Viol conjugal : Et si tout est dans la lecture faite par le tribunal ?

Il faut bien le dire : il y a toujours une première fois à tout et cette fois-ci cela nous vient du tribunal de la Famille de Rabat qui a rendu un verdict en privilégiant le consentement mutuel dans les relations sexuelles dans le couple.

L’affaire remonte à juillet 2019 et le verdict a été annoncé, trois ans après la plainte déposée par un homme poursuivant sa femme qui refusait d’avoir des rapports sexuels avec lui. Au grand dépit du mari, le tribunal a rejeté le fait que les relations intimes, dans le cadre du mariage, aient lieu par la force, ce qui constitue une première au Maroc.

Se référant à l’article 51 du Code de la famille, le tribunal a jugé que la femme ne doit pas être contrainte par une décision juridique d’avoir un rapport sexuel avec son mari mais que c’est plutôt un droit et un devoir pour les deux conjoints qui reposent sur le consentement de l’un et de l’autre. Ce qui d’ailleurs n’est pas incompatible avec l’islam qui considère que le mariage est un lien sacré basé sur l’amour, l’entente et le respect.

Par ce jugement, le tribunal de la Famille de Rabat rompt avec une jurisprudence constante et nous sort des sentiers battus et des verdicts à l’emporte-pièce dans des affaires similaires. Il faut dire que les textes de loi pénalisent les violences faites aux femmes sans prendre en compte les standards de ces violences en se limitant à des concepts vagues tels que “atteinte à la pudeur publique” ou à la “morale”.

Le problème serait-il donc la lecture masculine, patriarcale et archaïque des textes sacrés et de loi ? En tout cas, la notion du « devoir conjugal » est à géométrie variable quand des juges choisissent de l’interpréter à leur manière combien même le lien conjugal ne serait pas prétexte au viol.

Rappelons qu’en 2019, la Cour d’appel de Tanger avait créé un précédent en reconnaissant, pour la première fois, le viol conjugal. Toutefois les deux ans de prison fermes auxquels a été condamné l’époux en première instance ont été convertis en sursis pour un crime dont la peine minimum est pourtant de 5 ans en référence à l’article 486 du code pénal. C’est dire à quel point le viol conjugal et le devoir conjugal coexistent grossissant ainsi le déni de justice. En effet, le viol en général et le viol conjugal sont rarement sanctionnés parce que souvent les victimes de viols se terrent dans leur silence, par peur des suites. Pire encore, le viol conjugal n’est pas pénalisé puisqu’aux yeux de la loi, une femme mariée est en quelque sorte un bien acquis de son époux qui peut disposer d’elle comme il veut et quand il veut.

Ainsi, Dans le code pénal marocain, le viol renvoie à “l’acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci.” Ici, “le législateur désigne toutes les femmes, et n’exclut pas la femme mariée, ce qui sous-tend que cette dernière est également concernée par l’application” de la loi.

En conséquence, c’est cet immense vide juridique qui laisse la voie libre à beaucoup d’abus et d’horribles crimes à l’encontre des femmes.

En somme, c’est une première dans les annales de la justice marocaine que de se mettre du côté d’une femme qui veut disposer de son corps. Nous pouvons donc applaudir et espérer du moment qu’il y a des juges qui, au lieu de continuer à réhabiliter le viol conjugal, rendent justice à la femme dans des cas de viol conjugal et qui au lieu de stagner dans une interprétation patriarcale et sexiste du code de la famille appuyée par une jurisprudence constante en la matière, déploient des efforts pour réformer des notions moyenâgeuses qui portent préjudice à la femme, à ses droits et à son intégrité physique et morale tout simplement.

En attendant plus de courage des juges, la loi du silence continue d’entourer ce crime animalier dès lors que la société estime qu’une femme est la propriété de son mari. Or une femme ne doit jamais du sexe à personne.

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