Sâadeddine El Othmani et le jeu des chaises musicales

Quelques jours seulement après sa nomination par SM le Roi Mohammed VI, le nouveau chef de gouvernement a réussi à relever son premier défi, à savoir former son Exécutif.  Certains diront  « tout ça pour ça ? » Toutefois, il a réussi là où a échoué son prédécesseur Abdelilah Benkirane qui, n’ayant pas été aux pièces, a étiré l’attente à plus de cinq mois, animée par un entêtement de part et d’autre.

Aussi faut-il avouer que c’est un déblocage énorme qui vient de se produire dans la discrétion, la sérénité et la célérité.  Exemple de pragmatisme ? En tout cas, les consultations ont finalement donné leurs fruits et plus vite qu’on ne l’imaginait sans que l’un ou l’autre des leaders des partis politiques en question ne se foule. Paradoxalement, la constitution a été effectuée avec l’accord de son parti dont la position a radicalement changé d’un chef de gouvernement destitué à un autre désigné.

Ainsi samedi 25 mars, la même majorité du gouvernement sortant a été quasiment  reconduite, « étoffée » par l’USFP qui a constitué, à tort ou à raison, la pomme de discorde entre les partis et le point sur lequel a buté Benkirane pendant de longs mois. Est-ce la sagesse et l’intérêt du pays qui l’emportent sur les caprices des uns et des autres ? Seuls les jours à venir seront capables de nous le dire.

La sizaine fantastique

Par ailleurs, face à la nouvelle alliance des PJD, RNI, USFP, UC, PPS et MP – qui totalisent quelque 240 sièges- , les deux autres partis, arrivés pourtant en 2ème et 3ème rangs, le PAM et l’Istiqlal – avec 148 sièges-  sont exclus du jeu politique et donc se mettront, bien entendu, dans l’opposition. Quoique le jeu semble  a priori faussé, compte tenu que l’Istiqlal a toujours crié haut et fort son soutien inconditionnel au PJD, cela nous donnera, tout de même, l’illusion d’un certain équilibre parlementaire propice au débat qu’il faut espérer sain et constructif. Avec une forte majorité parlementaire contre une autre moins forte, le jeu devrait être plus bénéfique si on veut garder espoir en une démocratie en construction et surtout positiver le débat.

D’autant plus que l’USFP, ayant fini par avoir le gros bout du bâton, se met dans la danse. De gré ou de force, en dépit des fausses notes de son secrétaire général Driss Lachgar qui s’est fait blackbouler et reblackbouler, son introduction vivement contestée par Abdelilah Benkirane, justifierait, au moins, la présidence du parlement confiée à Habib El Malki, membre du même parti. Peut-être qu’on trouverait une sorte de cohérence à ce qui était anormal voire alarmant, il y a juste quelques mois ?

Mais maintenant que le blocage est « débloqué » et que le nouveau chef de gouvernement désigné a mis de l’huile dans les rouages, d’autres questions s’imposent : aujourd’hui avec tous ces partis au gouvernement, la répartition des maroquins se fera-t-elle sur le gallodrome vu que l’algarade n’a jamais été loin ? Entre islamistes, socialistes, libéraux, des partis de droite et d’extrême droite que rien ne rapproche, une coalition qui ne répond à aucune règle de démocratie, combien de postes ministériels faudrait-il encore créer pour satisfaire les desirata des uns et des autres ? Il est certain que les pôles de compétences seront disputés selon leur poids et leur importance en plus du nombre de ministres à placer dans les ministères stratégiques.

Bref, le branle-bas de combat ne se fera pas attendre certainement.

En somme, le chef de gouvernement a annoncé, lors d’un point de presse tenu samedi au siège du PJD, en compagnie des nouveaux partenaires, que la future alliance veillera à l’architecture du gouvernement avant de se pencher sur le programme de la nouvelle majorité puis accélérer la répartition des portefeuilles qui devrait se faire d’ici la fin du mois. Ce qui est sûr, c’est que le nouveau gouvernement a du pain sur la planche. Il aura à relever plusieurs défis,  à commencer par tous les chantiers à attaquer et qui sont restés en suspens pendant un peu plus de cinq mois non sans dégâts assurément.

Quelles que soient les circonstances, les attentes d’un peuple échaudé qui n’a certainement pas un estomac d’autruche, sont énormes. Or  cette alliance contre nature qui a du plomb dans l’aile suinte la vulnérabilité par son incohérence.

Peut-on espérer alors qu’il y aura une rupture avec l’ancienne structure puisque les meneurs restent les mêmes ? Quels ministères seraient privilégiés ? Quelle représentativité et quelle place le nouveau gouvernement accordera-t-il à la femme ? A qui reviendra la diplomatie après être passée entre les mains du PJD puis celles du RNI ? Puisqu’il s’agit davantage d’une reconduite de la quasi-totalité de la majorité sortante que d’un changement radical et d’un jeu de chaises musicales, il nous reste à espérer que la nouvelle-ancienne coalition pourra prendre acte des nouvelles urgences…nationales, régionales et internationales du Maroc !

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