En attendant l’Apocalypse…

Par Hassan Alaoui

L’année 2024 connaîtra une série d’élections dans le monde, dans pas moins de cinquante pays, mobilisant ainsi 2 milliards d’électeurs, en Europe, aux Etats-Unis, en Russie, en Grande Bretagne, en Afrique et en Asie. Les enjeux de ces scrutins sont importants, mais ont cette caractéristique : ils s’inscrivent dans le cadre d’une planète en pleine crise, assaillie par des conflits et les risques de pandémies inédites, dont  cette « maladie X » qui met en branle plusieurs pays et les laboratoires du monde.

Il est peu de dire que depuis quelques mois, sinon plus, nous vivons une situation internationale inédite et compliquée. Non qu’elle diffère globalement à ce que nous connaissons d’habitude, mais par l’intensité des crises et des confrontations, elle a cette particularité de nous interpeller gravement. Jusqu’à il y a une vingtaine voire une dizaine d’années seulement, la planète vivait sous l’immanente emprise de la guerre froide opposant les Etats-Unis à l’Union soviétique, avec des « guerres par procuration » un peu partout.

La chute du Mur de Berlin en octobre 1991 et deux  mois après l’effondrement du bloc soviétique qui l’a suivi n’ont pas pour autant mis un terme à l’irascible confrontation – politique, idéologique, économique et diplomatique – entre les deux blocs, incarnés par le Pacte de Varsovie et l’OTAN. Boris Eltsine, avant de céder la place à Vladimir Poutine et après avoir enterré le fragile héritage confus de la Perestroïka de Gorbatchev aura été le fossoyeur de l’ancien système. Tant et si bien que d’une année l’autre, le nouvel ordre instauré après la chute de l’URSS a semblé modifier – bien à tort – l’équilibre mondial avec l’émergence des nouveaux Etats autrefois républiques soviétiques, et depuis devenus indépendants. Hélène Carrère d’Encausse,  grande spécialiste de la Russie, avait consacré deux grands ouvrages à l’évolution de ce pays : « L’Empire éclaté » en 1978, témoignage prémonitoire s’il en fut et « La Russie entre deux mondes », publié en 2010, vingt ans presque après l’arrivée de Poutine à la tête de l’Etat.

L’éclatement de l’ancienne puissance soviétique avait été accueilli par une cynique réjouissance des Etats-Unis alors dirigés par Georges Bush junior et par l’Union européenne. La Chine s’inscrivait alors dans le sillage de Deng Xiaoping , personnage emblématique de la Chine émergente, maître de la « révolution post-maoïste » de 1978 , père des réformes dont le pays est à présent le tributaire. Si elle n’était pas encore le puissant pilier géostratégique, la Chine est à présent l’incontournable acteur du jeu planétaire de la nouvelle confrontation. Elle s’est taillé une part considérable en termes d’investissements, d’influence, de soft-pouvoir, et de décision au plan diplomatique. Sa présence en Afrique, face à la Russie, aux Etats-Unis constitue à la fois un facteur d’équilibre géopolitique et la garantie que les Etats-Unis et la Russie ne peuvent à eux seuls y jouer les « gendarmes » du continent, abandonnés aux démons. C’est dire que l’Afrique, quand elle prend la mesure des offensives néo-coloniales qui la menacent, devrait aussi s’organiser et ne pas céder aux tentations des putshes et  des coups d’Etat dont elle est de plus en plus le théâtre privilégié.

Entre 2019 et 2023 ce sont pas moins de 10 pronunciamiento déclenchés dans 6 Etats, parfois deux la même année dans le même pays, accentuant une propension déstabilisatrice dans la même région du Sahel, devenue à vrai dire la zone de turbulence et de prospérité du jihadisme. Cette explosion des violences traduit bien entendu l’irrédentisme des peuples qui rejettent la présence de la France et la politique d’Emmanuel Macron, faite d’un paternalisme de mauvais aloi et d’arrogance, sans compter l’aveugle volonté de détruire la vision de ses prédécesseurs. Le résultat est que face à l’abandon français, à l’absence quasi-totale des Etats-Unis, à la prudente et presque discrète présence de la Chine, la Russie a pris les devants et déployé ses mercenaires, le sinistre groupe Wagner qui, après avoir envahi la République centrafricaine s’est mis dans la tête de conquérir les Etats voisins fragilisés, gagnés par la fièvre des renversements déguisés en changements démocratiques.

Les nouveaux conflits d’Afrique nous donnent la mesure de la nouvelle fracture intercontinentale. Ils sont – et c’est un euphémisme – le miroir grossissant de la tragédie qui se profile à plus ou moins brève échéance. La liste des conflits déclarés ou patents, la folie meurtrière de Netanyahu en Palestine, le conflit opposant la Russie et l’Ukraine, la sourde et persistante crise entre la Chine et Hongkong, la furieuse bataille d’influence pour le leadership dans le Pacifique, la manipulation dangereuse de l’IA ( Intelligence artificielle) en train de fourvoyer peuples et institutions, le mensonge global qui en résulte…Tout ce qui participe de la remise de l’Ordre mondial, alimente l’illusion collective est là, devant nos yeux , déployé comme un horizon noir, qui plus est légalisé par les fake-news, devenues la nourricière d’un monde en désarroi. Les Etats sont plus que désarmés, les peuples au bord du désespoir et, l’inflation aidant, au bord de la famine…

Le pire n’est pas seulement devant nous, il est là déjà !

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