Les échecs de la diplomatie algérienne

Par Hassan Alaoui

Les services de renseignements algériens ne chôment jamais. Quand ce n’est pas le Maroc, qui est leur coqueluche adulée depuis des lustres, c’est évidemment la France aujourd’hui. Elle est dans leur viseur, pour des raisons qui sont tout sauf justifiées. Mais, les émeutes des derniers jours qui ont mis à mal le pays ont révélé à coup sûr les soubassements de l’implication des services de renseignements algériens qui tirent les ficelles dans ce drame avec l’objectif de déstabiliser la France.

Ces derniers mois, avec un excès caractéristique de la bipolarité entre enthousiasme et dépression, la diplomatie algérienne semble souffler le chaud et le froid, engagée dans une infernale quête d’elle-même et d’une boussole perdue sur les champs et des fronts hasardeux… L’enthousiasme avec la France a vite perdu ses attraits après les retrouvailles « chaleureuses » du mois d’aout 2022 et les embrassades du Palais de la Mouradia entre Tebboune et Macron. Il a cédé le pas à un irrépressible désenchantement. Dans la foulée, le général de son état, Saïd Chengriha, chef des armées d’Algérie s’était même rendu en visite officielle à Paris pour rencontrer son homologue français qui l’avait reçu comme un « chef d’Etat » au fameux hôtel de Brienne, rue Saint-Dominique. Il était question de livraison d’armes françaises à l’Algérie, de relance d’une coopération militaire. Les mois passant, l’orgueil des dirigeants algériens amplifié, l’inévitable mésentente sur divers sujets qui sont à la relation incestueuse entre les deux pays ce que le ver est dans le fruit, cette « normalisation » forcée tombait peu à peu en quenouille. Les désaccords, la méfiance, la défiance ont repris le dessus et la sempiternelle visite d’Etat de Tebboune à Paris, programmée à plusieurs reprises tambour battant, a été reportée, le président algérien la voulant, l’imaginant et l’imposant même comme une sorte de consécration personnelle…

Le même accueil que feu Hassan II

Il voulait le même scénario que celui de la visite du Roi Hassan II, reçu à Paris dans un faste exceptionnel que Jacques Chirac lui avait réservé avec clou de son séjour, un passage prestigieux à l’Assemblée nationale, une marche solennelle sur les Champs Elysées, un discours adressé à la nation française et une dimension  intellectuelle sans commune mesure avec ce qui a existé jusque-là… Emmanuel Macron, voudrait-il céder aux caprices libidineux de Tebboune qu’il ne le pourrait à vrai dire…Cette visite manquée en France de Tebboune  a constitué en effet l’un des échecs cruels et majeurs de la diplomatie algérienne.

Au mois de mai, Paris et Alger ont bruissé de nouveau d’une visite imminente de Tebboune en France. La presse algérienne, livrée à un jubilatoire exercice de triomphalisme, s’en est donnée à cœur joie. Là encore, d’une explication peu convaincante à des regrets de mauvaise foi, le gouvernement algérien a préféré sombrer dans les méandres du mensonge orgueilleux. L’affaire de la militante algérienne des droits de l’Homme exfiltrée par les services de renseignements français vers la Tunisie à la barbe de ceux d’Algérie – perçus ici comme des amateurs dignes des pieds nickelés – a tourné au drame et bien entendu affoler Alger…

L’Algérie comme Sao-Tomé ou la Somalie

Là aussi, d’une colère à une rageuse démence, le gouvernement algérien a subi un échec patent. En effet la confiance apparente qu’il a tant affichée vis-à-vis de « l’allié » français a été rompue voire trahie. Quand l’Algérie, au travers du système ordinaire de rotation propre aux Nations unies, a fait son entrée au Conseil de sécurité comme membre non permanent, ses dirigeants en ont fait un triomphe, comme si elle avait gagné une bataille ou mieux encore, une guerre alors que tous les autres pays, grands ou petits y accèdent dans le cadre d’une participation tournante en vertu des mécanismes institués depuis la création de l’ONU. Pas plus que Sao-Tomé ou la Somalie, elle ne bénéficie d’un quelconque privilège ni prétendrait à quoi que ce fût, or M. Tebboune tout à son ostensible immaturité politique, a cru nous en faire un plat.

Lire aussi: Il y a 31 ans l’assassinat de Boudiaf et ce qu’il dévoilait d’un régime militaire qui décime son peuple

Que cette admission comme membre non permanent au Conseil de sécurité, sans poids particulier ni pouvoir de décision, fasse monter encore l’orgueilleuse adrénaline de Tebboune ne constitue aucunement un surcroît de reconnaissance quelconque. Mais, les propagandistes du régime algérien peuvent jubiler si ça leur chante. Puisqu’ils s’imaginent pouvoir facilement influer sur les autres membres du Conseil dans l’affaire du Sahara, ils se mettent le doigt dans l’œil. Au demeurant, cette même Algérie qui se prévaudrait de sa nouvelle posture au Conseil de sécurité, n’est-elle pas justement celle qui bafoue et viole les résolutions pertinentes votées à la quasi-unanimité par ce même Conseil de sécurité ? Ne les piétine-t-elle pas allègrement, ne défie-t-elle pas outrageusement la règle internationale, refusant d’assumer sa responsabilité dans le conflit comme l’en appellent les résolutions de l’ONU, en particulier la 2654 ; ne boycotte-t-elle pas enfin les rounds organisés à Genève par Staffan Da Mistura ?

L’obséquieuse courbette à Poutine

Cette liberté tant déployée dans le sabotage du processus de règlement du dossier du Sahara est concomitante à la dégradation aggravée de la diplomatie algérienne, mobilisée sur tous les fronts, essentiellement pour contrer le Royaume du Maroc. S’il fallait encore une preuve supplémentaire de la mauvaise foi d’Alger, elle nous est donnée lors du calamiteux déplacement fin juin de Tebboune à Moscou lorsque, par lâcheté, il a soi-disant choisi la Russie contre la France et fait au Kremlin l’obséquieuse courbette au président Poutine. Arrivé à l’aéroport de Moscou dans une indifférence quasi-totale, on dirait même en incognito, Tebboune a été accueilli par des subordonnés et même pas par le ministre des Affaires étrangères Serguei Lavrov qui, dans ces circonstances pitoyables, eût pu se substituer au chef d’Etat pour conférer au dirigeant algérien , quasiment abandonné à lui-même, un semblant de considération. Le plus grave est en effet d’avoir attendu trois jours, presque à la fin du séjour pour être reçu au Kremlin par son homologue russe qui n’en finissait pas de l’humilier…

Cette posture, les images n’étant pas trompeuses, nous a révélé l’échec patent d’une visite où, contrairement à ce qu’annonce la propagande algérienne, il n’a été question fondamentalement ni du Sahara marocain, ni des mercenaires du polisario ni encore d’une quelconque livraison d’armes russes à l’Algérie. Et, dans ces entrefaites, on imagine bien la colère d’un Chengriha, furibard qui faisant bon cœur contre mauvaise fortune s’emploie, dit-on, à changer de fusil d’épaule et voudrait se tourner vers la Chine afin d’acquérir des armes et larguer la Russie… Le voyage à Moscou de Tebboune a illustré somme toute une désillusion tragique. En effet la Russie n’a pas « compensé » l’illusion française, et Poutine, dans son mépris à peine voilé, n’a pas consolé le désagrément de Macron qui a tout simplement, dans un geste de lassitude, refusé de recevoir le président algérien.

Les jets d’œufs à Lisbonne

Ce dernier a décidé de s’engager dans une course désespérée de visites improvisées avec le but de colmater les brèches d’une diplomatie en ruines. On n’oubliera pas le voyage furtif, improvisé en catimini et catastrophique à Lisbonne, où il a reçu les œufs sur la tête lancés par des manifestants algériens venus l’accueillir à leur manière sur le perron du Palais présidentiel de Belem ( Palacio de Belem). Non plus la crise frisant le déshonneur avec les Emirats arabes unis, suite à la découverte d’une opération d’espionnage qui a conduit à l’expulsion d’Algériens qui est à la junte ce qu’une gifle bien administrée est à un amateur, on n’oublie pas non plus l’échec patent du Sommet arabe organisé à Alger et boudé par la quasi-majorité des Etats de la Ligue arabe, la débandade dans le sport marquée par les manœuvres dilatoires pour s’opposer au Maroc, tant au niveau de la Caf qu’à celui du futur mondial dans lequel notre pays s’est engagé avec l’Espagne et le Portugal pour l’organiser en 2030…Ou encore le démantèlement de son influence et son rôle dans la crise libyenne où le Maroc assure efficacement et pragmatiquement son rôle de missi dominici avec succès.

Celui qui prend ses rêves pour la réalité, un dénommé Abdelmajid Tebboune, n’a de cesse d’invoquer « Al Qawa addariba » et d’affirmer que «  rien ne se fait dans ce monde sans l’Algérie avec laquelle il faut compter » devrait comptabiliser les échecs successifs qui jalonnent son action, entachent l’image de marque d’une Algérie enfoncée dans le marasme, en déclin total, isolée dans son méga-narcissisme et qui cumule les échecs et n’a d’autre horizon que sa réélection à la tête de l’Etat algérien, si tant est que l’on puisse encore croire que la junte militaire, elle-même en pleine et grave crise, veuille bien de nouveau le propulser…

 

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page