Barrage de Kakhovka: Chronique d’une catastrophe écologique annoncée

Incident lourd de conséquences pour l’environnement, la destruction partielle, dans la nuit du 5 au 6 juin courant, du barrage de Kakhovka, une structure névralgique dans le sud de l’Ukraine qui contrôle un grand réservoir d’eau de près de 16 milliards de m3 d’eau, fait craindre une véritable catastrophe écologique.

Si Moscou et Kiev se rejettent depuis la responsabilité de l’incident, les deux camps s’accordent sur le grave impact écologique de la destruction partielle de cet ouvrage sur la région de Kherson, avec l’inondation de terres agricoles et l’évacuation de milliers de personnes établies le long du Dniepr, qui se classe, avec ses 2.290 km, à la troisième place des fleuves d’Europe par sa longueur.

Près de 5.900 personnes ont été évacuées des zones inondées, selon un décompte des autorités ukrainiennes et de l’administration prorusse, qui contrôlent chacune une rive du Dniepr.

« L’évacuation de la population se poursuit dans la région de Kherson. Nos sauveteurs, policiers et bénévoles ont déjà évacué 1.894 citoyens« , a déclaré à la télévision le ministre ukrainien de l’Intérieur ukrainien, Ihor Klymenko, au lendemain de l’incident, ajoutant que trente localités étaient inondées, dont dix dans la zone sous contrôle russe.

Le chef de l’administration prorusse de la région, Vladimir Saldo, a, quant à lui, annoncé via Telegram l’évacuation de plus de 4.000 personnes qui seront « hébergées dans des centres temporaires« .

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Par ailleurs, sept personnes étaient portées disparues, selon Vladimir Leontiev, maire de la ville de Novaïa Kakhovka, située à cinq kilomètres du barrage.

D’après le maire de cette ville, sous contrôle russe, des milliers d’animaux du parc national du Dniepr inférieur ont péri dans les inondations provoquées par la destruction partielle du barrage.

« Le parc national du Dniepr inférieur a été inondé, des milliers d’animaux qui s’y trouvaient ont péri« , a-t-il déclaré à la chaîne de télévision « Rossiya 24« .

Du côté ukrainien, le ministère de la politique agraire et de l’alimentation a annoncé que la seule écloserie d’esturgeons gérée par l’État a été inondée, s’inquiétant pour l’avenir de l’espèce.

« Suite à la destruction de la centrale hydroélectrique de Kakhovka, la seule écloserie d’esturgeons d’Ukraine a été inondée. Cela constitue une menace directe pour la reproduction des populations d’esturgeons et peut entraîner l’extinction de l’espèce dans les plans d’eau de notre pays« , a averti le ministère dans un communiqué publié sur son site internet.

Située dans le village de Dnieprovskoïe, dans le district de Bilozer, l’écloserie libère chaque année plus de 1,5 million de jeunes esturgeons pour compenser la reproduction naturelle de la population, qui a été interrompue par la construction d’une cascade de barrages sur le Dniepr.

Selon les médias ukrainiens, les animaux du zoo de Kazkova Dibrova, situé près de Novaïa Kakhovka, ont quasiment tous péri dans les inondations, au même titre que des milliers de poissons qui vivaient dans le barrage et se sont retrouvés sans eau.

Comme une catastrophe n’arrive jamais seule, près de 150 tonnes d’huile à moteur se sont déversées dans le fleuve Dniepr à la suite de la destruction partielle du barrage, selon les responsables ukrainiens, qui ont dénoncé un « écocide ».

« Il existe également un risque de nouvelles fuites d’huile, ce qui a un impact négatif sur l’environnement« , a fustigé sur Telegram Daria Zarivna, conseillère presse du chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak.

Au-delà des dégâts immédiats à la faune et flore, la destruction partielle du barrage de Kakhovka risque de porter un coup sévère à l’ensemble de l’écosystème de la plaine inondable du Dniepr, à en croire l’océanologue russe Sergey Stanichny.

Selon lui, « les énormes volumes d’eau qui se déplacent vers la mer Noire vont transporter de la boue vers l’estuaire du Dniepr et du Boug« , ce qui conduira à une catastrophe écologique.

« La plaine inondable du Dniepr sera sous les eaux. Beaucoup d’oisillons et d’animaux vivant sur cette plaine mourront. C’est un coup très dur pour l’écosystème« , a déploré l’expert de l’Institut hydrophysique marin de Sébastopol, relevant de l’Académie russe des sciences.

En plus de s’inquiéter des dégâts occasionnés en aval du barrage endommagé, une autre menace est à craindre en amont : à 150 kilomètres de là se trouve la centrale nucléaire de Zaporojié, sous le contrôle russe. Celle-ci est dépendante du barrage de Kakhovka, qui l’alimente en eau nécessaire pour le refroidissement de ses réacteurs.

Si les réserves d’eau pour le refroidissement de la plus grande centrale nucléaire d’Europe sont garanties pour environ un mois, selon les prévisions du directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, il n’en demeure pas moins que la situation est grave.

« Comme je l’ai dit, il n’y a pas de risque imminent de pénurie d’eau, mais la situation est grave. Nous constatons une baisse (du niveau de l’eau) de cinq à sept centimètres par heure« , a-t-il déclaré à la chaîne CNN.

Sans nul doute, la destruction partielle du barrage hydroélectrique de Kakhovka a provoqué une véritable hécatombe de la faune et de la flore dans le sud de l’Ukraine, dont les effets pourraient se ressentir pendant plusieurs années, si ce n’est des décennies.

Avec MAP

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