Leila Mezian : Une militante passion appelée engagement

Par Hassan Alaoui

 Dresser un portrait de Dr. Leila Mezian Benjelloun relève, à vrai dire, de l’exercice peu commun, tant sa personnalité forte voire ré­servée, sa nature et l’apparente distance – à vrai dire, démentie dès lors qu’on l’aborde – nous incite à la prudence. Un charisme particu­lier, une douceur insondable, un es­prit éveillé, et une ferveur dans tout ce qu’elle entreprend.

 Au croisement de l’Avenue Moulay Youssef et du Boulevard Rouda­ni, l’une et l’autre prestigieuses parce qu’enracinées dans la mémoire du Maroc, se réalise un projet d’envergure : Le Musée Dr. Leila Mezian, conçu sur plu­sieurs étages, appelé à héberger des oeuvres d’art moderne, des collections anciennes, des sculptures, des tableaux de peinture, tout ce qui reflète la création que le Maroc peut revendiquer comme patrimoine privé. En lançant la construction de ce Musée au coeur du quartier Gauthier de Casablanca, connu pour héberger une communauté multi-éthnique et multiculturelle, symbole de coexistence, Dr. Leila Mezian s’inscrit dans la tradition de la défense du plura­lisme artistique. Le projet de Musée, lan­cé en octobre 2017, fonctionnera sur une surface réelle de 4000 mètres carrés , com­prendra six étages, deux sous-sol, dont un abritera l’auditorium pour des conférences et des débats, l’autre servant de parking.

Cet espace culturel, Dr Leila Mezian le veut différent de tous les autres, à la fois dans son architecture, ses couleurs, sa fonctionnalité, ses objets et sa fina­lité. Il renforcera ainsi la vocation du quartier qui est en train de connaître une véritable transfiguration, avec notam­ment le grand parc de la Casablancaise, le nouveau Théâtre et l’aménagement de la Place Mohammed V. La réalisation de ce projet artistique avec la modernité érigée comme un mât, participe d’une volonté personnelle de contribuer à l’épanouis­sement de la cité, mais aussi de partage. Car Leila Mezian mettra à la disposition du public quelque 1500 ou plus de pièces privées, appartenant à la famille Mezian. Un véritable trésor cumulé au fil des ans par la mère, collectionneuse passionnée qui a cédé son patrimoine aux enfants avec un précieux souci de ne léser aucun. Une mère également qui a su leur incul­quer l’amour de l’art et l’attachement à la création : bijoux, tapis, vases, tissus en soie, tableaux, broderies, armes de collec­tion, en provenance de toutes les régions et des cultures locales : le Rif, le Sud, le Centre du Maroc. Une richesse que le re­gard le plus panoptique d’un homme ne suffit point d’embrasser ou de recouvrer, un exercice de tous les temps et de tous les espaces.

Car le Musée n’est que l’une des ac­tions que Dr. Leila Mezian, a entreprises, il est à sa vision personnelle ce que le ma­gistère et le point culminant est à l’oeuvre d’un artiste ou d’un architecte, le sum­mum aussi de l’implication et la défense des arts et de la culture. Le Musée traduit également pour elle et pour notre pays, la protection du patrimoine national, quand bien même, surtout, il serait l’engagement d’une admirable mécène privée. Autant dire que Casablanca, ses habitants mais aussi toutes celles et ceux qui viennent d’autres villes, devraient saluer une ini­tiative qui porte en ses flancs pour les fu­tures générations, une aventure esthétique d’avenir.

Laila Mezian Benjelloun, avec ses deux soeurs, la défunte et grande peintre Meryem et Tamy, non moins grande couturière traditionnelle – hormis Rachid Mezian plongé dans sa médecine esthé­tique et autres frères et soeur – n’ont cessé de vouer un temps précieux à la contem­plation des richesses méticuleusement entretenues et préservées des années du­rant. Elles ont également élevé le regard sur l’art aux cimes, non pour une simple contemplation, mais pour une interacti­vité réelle et synergique entre les objets que le Musée exposera et le public. Sans doute faudrait-il souligner, d’emblée, que ce dernier est destiné au public le plus large et non à une certaine élite, qu’il sera – comme la Présidente l’a affirmé – l’espace de découverte, de partage et de convivialité qui revivifiera le dialogue culturel et artistique.

La médecine aura été une manière de défi pour Leila Mezian qui en a accompli avec succès le parcours, qui eut pu conti­nuer à exercer le métier d’ophtalmologue spécialisée, répandue en Espagne, si d’autres charges et obligations – notam­ment familiales et maritales – n’étaient ve­nues l’incliner non pas à changer de cap, mais à ouvrir une parenthèse pour s’occu­per de ses enfants – Dounia et Kamal -, de les former, les encadrer et d’être pour son mari le compagnon de vie, l’autre re­gard frais et parfois critique sur le monde et ses hommes. Le couple qu’elle forme avec Othman Benjelloun, nous rappelle­rait volontiers Elsa Triolet et Louis Ara­gon, mais plus et mieux encore dans leur subtile tendresse réciproque, cette règle de l’art dans la communion et la com­plicité, faite aussi d’égards et de respect, de simplicité qui, par-delà les clichés, est fondamentalement la qualité la plus se­crète chez eux.

Leila Mezian, fille de maréchal, et pas n’importe lequel, cofondateur des Forces Armées Royales et serviteur de feus Mo­hammed V et Hassan II, Othman Ben­jelloun, fils de Haj Abbès Benjelloun, grand industriel et également monarchiste jusqu’aux bout des ongles, forment un couple que l’on dirait – c’est un truisme – original voire emblématique. Tous deux synthétisent l’union d’une femme ber­bère, enracinée dans le Rif austère et d’un Fassi, imprégné de culture et élevé dans le nationalisme. Tous deux incarnent, à leur manière, une légende, portée comme une bandoulière : l’engagement arboré discrè­tement comme un colifichet. Lors d’une cérémonie d’inauguration de l’école me­dersat.com dans un village du Moyen At­las, à Oulmès plus exactement , Mahjoubi Aherdane, tout à sa fulgurance, avait pro­noncé un témoignage devant les invités, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il était émouvant, mettant en exergue cette dimension de brassage entre « la grande militante amazighe qu’est Leila Mezian et Othman, issu de la capitale spirituelle, coeur de la culture et de la civilisationJe rends hommage à ce couple ami qui représente le Maroc dans sa richesse et sa diversité, actif et patriote.. ».

Présidente de la Fondation BMCE Bank of Africa pour l’éducation et l’en­vironnement, Leila Mezian adoube cette belle institution par une présence assidue, elle y est fortement attachée, passe le plus clair de son temps à l’animer et l’impul­ser par l’organisation d’événements et, surtout, par la mise en place d’une poli­tique scolaire efficiente et engagée. De­puis la création de la Fondation en 1995, l’ardeur militante chevillée au corps, elle a lancé une ambitieuse feuille de route avec le louable, plutôt salutaire objectif de contribuer à la scolarisation et l’édu­cation des enfants du milieu rural maro­cain. Cette feuille de route, tombée à point nommé alors que le Maroc sombre dans l’une des profondes crises de l’enseigne­ment, consiste à construire des écoles, à les équiper, à les gérer, les encadrer, à former des enfants des villages les plus perdus, et pour ainsi dire à en « sauver » des pans entiers de cette société recluse et abandonnée. Et surtout à démontrer que, engagement contre inertie, une Fondation privée peut oxygéner un système éducatif à bout de souffle.

Mis en oeuvre par la Fondation BM­CE-Bank Of Africa, ou en collabora­tion avec le ministère de l’Education nationale, comme aussi avec d’autres ins­titutions marocaines et internationales, le programme de construction des établisse­ments relevant des mdersat.com est mené à travers toutes les régions du Royaume. Il est devenu une politique structurale, et atteint le chiffre de 72 écoles construites dont 3 à l’étranger, équipées et mobilisées avec des infrastructures et des moyens modernes, intégrant les nouvelles tech­nologies, la langue arabe, l’amazighe, le français et des langues comme le chinois. Les premières promotions ayant suivi le cursus du primaire jusqu’au baccalauréat ont sorti en 2016-2017, leurs groupes d’élèves ayant célébré le succès de leur parcours dans une cérémonie familiale qui a eu pour cadre l’auditorium de BMCE Bank à Casablanca, en présence notamment de la Présidente Mme Mezian et du président du groupe Othman Ben­jelloun.

On lisait, en effet, la joie et la fierté sur les visages des uns et des autres, parce que la réussite de ces élèves de première promotion, traduit également celle du modèle. Militante, engagée, un brin ti­mide, mais plutôt pudique et réservée, dégageant une certaine noblesse à toute épreuve, démarche plutôt altière, sensible aux souffrances d’autrui, une courtoisie jamais démentie, Laila Mezian Benjel­loun, est une humaniste qui dédie, désor­mais, son temps à l’activité sociale, édu­cationnelle et culturelle

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