« MoroccoTech » : « L’absence de cadre juridique hypothèque la marque »

Par Mouhamet NDIONGUE

Avec l’ambition de positionner le Maroc comme une destination numérique basée sur une approche de partenariat entre le secteur public et le secteur privé, pour dynamiser l’écosystème numérique, le Maroc a lancé la marque « MoroccoTech ». Cette vision basée sur l’offshoring avec des investissements marocains comme étrangers risque d’être « tuée dans l’œuf », car n’offrant pas un cadre juridique adéquat aux startups, presque principales bénéficiaires de cette « vision ». « L’absence de cadre juridique destiné aux starups, hypothèque la marque »

Lancée en grande pompe, la marque « MoroccoTech » se veut être un vecteur de développement de l’économie numérique du pays en la promouvant en tant que « producteur de technologie haut de gamme et destination d’investissement de premier plan.», a déclaré la ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, Ghita Mezzour.

S’exprimant lors de la cérémonie d’inauguration, Mme Mezzour a souligné que le Maroc est un hub régional majeur, avec l’une des meilleures infrastructures des technologies de l’information et de la communication (TIC), les meilleurs jeunes talents en informatique, des startups prospères et les meilleures destinations de l’offshoring en Afrique.

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« MoroccoTech » vise à amener le Maroc parmi les 10 premières destinations mondiales d’investissement technologique en construisant une société inclusive, durable, centrée sur l’humain et axée sur le numérique. Pour rappel, le secteur de la délocalisation dans le royaume compte plus de 128 000 emplois et plus de 1,5 milliard de dollars de ventes à l’exportation.

La marque MoroccoTech vise à servir de plateforme d’investissement pour stimuler la numérisation et attirer les investisseurs étrangers en invitant les entreprises et institutions mondiales à rejoindre son mouvement.

Un facteur bloquant, le vide juridique

« L’initiative risque de ne pas atteindre les objectifs fixés, s’il n’y a pas une réflexion approfondie de la réglementation marocaine et ce, à plusieurs niveaux. », avertit Allia Skalli, Avocate Associée de AF Legal Services. Pourtant, « MoroccoTech » se veut être une marque marocaine, un écosystème digital pour promouvoir les startups. Mais, « il faut revoir la réglementation marocaine ». Au cas échéant, « ce ne sera qu’en effet d’annonce et que l’initiative s’essouffle dans le temps et ce sera dommage compte tenu du potentiel humain que dispose le Maroc ». Et au-delà, ce serait aussi un autre préjudice de se priver de la manne économique que cela pourrait être générée, selon l’avocate aux barreaux de Paris et de New York.

Sans réglementation, le Maroc risque de perdre encore des talents en IT, qui vont partir en Europe ou ailleurs pour créer leur boîte, car étant confrontés aux réglementations.

Concernant la réglementation marocaine, il y a deux lois principales qui visent les sociétés : la loi 17-95 qui vise les sociétés anonymes et la loi 5-96 qui régit les sociétés nom collectifs. Cependant, les deux formes juridiques les plus usuelles sont soit la société par action, soit la société à responsabilité limitée.

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Pour Allia Skalli, « la société par action n’est pas adaptée pour un jeune entrepreneur pour créer sa boîte, car elle demande un capital minimum ». Elle explique qu’ « en termes d’organisation et de gérance, il y a un conseil d’administration, en plus, pleines d’exigences réglementaires trop lourdes pour une startup». Donc, « naturellement, les jeunes s’orientent vers les sociétés à responsabilité limitée (SARL)». La raison selon l’avocate, «cette forme est utilisée par défaut, car il n ‘y a pas d’autres formes juridiques à Responsabilité limitée qui soit souple et adaptée tout en offrant un certain nombre d’avantages à ces jeunes. »

Malheureusement, le principal inconvénient de la SARL (qui est une forme gestion, est limitée à la gérance et la cogérance), est relativement difficile d’accès pour les investisseurs étrangers vu leur taille et leur forme juridique. En clair, Mme Skalli estime qu’ « aucune société marocaine ou étrangère ne voudra investir dans la SARL, car c’est une société qui émet des parts et non des actions. » Mieux, elle ajoute que pour les parts sociales, il y a un droit de préemption pour les actionnaires. Concernant la gérance, elle est difficilement contrôlable. À ce niveau, la startup est contrainte d’évoluer à défaut par société par action ce qui n’est pas non plus le choix idéal parce qu’elle est beaucoup plus rigide et pour une startup, elle n’a pas besoin de cette rigidité au moment de sa création et même de son évolution.

« Aujourd’hui, les formes juridiques offertes aux startups dans la réglementation marocaine n’est pas la formule idoine. A défaut les startups se tournent vers une SARL, mais très vite, elles sont contraintes d’évoluer en SA si elles veulent accueillir des investissements marocains ou étrangers », conseille l’Avocate Associée de AF Legal Services.

Contrairement à d’autres pays, le Maroc ne dispose pas, pour l’instant, de moyens ou outils qu’on a l’habitude d’utiliser en venture capital pour intéresser les salariés au capital ou les investisseurs à investir. En attendant, le statut des startups marocaines doit être ajusté aux normes juridiques adéquates.

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