Être un peu enveloppé ne nuit pas forcément à la santé !

Dr Moussayer Khadija

La « graisse » a parfois du bon en ayant une activité de protection contre les maladies. De nombreuses études, ces quinze dernières années, ont démontré en effet que les cellules graisseuses sous la peau (les adipocytes) aident à nous défendre des infections par la production de substances anti-microbiennes en présence de virus ou bactérie. Un rôle encore méconnu et trop souvent sous-estimé !

 

La défense de l’organisme contre les infections est un processus complexe, impliquant une grande variété d’organes et de cellules. Ainsi, lorsque la barrière de la peau est lésée, la responsabilité de cette protection en revient en particulier aux cellules sanguines (comme les neutrophiles ou les monocytes). Mais avant que ces cellules immunitaires arrivent jusqu’au site d’infection, l’organisme a besoin d’une réponse encore plus immédiate pour contrecarrer la multiplication de pathogènes nuisibles (bactéries, virus…) qui nous attaquent.

Des chercheurs de l’Université de Californie en particulier se sont intéressés, il y a déjà quelques années, plus précisément au staphylocoque doré, une bactérie commune, cause majeure d’infection de la peau et des tissus mous, dont l’émergence de formes résistantes aux antibiotiques est un problème de santé publique à travers le monde. Ce staphylocoque doré est responsable d’intoxications alimentaires, d’infections localisées suppurées et, dans certains cas extrêmes, d’infections potentiellement mortelles. On avait observé antérieurement sa présence dans la couche des cellules graisseuses et on se demandait si cette couche pouvait avoir un rôle actif dans la protection contre l’infection

Ces chercheurs américains ont exposé aux staphylocoques dorés deux groupes de souris :  des rongeurs ne fabricant pas de cellules graisseuses ou dont les cellules adipeuses n’expriment pas suffisamment de substances antimicrobiennes et des souris normales. Le résultat était sans ambiguïté : les animaux « imparfaits » quant aux cellules graisseuses ont souffert d’infections plus fréquentes et plus sévères que des souris normales, ce qui témoigne du rôle de protection immunitaire de ces cellules. 

Diverses autres expériences ont mis en évidence le rôle clé de ces cellules graisseuses, les adipocytes, dans la production de matières antimicrobiennes spécifiques, à savoir de peptides antimicrobiens et plus particulièrement de la cathélicidine. Rappelons que l’ensemble de ces peptides antimicrobiennes (lysosyme, psoriasine, Béta-Défensine et Cathélicicidine) est émis également par les cellules de la peau (Kératinocytes).

La graisse arme cachée de dissuasion de nos défenses immunitaires

Les gouttelettes de graisse aident nos cellules à attaquer les bactéries. C’est ce qu’une étude de l’université du Queensland en Australie a montrée en 2020. La graisse serait en fait aussi une arme cachée pour notre système immunitaire. En cas d’infection, des gouttelettes de lipide se déplacent en effet vers certaines de nos cellules immunitaires, les macrophages véritables « mangeuses » de bactéries, les abritent et se dirigent ensuite vers la zone où se situent les bactéries afin qu’elles y soient massivement attaquées par ces macrophages !

Une meilleure compréhension de l’obésité et des inflammations

Par ailleurs, d’autres études chez l’homme ont montré un autre phénomène : les niveaux de cathélicidine, cette substance antimicrobienne, sont plus élevés dans le sang des sujets obèses, mais de qualité défectueuse. La production de ces substances antimicrobiennes « déficientes » par les adipocytes peut survenir à cause de l’obésité et trop de cette cathélicidine imparfaite peut alors provoquer chez les obèses une réponse inflammatoire excessive et inadaptée C’est donc une épée à double tranchant : un peu de cathélicidine nous protège, trop, et de mauvaise qualité, nous nuit quand elle est provoquée par une inflammation. 

Les résultats de ces études sur le tissu graisseux nous aident en tout cas à mieux comprendre l’obésité et aussi les processus inflammatoires dans les maladies auto-immunes, notamment celles touchant la peau comme le lupus, le psoriasis ou même encore dans la rosacée.

Cette dernière, la rosacée, mieux connue sous le nom de couperose, est une affection cutanée incurable, et au départ bénin, qui provoque principalement une rougeur surtout sur le visage. Elle peut provenir notamment d’un dérèglement du système immunitaire concernant la peau.

En guise de conclusion, l’obésité est actuellement un fléau mondial, mais, Mesdames, n’écoutez pas toujours ceux qui vous exhortent, partout sur internet, à perdre vos quelques kilos superflus, en se gardant bien de vous indiquer que ce n’est pas forcément un gage de meilleure santé ou de longévité accrue !

(*) Spécialiste en médecine interne et en gériatrie, Présidente de l’Alliance des Maladies Rares au Maroc (AMRM) et de l’Association Marocaine des Maladies Auto-Immunes et Systémiques (AMMAIS)

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