Complice d’une violation morale, le pjd foule-t-il la règle ?

Par Souad MEKKAOUI

A l’ère du PJD, on aura tout vu. Scandales de mœurs, fraude, corruption, espionnage et autres vices auront ponctué les mandats du parti de la lampe, qui avait, lors des campagnes électorales, promis monts et merveilles et fait rêver la population de « la Cité idéale » et d’un Maroc juste où la justice sociale et la transparence seront les mots d’ordre. Or le coup de grâce est le dernier communiqué du Secrétariat général du parti de la lampe qui révèle, de façon ostentatoire, tout le mépris que ce parti voue à la population marocaine.

En effet, alors que les deux ministres les plus controversés en ce moment pour fraude à la CNSS, font fi de la colère des Marocains, « Al Amana » semble nous dire : « Oui nos ministres ont fauté, oui nos ministres ont commis une infraction à la loi … mais nos ministres sont honnêtes et vous, vous pouvez vous cogner la tête contre le MUR ». Pour elle, ses deux « fakirs », l’un président de la commission centrale pour l’intégrité et la transparence et l’autre dirigeant de la Chabiba n’ont pas « enfreint les règles d’intégrité et de la transparence liées à la gestion des affaires publiques et les dispositions de prise en charge de leurs responsabilités publiques». Rien que ça !

Mieux encore et comme à chacun des scandales signés par des membres du pjd, on crie aux complotistes qui font tout pour porter préjudice au parti de la lampe.

N’est-ce pas d’un machiavélisme pervers et d’une provocation sans précédent que le Secrétariat général du pjd sorte de son silence, ce vendredi 3 juin, non seulement pour défendre, éhontément, ses deux ministres qui ont suscité l’ire de la toile mais pis encore, pour les féliciter ! L’un pour la bienveillance dont il avait entouré sa défunte secrétaire qui n’a jamais été déclarée à la CNSS alors qu’elle avait travaillé pour lui pendant plus de 24 ans, et l’autre pour « s’être dépêché à corriger la situation et se conformer à la loi » après plusieurs années de non-déclaration de ses employés à la Caisse nationale de sécurité sociale. Pour rappel, le ministre Mohamed Amekraz, qui se trouve être aussi –ironie du sort- président du Conseil d’administration de la CNSS, aurait enfin décidé de déclarer les salariés de son propre cabinet, quelques jours après le scandale de El Mostafa Ramid.

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L’affaire qui concerne le ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme, anciennement ministre de la Justice, et le ministre de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle, tous les deux du parti de la Justice et du Développement secoue en ce moment les milieux politiques et interpelle à plus d’un égard. Il s’agit bien là d’un droit fondamental que l’employé soit déclaré à la Caisse nationale de sécurité sociale. Or si les petites entreprises peinent à payer chaque mois leurs cotisations et que ceux qui sont censés veiller au respect de l’application des lois « omettent » de donner l’exemple c’est qu’il y a un sérieux problème de casting. Comment peut-on faire confiance à des responsables qui se payent nos têtes au nom de la religion et de la lutte contre la corruption ? Sauf que le problème ne se pose pas juste au niveau du parti du PJD certainement. D’ailleurs, ne faudrait-il pas dorénavant exiger des élus et des gouvernants de justifier leur régularité à l’égard de la CNSS et de la DGI puisqu’ils rechignent quant à la déclaration du patrimoine ?

Pendant tout ce temps où l’opinion publique, qui pour eux semble compter pour du beurre, est en ébullition, le Chef de gouvernement qui se trouve être le Secrétaire général du parti de la Lampe coupe tout contact avec le monde extérieur et laisse ses deux ministres insulter l’intelligence des Marocains avec des justifications qui frôlent l’absurde.

Notre grand problème est que ceux qui sont aux commandes se voient intouchables et du coup se permettent toutes « les omissions » possibles « sans mauvaise foi » dira-t-on. Rien ni personne ne leur fait peur. Ils savent bien entendu qu’au pire des cas, ils seront démis de leur fonction mais garderont pour la vie une belle retraite qui leur assurera de vivre confortablement tout en s’adonnant à cœur joie à la critique sarcastique et malveillante de leurs successeurs. Le laxisme et l’absence de répression font qu’au Maroc les responsables ne démissionnent pas quels que soient l’aberration ou le délit commis, ils attendent juste que l’orage passe pour qu’une nouvelle voie plus prometteuse s’offre à eux surtout que la reddition des comptes n’a pas de chance chez nous puisque les notions à géométrie variable sévissent toujours.

Au même moment mais sous d’autres cieux, l’affaire des emplois fictifs de Fillon nous impose de porter un regard plus que frustré surtout après la condamnation de l’ex-Premier ministre français à cinq ans de prison dont deux ferme pour « détournement de fonds publics » et « abus de biens sociaux ». Il y a bien lieu de se demander pourquoi cela n’arrive pas chez nous. Pourquoi ceux qui sont censés défendre les droits les transgressent dans l’impunité la plus absolue ? Le Roi n’avait-il pas qualifié « le manquement au devoir » de « trahison » ? Or comble de dénigrement, nos chers ministres par qui le scandale est arrivé s’obstinent au lieu de reconnaître leur tort et refusent de répondre aux questions des parlementaires ni à l’indignation de la société civile. Aujourd’hui donc, notre grand malheur est que ceux qui devraient faire la loi se trouvent être les premiers à ne pas la respecter. C’est à croire qu’on a troqué l’éthique, qui fut autrefois le bâton de pèlerin des pjdistes contre l’intérêt personnel et l’opportunisme. De toute façon, les deux grosses pointures du parti de la lampe et membres influents de l’Exécutif nous donnent à voir le Gouvernement de compétences dans sa nouvelle version.

Pourtant, Sa Majesté le Roi, lors de son premier discours soulignait que « Le nouveau concept d’autorité signifie l’interpellation et l’exigence de reddition des comptes, qui s’opèrent à travers les mécanismes de régulation et de contrôle et l’application de la loi. Pour les élus, cela passe par les élections et la quête de la confiance des citoyens. Notre concept d’autorité se fonde aussi sur la lutte contre toutes les formes de corruption : dans les élections, l’Administration, la Justice, etc. Le manquement au devoir est aussi une forme de corruption. »

Faut-il rappeler que contrairement aux autres Chefs d’Etat, le Roi Mohammed VI n’avait pas hésité, le 29 juillet 2017, à faire le diagnostic de la situation désolante de notre pays en pointant amèrement les défaillances et les dysfonctionnements de la gouvernance ?

Espérons donc qu’il y aura des décisions fracassantes pour donner l’exemple et forcer le changement que les mentalités imprégnées d’individualisme, d’arrivisme et d’opportunisme combattent aveuglément.

Aujourd’hui, notre grand souhait est que le ras-le-bol de Sa Majesté le Roi fasse écho à celui des Marocains qui n’ont plus confiance en nos hommes politiques ni en les institutions. Autrement comment le Maroc accepterait-il de se faire représenter dans des événements internationaux par des hommes qui traînent des casseroles ?

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