Perspectives économiques post-covid : la relance dépendra du prochain gouvernement

Les mesures d’urgence sanitaire pour contrer la propagation de la pandémie de la Covid-19 et ses variants ont eu un impact sans précédent sur l’économie nationale. Pire encore, la situation en Inde pourrait affecter la reprise économique attendue.

Pour analyser la situation de l’économie nationale et les perspectives post-covid, MAROC DIPLOMATIQUE s’est entretenu avec le Directeur du Centre Marocain pour la Gouvernance et le Management (CMGM), Youssef Guerraoui Filali, pour qui la stabilisation sanitaire et de bonnes élections législatives sont indispensables pour la reprise efficace des secteurs économiques.

MAROC DIPLOMATIQUE : Après l’apparition de nouveaux variants de la Covid-19 et la régression de l’activité de plusieurs secteurs, quelle est votre analyse de l’activité économique pour l’exercice 2021 ?

Youssef Guerraoui Filali : Si le Maroc a pu prendre une longueur d’avance en matière de prévention contre la Covid-19, les décisions liées au couvre-feu, prises pendant le mois sacré de Ramadan, ont tout de même ralenti l’activité économique et ont impacté plusieurs secteurs économiques de notre tissu entrepreneurial. Toutefois, l’année 2021 reste une année de reprise économique au regard de la bonne compagne agricole conjuguée par une production céréalière estimée à 95 Millions de quintaux, et eu égard au plan de relance économique doté d’une enveloppe budgétaire globale de 120 Milliards de dirhams.

Dans cet ordre d’idées, la croissance économique de l’année en cours ne devrait pas baisser de 3%. Encore mieux, si le Maroc parvient à lever les mesures de couvre-feu en marge de la généralisation de la vaccination à la population marocaine, le taux de croissance pourrait même atteindre 4,5% à fin décembre 2021. Par conséquent, d’autres mesures de soutien direct, spécifiquement aux secteurs économiques, les plus touchés par les variants de la Covid-19, doivent avoir lieu avant la fin du semestre en cours.

MD : Pourrait-on parler réellement d’une reprise après le premier trimestre 2021 ?

Y.G.F : A vrai dire, la reprise n’est toujours pas réalisée tant que les mesures de relance ne sont pas mises en œuvre efficacement. En effet, le Maroc se préparait à la relance économique au courant du 1er trimestre de l’année en cours, mais l’évolution de la situation pandémique à l’échelle internationale a chamboulé la reprise des activités économiques. Par conséquent, le plan de relance industriel lancé par le Ministère de Tutelle constitue un élément clef de reprise économique, puisqu’il s’agit d’autonomisation économique et de rationalisation des importations marocaines, et ce à travers le déploiement d’une véritable dynamique en matière de production industrielle locale.

Par conséquent, la mise à niveau de l’industrie marocaine, l’avancement en termes de campagne de vaccination et la levée des mesures de couvre-feu peuvent constituer une occasion propice de relance économique à la fin du 2ème trimestre 2021, en l’occurrence dès le mois de juin. En outre, l’apparition d’autres variants du Coronavirus, à l’instar de qui s’est passé en Angleterre et en Inde, pourrait malheureusement impacter la reprise économique attendue, vu qu’on opère de plus en plus dans une économie globalisée marquée par de fortes incertitudes sanitaires et socio-économiques.

MD : Malgré le soutien des institutions économiques (banques, assurances, CMC,…), le tissu économique marocain risque de s’effondrer à cause de la pandémie et de ses variants, en particulier les entreprises, comment évaluez-vous la situation ?

Y.GF : En effet, le nombre de défaillances d’entreprises risque de doubler d’ici la fin de l’année, sachant qu’il a dépassé les 10 000 défaillances au titre de l’année écoulée 2020. Le cycle d’exploitation de l’entreprise marocaine est très perturbé par les mesures de réouverture et de fermeture liées à l’incertitude autour de l’évolution de la pandémie. In fine, nous avons besoin d’une stabilisation sanitaire afin de réactiver efficacement les secteurs économiques.

Au-delà, il s’agit de déployer de véritables mesures d’accompagnement financier afin de faire bénéficier les entrepreneurs marocains des mécanismes de financement en vigueur. Il est question aussi d’assurer, au tissu entrepreneurial marocain, les conditions favorables d’accès aux différents marchés nationaux et locaux. Globalement, les entreprises marocaines ont besoin d’accompagnement de bout en bout, spécifiquement celles nouvellement créées en marge de la crise sanitaire ou celles de petites tailles (Très Petites Entreprises, Petites Entreprises et Microentreprises).

MD : Pour relancer l’économie marocaine, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a adopté une feuille de route post-confinement. Qu’en est-il de cette feuille de route ?

Y.GF : Le plan de relance marocain lancé par le Roi Mohammed VI est une opportunité pour impulser une nouvelle dynamique économique en marge de la prochaine saison estivale, et par conséquent réactiver les secteurs productifs et soutenir les activités économiques ayant été profondément touchées par cette crise sanitaire telle que le tourisme et ses activités connexes (agences de voyages, location de voitures, sports de loisir…).

En effet, le tissu économique marocain a besoin de fonds de roulement ainsi que d’investissements importants afin de stimuler sa redynamisation. L’enveloppe budgétaire s’élevant à 120 Milliards de Dirhams est largement suffisante pour créer une nouvelle dynamique économique en marge du nouveau projet de modèle de développement, mais à condition qu’elle cible les secteurs sensibles à la crise en l’occurrence les activités qui ont été significativement impactées par la pandémie.

MD : Quelles perspectives économiques pour le Maroc, après cette crise ?

Y.G.F : Une relance économique efficace permettra au Maroc de réaliser un taux de croissance aux alentours de 4,5% et de contenir le taux de chômage à 10% au niveau national. De ce fait, le plan de relance industriel 2021-2023 est une composante essentielle de la reprise économique, afin de dégager une valeur ajoutée significative « non agricole », et pour réaliser un rebond économique en compassion avec l’année d’apparition et de propagation de la pandémie 2020.

En revanche, l’organisation de bonnes élections législatives dès juin 2021 et la formation d’un nouveau gouvernement politique plus solide que l’actuel, influeront sur le climat des affaires et la confiance des investisseurs nationaux et étrangers. Parce que l’économique dépend avant tout du politique, et sans politique il n’y aura pas de véritable relance économique.

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