Plaidoyer : Le Jihadisme ne peut être confiné au Maroc parce que les terroristes en sont originaires

 

Par Daniel Libin (*)

Ce mois d’août 2017 restera peut-être dans les mémoires comme une période de vacances aux images d’horreur. En réaction aux attentats à Barcelone et Cambrils, un quotidien national marocain titrait : « Les Marocains d’Espagne sont inquiets »(1), relatant ainsi une montée en puissance de la vague islamophobe à l’adresse des Musulmans et des Marocains.

L’enquête relative à ces deux attentats  a rapidement fait apparaître l’implication d’une cellule composée de 12 personnes au moins, toutes d’origine marocaine. Cela suffit pour certains médias qui braquent  alors les projecteurs sur le Royaume et d’aucuns d’y dénoncer des défaillances.

Mais à y regarder objectivement de près, les auteurs impliqués dans les attentats de la Catalogne ont quitté le Maroc en bas âge et partant, leur radicalisation n’a rien à voir avec le pays où ils sont nés.

Ils ont grandi en Espagne ( sauf un qui a quitté le Maroc depuis 2009, les autres âgés entre 17 et 44 ans, vivent en Espagne depuis près de 20 ans au moins). Il ne peut donc être question de « produits » de la société marocaine qu’ils connaissent à peine.

Ces attentats sont donc l’œuvre de jeunes en mal d’intégration, radicalisés soit dans les prisons, soit dans les mosquées et autres salles de prière, ou encore au contact d’intermédiaires opérationnels de « l’Internationale jihadiste » à la faveur du Net et des réseaux sociaux.

Notre propos d’observateur et de résident dans le Royaume chérifien ne sera pas d’ajouter aux nombreux commentaires et analyses publiés récemment. Simplement, au regard du règlement du monde, nous voudrions prescrire une piqûre de quelques rappels choisis.

Rappel n° 1. En Occident, le problème vient non des valeurs proclamées, mais de ce que celles-ci sont rarement mises en œuvre dans les relations avec les autres2.

Rappel n° 2. Par rapport aux individus venant de Belgique et impliqués dans les attentats de Paris et en particulier, concernant le seul survivant actuellement en prison, il n’est pas né et il n’a pas grandi au Maroc. Comme pour les auteurs des attentats horribles de ce triste mois d’août 2017, il ne s’agissait pas de « commandos » qui auraient été formés et armés au Maroc.

Rappel n° 3. Le Maroc encadre de très près la formation et l’accréditation des imams. Le Conseil supérieur des oulémas est l’institution qui confère des accréditations aux imams qui partent à l’étranger. Abdelbaki  Essatty, présenté comme l’imam ayant été en contact avec les auteurs, n’a jamais eu une quelconque accréditation, ni du Conseil  supérieur des oulémas, ni d’une autre institution similaire, pour exercer en Espagne.

Ces rappels illustrent la complexité des questions qui se répètent malheureusement après chaque attentat. Ils montrent que l’approche qui consistait à faire croire simplement que le problème serait localisé dans un pays parce que les auteurs en sont des nationaux, ne résiste pas à l’examen sérieux des situations diverses en cause.

Réagir à propos dans ce monde déréglé ne devrait pas consister pour les gouvernements européens à se limiter à la nécessaire répression contre les criminels tout en laissant impunie la stigmatisation d’une communauté alors que le dialogue et les échanges respectueux des uns et des autres, devraient aussi s’imposer.

Les réactions multiples et variées enregistrées jusqu’ici ne semblent pas toujours appropriées et efficaces au regard d’une forme de résilience des organisations terroristes.

La question se pose de savoir si, en réalité, ne sommes-nous pas toujours en quête d’un nom pour les symptômes3 et d’un traitement des causes où qu’elles soient ?

 

Daniel Libin,

Président de la section des belges à l’étranger du Parti socialiste, zone Afrique.

 

(1):Amal Baba Ali, « islamophobie : les Marocains d’Espagne sont inquiets », publié dans les Echos, 25 août 2017, disponible le 28 août 2017 sur http//www.leseco.ma/monde/59549-islamophobie-les-marocainsd-Espagne-sont-inquiets.htlm

(2) : Amin Maalouf,« Le dérèglement du monde »,Grasset,    2009.

(3): Zygmunt Bauman ; « Des symptômes en quête d’un objet et d’un nom », in « L’âge de la répression, pourquoi nous vivons un tournant historique », Premier Parallèle, 2017.

 

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