La coopération sino-marocaine : Une relation diplomatique exemplaire

Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue

La coopération économique sino-marocaine a eu un impact significatif sur l’industrie, stimulant la croissance et la compétitivité. Les échanges commerciaux ont connu une augmentation remarquable grâce à des partenariats solides, favorisant ainsi le transfert de technologie, le partage d’expertise et le développement de nouvelles opportunités d’affaires. 

Le Dr Nasser Bouchiba, président de l’Association de coopération Afrique-Chine pour le développement, nous plonge au cœur de la coopération sino-marocaine et explore ses implications sur divers secteurs vitaux pour le développement du Maroc. Dr Bouchiba revient sur la coopération dans l’industrie à l’agriculture, en passant par les infrastructures, la recherche scientifique et technologique, le tourisme, la santé et les projets d’infrastructures majeurs.

  •  MAROC DIPLOMATIQUE : Quel est l’impact de la coopération économique sino-marocaine sur les secteurs clés tels que l’industrie, l’agriculture et les infrastructures ?

– Dr Nasser Bouchiba : La coopération sino-marocaine a pris son essor en 1995, lorsque la Chine a commencé à mettre en place des réformes économiques et politiques approfondies, juste avant son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce. Depuis cette période, la Chine a dû adapter son modèle de partenariat international avec différents pays, y compris le Maroc. Depuis 1995, nous avons connu la signature de plusieurs accords, notamment dans le domaine de l’investissement, du commerce et des douanes. De plus, une série d’accords bilatéraux sont toujours en vigueur aujourd’hui.

En parallèle à cette période de coopération technique, des visites de haut niveau ont eu lieu. Le Président Jiang Zemin a visité le Maroc, tout comme Sa Majesté le Roi Mohammed VI en 2002 et 2016. Les chefs de gouvernement des deux pays ont également effectué des visites de haut niveau. Ces visites ont contribué à créer un environnement de confiance mutuelle sur les grands sujets qui concernent non seulement le Maroc et la Chine, mais aussi l’Afrique et le monde arabe.

La Chine considère le Maroc comme un allié et une référence dans la région, ainsi qu’un médiateur avec plusieurs pays africains amis. Pour le gouvernement chinois et les think tanks avec lesquels j’ai une relation de collaboration étroite, le Maroc bénéficie d’une grande stabilité politique et sécuritaire. Il est également un partenaire privilégié pour la mise en place de mécanismes de partenariats qui pourront être répliqués à l’avenir, en particulier dans les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique du Nord. Bien que l’impact de cette coopération soit encore relativement modeste par rapport aux partenariats de la Chine avec les pays européens, les États-Unis, le Japon ou la Corée, nous sommes encore au début de cette collaboration. Toutefois, depuis la visite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI en mai 2016 à Pékin, nous constatons que les industriels chinois commencent à s’intéresser au Maroc en raison de sa position géostratégique en tant que point de relais entre l’Europe, l’Afrique et les pays arabes, ainsi que grâce aux multiples accords de libre-échange avec plus de 50 pays et régions. Ces atouts sont très attractifs pour les industriels chinois, qui sont en train de se transformer vers des industries de haute technologie.

  •  Comment la Chine a-t-elle contribué au développement des zones économiques spéciales au Maroc, telles que Tanger Med ?

– La présence des industriels chinois au Maroc a un impact significatif dans la mise en place de modèles de partenariat avancés, qui bénéficient notamment aux ressources humaines du pays. Un aspect important de cette coopération est le transfert de technologie et de connaissances, et c’est précisément ce que nous sommes en train de réaliser avec nos partenaires chinois.

Nous aspirons à faire du Maroc une terre de collaboration et de partenariats, où différents acteurs internationaux peuvent travailler ensemble. À titre d’exemple, nous avons récemment invité une société chinoise avec des fonds d’investissement américains dans le domaine de la production de batteries électriques. Cela pourrait conduire à un partenariat sino-américain au Maroc, ce qui est très encourageant. C’est le genre de coopération que le Maroc a toujours prôné en tant que terre d’entente et de coopération.

En outre, la Chine suit de près l’évolution du projet de gazoduc Nigeria-Maroc, qui reliera presque tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. Lorsque nous parlons de gaz en tant que source d’énergie, nous parlons de développement. Ainsi, la présence des industriels chinois au Maroc contribue à la promotion d’un modèle de partenariat plus avancé, qui encourage le développement économique et technologique. Cela se traduit par des avantages pour les ressources humaines, ainsi que par le transfert de technologie et de connaissances.

  •  Où en sont les échanges entre les deux pays ?

– Ces exportations comprennent principalement des produits électroniques, des vêtements et textiles. De nombreuses marques internationales ont choisi d›installer leurs zones de production au Maroc, en particulier à Tanger. Les produits agricoles et de pêche font également partie des importations en provenance de Chine.

Le volume des échanges entre les deux pays ne cesse d’augmenter, ce qui a favorisé le développement d’activités autour des zones économiques spéciales et l’établissement de nouveaux projets industriels sino-marocains. Ces zones verront probablement une plus grande présence industrielle chinoise que marocaine, ce qui représente à la fois un défi et une opportunité. Comme le dit le proverbe chinois «weiji», la crise est à la fois un danger et une opportunité.

Afin de favoriser l’installation et le développement de ces industries chinoises, il est nécessaire de préparer un environnement propice. Cela implique de mettre en place des politiques et des incitations attractives pour que ces industriels puissent s›installer et servir le marché. Le Maroc dispose d’atouts majeurs, notamment en termes de ressources humaines qualifiées, ainsi que d’une nouvelle charte d’investissement visant à encourager les investissements étrangers. Il est important de créer un environnement favorable afin que ces industriels puissent bénéficier pleinement de ces avantages et contribuer au développement économique du Maroc.

  •  Comment analysez-vous la coopération sino-marocaine dans les autres secteurs ?

– En Chine, les universités et les centres de recherche jouent un rôle central dans le développement du pays. Chaque fois que le gouvernement souhaite développer ou transformer un secteur, il fait appel aux chercheurs et à la recherche scientifique pour soutenir ces initiatives. Il est essentiel de développer des partenariats axés sur la recherche scientifique afin que la théorie puisse être mise au service de la pratique. Il existe de nombreuses opportunités de partenariats dans ce domaine. Au cours des cinq dernières années, nous avons envoyé des chercheurs marocains en Chine pour poursuivre leurs études en master et en doctorat grâce à des bourses d’études, avec un suivi régulier. Aujourd’hui, ces chercheurs commencent déjà à contribuer à nos projets de développement. 

Ce type de partenariats jouera un rôle crucial dans le succès des projets et permettra de renforcer les connaissances bilatérales en matière de culture, de langue et de compréhension des environnements et des pratiques commerciales des deux pays.

En ce qui concerne le domaine du tourisme, depuis 2016, nous avons commencé à promouvoir le modèle chinois au Maroc et à faire la promotion du tourisme dans les deux pays. En Chine, le tourisme est souvent utilisé comme un moyen d’introduction et de familiarisation avec le pays avant de prendre des décisions d’investissement. Les investisseurs chinois viennent d’abord en tant que touristes et sont accueillis par des départements et des guides locaux qui les aident à mieux comprendre l’histoire, les coutumes et les pratiques du pays, ce qui peut influencer leur décision d’investir ou non.

  •  Quels sont les rôles respectifs du Maroc et de la Chine dans le développement de la Route de la Soie et comment cela a-t-il influencé leurs relations bilatérales ?

– La mise en place de partenariats entre la Chine et le Maroc vise à créer des modèles de coopération qui serviront de référence pour les autres pays d’Afrique de l’Ouest partageant une culture similaire avec le Maroc, que ce soit en termes de culture générale, de religion ou même d’aspirations des peuples de la région en faveur d’une renaissance du continent. Il est important de mettre en place des modèles réussis qui puissent être adaptés aux spécificités de chaque pays. Ainsi, nous éviterons de répéter les mêmes erreurs commises par les pays occidentaux au début des années 80 lorsqu’ils ont imposé des plans d’ajustement structurel uniformes pour l’ensemble du continent, ce qui s’est avéré être un grand désastre.

Pour la Chine, le Maroc est une destination de référence pour l’établissement d’unités de production et l’investissement sur de nouveaux marchés ou marchés existants, que la Chine ne peut plus atteindre. Nous avons été témoins du projet phare de Citic Dicastal à Kénitra, qui en est maintenant à sa troisième phase d’investissement et qui est considéré comme une grande réussite et une référence.

Au cours des six derniers mois, nous avons également assisté à la signature de nombreux accords et contrats entre des sociétés minières chinoises spécialisées dans les produits miniers liés à la mobilité électrique, en particulier la fabrication de batteries électriques. À cet égard, le Maroc est en train de devenir un hub africain dans ce domaine. Notre continent regorge de riches ressources dans ce secteur et la valorisation de ces produits contribuera certainement à l’enrichissement de nos États ainsi qu’à une meilleure utilisation de nos ressources naturelles.

En Chine, chaque province est liée à un pays et, dans le cas du Maroc, c’est Shanghai. Shanghai est non seulement la ville la plus développée économiquement en Chine, mais aussi un centre d’excellence en matière de santé, abritant les meilleurs hôpitaux et universités du pays.

Ces accords atteignent près de 10 milliards de dollars en moins de six mois, positionnant ainsi le Maroc en tête de ce type de projet. Lors de mon récent voyage en Chine, j’ai rencontré des experts, des sociétés et des investisseurs, notamment dans les mines liées à la mobilité électrique, telles que le lithium et le cobalt, ainsi que de grands fabricants de batteries électriques qui sont impatients de venir au Maroc pour découvrir les opportunités économiques qui s’y trouvent.

  •  Quels sont les avantages et les défis de la coopération sino-marocaine dans le domaine de la santé, en particulier en matière de recherche médicale et de développement de produits pharmaceutiques ?

– En ce qui concerne la santé, depuis 1975, une équipe médicale chinoise est installée au Maroc. En Chine, chaque province est liée à un pays et, dans le cas du Maroc, c’est Shanghai. Shanghai est non seulement la ville la plus développée économiquement en Chine, mais aussi un centre d’excellence en matière de santé, abritant les meilleurs hôpitaux et universités du pays. Des experts de cette province sont invités à passer deux ans au Maroc dans le cadre d’un modèle visant à fournir des services médicaux gratuits dans les zones rurales et précaires. Après l’indépendance, la politique coloniale visait à empêcher les Marocains d’avoir accès à l’éducation, ce qui a entraîné un faible nombre de médecins marocains à cette époque. 

Ainsi, l’aide en matière de santé est importante pour les pays africains, avant de former leurs propres médecins. Toutefois, cette période est révolue et aujourd’hui, nous disposons d’experts de renommée mondiale dans ce domaine. Ce dont nous avons surtout besoin, c’est du soutien en matière de formation professionnelle, de développement et de nouvelles technologies. Il existe une tendance en Chine et en Afrique à réformer l’aide médicale, afin qu’elle se transforme en véritable partenariat en matière de santé, tant dans le domaine de la médecine conventionnelle occidentale que dans celui de la médecine traditionnelle chinoise.

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