Ce que le nouveau PLF va changer en 2021

Le nouveau PLF 2021 a été voulu comme un texte porteur d’espoir pour l’économie nationale, dans ce contexte de crise sanitaire. En réalité, qu’annonce-t-il pour l’après 2020 ? Le Directeur du Centre Marocain de Gouvernance et du Management (CMGM), Youssef Guerraoui Filali, nous a livré son analyse des amendements apportés au projet de loi, que ce soit pour les entreprises ou pour le citoyen marocain.

MD : Que va changer le nouveau PLF 2021 pour les Marocains ?

Youssef Guerraoui Filali : Le Projet de Loi de Finances pour l’année budgétaire 2021 est une occasion propice pour améliorer la qualité de vie du Marocain. Bon nombre de dispositions ciblent la mise à niveau et l’amélioration de la situation sociale du citoyen, telle que l’activation de la généralisation de la couverture sociale des travailleurs, l’augmentation significative des budgets alloués à la Santé et l’Éducation nationale, l’exonération des droits d’enregistrement en cas d’acquisition d’un logement social inférieur à 400.000 dirhams, et l’exonération d’impôt sur le revenu pour l’encouragement à l’employabilité des jeunes. Il s’agit en effet de dispositions en faveur du citoyen susceptibles de soutenir les secteurs sociaux vitaux, en l’occurrence la couverture médicale, l’accès aux soins, la scolarisation des jeunes et des moins jeunes et l’emploi de manière générale. Par conséquent, la mise en œuvre efficace desdites dispositions, une fois adoptées en unanimité au niveau du Parlement après lecture au niveau de la Chambre des Conseillers, reste l’étape cruciale.

MD : Mais si l’on va au-delà de ces mesures, quelle est votre analyse de ce nouveau projet surtout eu égard au contexte de crise sanitaire et économique dans lequel il a été élaboré ?

Y.G.F : Ledit PLF est un projet économique et budgétaire qui devrait soutenir l’économie marocaine pour faire face au coronavirus durant l’année 2021. En effet, le PLF a intégré plusieurs mécanismes de relance et de réactivation des activités entrepreneuriales, tels que le relèvement des plafonds de chiffre d’affaires relatifs au statut de l’Autoentrepreneur (500.000 dirhams pour les prestations de services au lieu de 200.000 dirhams et 1.000.000 dirhams pour les activités industrielles et commerciales au lieu de 500.000 dirhams), l’exonération pour 3 ans de l’Impôt sur le Revenu (IR) pour les entreprises qui recrutent des jeunes de 35 ans et moins en Contrat à Durée Indéterminée (CDI), entre autres. En parallèle, plusieurs dispositions de la Loi de Finances 2020 ont été reconduites, notamment les exonérations d’IS et de TVA pour les entreprises nouvellement créées ou celles opérant en zone Offshore. En outre, les budgets de la Santé et de l’Éducation ont été revus à la hausse, afin de permettre une mise à niveau de ces deux secteurs sociaux vitaux. En outre, le Projet de Loi de Finances prévoit l’allocation de 15 milliards de dirhams du Budget de l’État pour financier une partie du Fonds Mohammed VI pour l’investissement qui atteindra une enveloppe globale de 45 milliards de dirhams, et qui a été crée pour relancer l’économie marocaine en marge de la crise sanitaire liée à la Covid-19.

MD : Augmenter le seuil du salaire mensuel net, de 10.000 à 20.000 dirhams, sur lequel la contribution de solidarité sera prélevée, une fausse ou bonne idée ?

Y.G.F : En effet, le Pouvoir exécutif avait proposé comme première version une imposition d’un revenu net mensuel de 10.000 dirhams, chose qui allait impacter les salaires et les rémunérations des travailleurs disposant d’un faible ou très moyen pouvoir d’achat. Ainsi, l’amendement retenu en Chambre des Conseillers par la Commission des Finances a porté sur un revenu net mensuel de 20.000 dirhams, sachant que certaines formations parlementaires au niveau de la Chambre des Représentants ont même proposé 30.000 dirhams de revenus mensuels afin de cibler les plus aisés. Je pense que l’imposition d’un revenu annuel net de 240.000 dirhams est correcte comme assiette de base de prélèvement de la contribution sociale. En sachant que nous disposons de cadres supérieurs et de responsables et managers, au niveau des trois secteurs (publics, semi-publics et privés), qui gagnent beaucoup plus que ce revenu minimal d’imposition.

MD : Quelles sont les mesures prévues en faveur des entreprises pour l’année 2021 ?

Y.G.F : Les mesures qui encouragent les activités des entreprises portent essentiellement sur les exonérations d’impôts (IS, TVA, IR), selon chaque situation et en respectant certaines conditions bien définies par le PLF 2021. Éventuellement, la proposition d’une contribution sociale dégressive indexée sur le bénéfice net annuel réalisé en année précédente. En effet, ce qui a attiré mon attention le plus est la classification permettant de schématiser en quelque sorte les différentes catégories des entreprises : les très petites qui ne paieront rien (bénéfice net annuel inférieur à 1 million de dirhams), les petites entreprises qui contribueront à hauteur de 1,5% de leur bénéfice (bénéfice net annuel entre 1 et 5 millions de dirhams), les moyennes entreprises réalisant un bénéfice entre 5 et 40 millions de dirhams (2,5% comme contribution de solidarité), et les grandes entreprises qui paieront 3,5% de leur bénéfice (celles qui réalisent un bénéfice net annuel supérieur à 40 millions de dirhams).

MD : À votre avis, ces mesures pourraient-elles alléger la pression et les effets de la crise sur la situation des entreprises ?

Y.G.F : À vrai dire, il s’agit de petites mesures qui ne permettront pas, véritablement, d’alléger la pression fiscale sur les entreprises existantes, surtout celles ayant plus de 3 ans et 5 ans d’ancienneté. En effet, nous avons au Maroc le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) parmi les plus élevés au monde (20% essentiellement) et des niveaux d’imposition d’IS et d’IR qui demeurent toujours assez élevés. En outre, les produits de Relance post-confinement n’étaient pas très adaptés aux PME de notre tissu économique. Le PLF 2021 devrait en effet apporter des subventions directes à certaines entreprises sectorielles qui ont été profondément touchées par la crise sanitaire liée à la covid-19, telles que les entreprises touristiques et immobilières.

MD : Quel regard portez-vous sur l’amendement majeur proposé par la commission des finances qui concerne l’élargissement des exonérations de l’IR pour le recrutement des jeunes dans le secteur privé ?

Y.G.F : C’est une bonne nouvelle pour le secteur privé, et qui devrait encourager les patrons et chefs d’entreprises a déclaré la totalité de leurs travailleurs, ouvriers et salariés. Sur un plan stratégique, l’État cherche à encourager l’embauche des jeunes afin de réduire le taux de chômage au niveau national, et qui demeure assez élevé aujourd’hui suite aux postes perdus par l’économie marocaine en marge de cette crise sanitaire. À titre d’exemple, si un entrepreneur décide de recruter un jeune avec 10.000 dirhams de salaire, il gagne en termes d’IR en moyenne 3.600 dirhams. Encore mieux, pas de plafond de salaire pour cette disposition, elle peut concerner aussi les jeunes les mieux payés sur le marché en fonction de leurs formations, compétences et diplômes.

MD : Que manque-t-il au nouveau projet de loi de finances 2021 pour faire mieux ?

Y.G.F : Un modèle de développement qui manque véritablement à l’appel. Le PLF aura plus d’efficacité et de ciblage s’il est préparé dans le cadre d’une vision socio-économique globale de l’État, ce que j’appelle personnellement une méta-stratégie de l’État. En revanche, le déploiement efficace de la programmation triennale, eu égard à la Loi Organique des Finances, demeure un point essentiel pour une meilleure gestion financière et budgétaire des projets et actions programmés dans le cadre du PLF.

 

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