Le risque d’inflation et la sécheresse vont-ils déjouer les plans de relance?

Mouhamet Ndiongue

Alors que le Maroc avait bon espoir de reprendre une économie normale, voilà que la sécheresse se pointe pour perturber les prévisions économiques. Mieux, l’inflation tant redoutée commence à pointer le bout du nez par des hausses assez précipitées sur certains produits occasionnant un frémissement de la tension sociale. Pourtant les économistes avaient sonné l’alerte.

Mercredi, le Roi Mohammed VI a reçu le Premier ministre Aziz Akhannouch et le ministre de l’Agriculture Mohamed Sadiki à la résidence royale de Bouznika et a souligné que le gouvernement devait prendre toutes les mesures nécessaires contre les effets du manque de précipitations. Dans ce sens, il a demandé le déblocage de 10 milliards de dirhams pour faire face à l’impact du manque de pluie sur le secteur agricole.

Aujourd’hui, de plus en plus d’agriculteurs souffrent des effets d’une sécheresse extrême suite à la saison agricole la plus sèche depuis 30 ans. L’argent est destiné à développer un programme conçu pour atténuer l’impact économique sur les agriculteurs touchés. Une partie (3 milliards de dirhams) du montant promis sera versée par le Fonds Hassan II pour le développement économique et social.

Le programme met l’accent sur la protection du capital animal et végétal. La sécheresse a provoqué une augmentation explosive des prix des aliments pour animaux. Les agriculteurs paient actuellement entre 40 et 100 % de prix plus élevés.

Une partie de l’argent est destinée au paiement des réclamations d’assurance agricole pour les dommages. Sur les 3 millions d’hectares de terres concernées, seul 1 million est assuré. L’argent est également destiné à poursuivre l’approvisionnement intérieur en blé et en fourrage.

Ces derniers jours, plusieurs départements provinciaux de l’agriculture ont lancé des appels d’offres pour l’achat d’orge subventionnée pour les producteurs.

Petit à petit l’inflation s’installe

A côté de l’inflation des prix de fourrage animal, d’autres secteurs sont en train de connaître le même phénomène si ce n’est pas encore le cas.

Rachid Aourraz, économiste et chercheur à l’Institut marocain d’analyse des politiques (MIPA), a déclaré que les prix élevés ont toujours un effet, tant sur le pouvoir d’achat des citoyens que sur la plupart des entreprises.

Dans des déclarations faites à la presse, il estime que « les analystes ne parlent que de l’impact des prix élevés sur les poches des citoyens, mais cette question inquiète aussi les entreprises, car elles achètent des matières premières et de l’énergie pour fonctionner et rentrent dans le cadre desdits facteurs de production ».

L’économiste poursuit que « toute hausse des prix a des effets sur l’économie, tant dans les familles que dans les entreprises, puisqu’elles sont les moteurs de cette économie. » Par conséquent, il croit que ces augmentations récentes auront des effets négatifs sur l’économie marocaine et la croissance économique, mais ils ne sont pas tous dus uniquement à des facteurs internes, mais une partie d’entre eux est liée à l’augmentation des prix mondiaux pour de nombreuses raisons liées à la pandémie du Coronavirus.

L’exemple du carburant

L’une des raisons de la hausse de certains prix est liée à la conjoncture internationale en particulier les cours du pétrole. Ce fait a failli occasionner la hausse du prix du transport il y a deux jours avant que les transporteurs de l’Association marocaine des transports logistique (AMTL) ne se rétractent. Cependant, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) s’attend à ce que le prix du pétrole atteigne 150 dollars le baril d’ici la fin de l’année.

Conséquence de la hausse du prix du pétrole, le prix à la pompe au Maroc va également monter en flèche, atteignant entre 20 et 25 dirhams le litre d’ici la fin de l’année, ce qui augure d’autres hausse des prix notamment les prix de denrée. Si ces hausses se confirment dans le temps avec la sécheresse qui commence à s’installer, les prochains mois seront assez durs pour l’économie du pays qui peine à sortir des ravages de la pandémie.

Le prix du baril de pétrole s’élève aujourd’hui à environ 92 dollars alors que le prix du litre d’essence au Maroc a dépassé les 12 dirhams. Pour un litre de gasoil, 11 dirhams sont à régler à la pompe. La hausse des prix du carburant a un impact direct sur l’économie.

Maintenant que l’économie mondiale se remet de la crise coronavirus, la demande de pétrole augmente à un rythme rapide. Cependant, la capacité des producteurs de pétrole a pris du retard.

Sur sa page Facebook, Rachid Aourraz sonne l’alerte : « Dès que le taux d’inflation au Maroc approche les 2%, il pourrait y avoir un risque de mouvement social ». Son argument, il pense que « la pandémie du Covid et d’autres facteurs liés à la hausse mondiale des prix des matières premières sont très susceptibles de provoquer une inflation des prix intérieurs », mais « le gouvernement s’entête à apporter des correctifs immédiats. » Pourtant il a rappelé que depuis décembre, les économistes avaient alerté sur les risques d’un retour de l’inflation à l’échelle mondiale.

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