division d’opinions entre un groupe qui considère cette question comme une nécessité sociétale et l’un des principaux piliers pour parvenir à une égalité complète entre les sexes, et un autre qui rejette totalement ou en détail tout changement ou modification du système d’héritage en raison de son association avec le texte religieux, qui était franc et clair sur cette question-là.

« Malgré les réalisations et acquis du Maroc après l’adoption de la Constitution de 2011, la modification d’un ensemble de lois telles que le Code de la famille, la loi sur la nationalité, les lois électorales et certaines dispositions du droit pénal. Cependant, nous constatons avec grand regret que ce processus n’a pas évolué progressivement afin d’éliminer toutes les formes de discrimination et de violence du système juridique des femmes », a fait remarquer, la présidente de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes, Latifa Bouchoua.

Mme Bouchoua a indiqué à la MAP que son instance a « évalué le Code de la famille 14 ans après sa publication et considère qu’il y a certains chapitres qui nécessitent une révision complète et ce, sur la base des exigences de la Constitution qui appelle dans son 19è chapitre à l’égalité dans les aspects civils, politiques, culturels, économiques, sociaux et environnementaux », soulignant que « parmi les questions qui nécessitent un examen approfondi, c’est celle de l’héritage », en vue d’établir le principe de l’égalité entre hommes et femmes dans ce domaine.

Elle a relevé que les revendications de son instance et des autres composantes du Mouvement des femmes au Maroc en matière d’égalité dans l’héritage entre les sexes , »ne sont pas incompatibles avec la religion musulmane, qui repose principalement sur l’équité et la justice, de même qu’elles sont conformes avec la Constitution marocaine, en particulier le chapitre 19, qui stipule la réalisation du principe de l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines ».

Mme Bouchoua a souligné que les revendications du Mouvement des femmes au Maroc ne sont pas des « violations » des textes religieux, mais plutôt une invitation à prendre en compte les mutations sociales que connait le Maroc et la restitution du sens des maqassid (finalités) du texte religieux. « Notre conviction que la justice et l’équité sont la base et le pilier sur lequel le Coran est fondé. Nous appelons, en tant que mouvement féminin, les oulémas à décrypter les finalités du texte religieux pour parvenir à la justice et à l’équité au profit de tous les groupes de la société, en particulier les femmes (…) », a-t-elle martelé.

Pour sa part, le président du Conseil local des oulémas de la préfecture de Skhirate-Témara, Lahcen Sguenfle, a précisé que « ces revendications ne datent pas d’aujourd’hui, mais sont plutôt des appels répétés depuis le début du siècle dernier », soulignant que « le partage de l’héritage est un droit divin qui ne peut être compromis ».

« Il n’est en aucun cas permis de modifier les dispositions en matière d’héritage mentionnées dans la « Sourate An-nisa' » du Coran, soulignant que le texte est sans équivoque et ne peut être altéré sous n’importe quel slogan ou appellation.

Aux yeux de Mme Bouchoua, la nécessité est impérieuse pour une égalité dans l’héritage au vu du nombre de plaintes que l’association reçoit de la part de femmes et hommes qui « craignent pour le sort de leurs filles après leur mort ».

« Je pense qu’il y a des gens qui voient désormais les choses sous le prisme de la modernité et aspirent à l’équité au niveau de la relation familiale et au niveau de l’héritage », a-t-elle dit.

Il y a des cas où la femme hérite plus que l’homme, a par ailleurs fait observer M. Sguenfle, soulignant que les « preuves » avancées par les « défenseurs » de l’égalité dans l’héritage ne peuvent justifier une altération ou modification du jugement divin puisque le soutien financier incombe à l’homme même s’il est pauvre, en difficulté ou incapable de travailler.

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