Médecine d’urgence : la SMMU expose les défaillances dans la prise en charge et la gestion des accidents et des crises sanitaires

La Société Marocaine de Médecine d’Urgence (SMMU) a sorti, récemment, son livre blanc exposant les défaillances qui bloquent la voie de développement de ce secteur au Maroc. Un document de 47 pages dans lequel elle plaide pour l’amélioration de l’exercice de la Médecine d’Urgence au Maroc et des conditions de travail des opérateurs des Urgence.

Dans plusieurs pays développés, la Médecine d’Urgence devient une spécialité à part entière, offrant un haut niveau de technicité pour la gestion des situations médicales critiques et des crises sanitaires en tout temps et tout lieu. Au Maroc, ”Tout le monde sait que nos services d’urgences souffrent de beaucoup de faiblesses, que ce soit sur le plan architectural, structurel, organisationnel et en ressources humaines qualifiées ”, une réalité amère que pointe la Société Marocaine de Médecine d’Urgence (SMMU) dans son livre blanc sorti il y a quelques jours. Le principal problème du secteur est, selon la SMMU, la multiplicité des intervenants publics et privés, avec un manque de visibilité à moyen et à long terme, appelant à ”réformer en profondeur l’organisation des soins dans nos services d’urgences et de donner à chacun les moyens d’accomplir une permanence des soins de qualité”. Parmi les motifs des médecins ayant préparé ce document, le fait que les services des urgences, partout au Royaume, sont de plus en plus confrontés à des défis importants qui leur imposent d’être au diapason du progrès enregistré au niveau international. Pour le Pr. Lahcen Belyamani, Président de la SMMU, « notre pays a besoin d’un système de santé fort, protocolisé et bien structuré. Tous les indicateurs montrent que la globalisation expose tous les pays du monde à des crises de plus en plus difficiles à gérer et qu’il faudrait à l’avenir disposer de moyens adaptés (humains et matériels) pour pouvoir y faire face. L’état actuel des choses, dans notre système de santé, a démontré qu’il réside des défaillances dans la prise en charge et la gestion des accidents et des crises sanitaires, auxquelles il faudrait être préparé ».

Ce plaidoyer vise ainsi à ”adapter les besoins professionnels et le dispositif juridique”, en vue de répondre à la demande croissante de la population marocaine, en quantité et surtout en qualité, à travers ”la promotion de la spécialité de médecine d’urgence”. Ce projet comprend 4 volets, à savoir, les conditions générales du cursus universitaire et de la formation des médecins spécialisés en Médecine d’Urgence ; les conditions générales et modes d’exercice de la médecine d’urgence au Maroc que ce soit dans le secteur public et/ou privé ; l’utilité d’une telle discipline dans le panel de l’offre médicale et notamment dans son volet extra hospitalier et de la télémédecine ; les dispositions juridiques diverses relatives à l’exercice de la Médecine d’Urgence.

Dressant l’état des lieux de la médecine d’urgence au Maroc, la SMMU évoque de nombreuses faiblesses qui exigent ”une approche globale et intégrée de la problématique des urgences hospitalières et pré-hospitalières”. Les urgences hospitalières au Maroc représentent plus de 50% des consultations ambulatoires des hôpitaux publics, dont 10% se soldent par une hospitalisation, soit plus de 6 millions de patients fréquentent annuellement les urgences hospitalières, avec un accroissement annuel moyen d’environ 10%, engendrant ainsi le surchargement des services d’accueil des urgences (SAU).

Selon le même document, 35,5% des interventions chirurgicales majeures sont réalisées en urgence, ”ce qui justifie la nécessité de restructurer ces services, d’en assurer la mise à niveau et d’actualiser leurs fonctions et attributions”, explique la SMMU, qui appelle également à une prise en charge interconnectée, impliquant une étroite coordination entre les intervenants, tant en intra sectoriel (prise en charge pluridisciplinaire) qu’en intersectoriel dans un souci de gestion des délais d’intervention (Protection civile, SAMU, secteur privé… etc.).

La qualification professionnelle des intervenants, un des points essentiels pour la prise en charge urgente. En effet, la SMMU indique que le personnel médical et paramédical devrait avoir des compétences spécifiques leur permettant d’agir rapidement et très souvent dans des situations d’incertitude. Tandis que, sur le terrain, cette fonction est assurée dans la plupart des cas, par des médecins généralistes appuyés, dans certains hôpitaux, par des médecins spécialistes.

Par ailleurs, la pénurie flagrante en ressources humaines, notamment qualifiées, que ce soit pour le personnel médical ou paramédical dans les deux secteurs de santé (public et privé) rend l’accès difficilement équitable et effectif, à des soins de qualité avec respect des droits humains. Côté formation de ces personnels, celle-ci n’est assurée que dans deux universités, dont celle de Casablanca qui n’est plus active. Ce n’est pas tout. S’ajoute à cela, ”un désert professionnel en secteur privé”. Selon la SMMU, aucun spécialiste en médecine d’urgence ou infirmier spécialisé en soins d’urgences et soins intensifs n’exerce dans le secteur privé, où les urgences sont gérées par des généralistes et infirmiers polyvalents, souvent non qualifiés et/ou des médecins en formation surtout en vacations de nuit. Alors que les cliniques privées, dont le nombre est de 332 avec une capacité d’environ 8.400 lits, représentant 23% de la capacité litière nationale totale.

Après ce constat visiblement sombre de l’état de la médecine d’urgence au Maroc, le conseil de la SMMU a réfléchi également à plusieurs recommandations. Par rapport aux appellations, il recommande de changer la terminologie actuelle de Médecine d’Urgences et de Catastrophe, en Médecine d’Urgence tout court, comme c’est le cas en France, aux USA, en Belgique, en Suisse, en Espagne et au Royaume-Uni… etc. ou en Urgentologie, comme le cas au Canada. Concernant le médecin exerçant, au lieu du « Spécialiste en Médecine d’Urgence et de Catastrophe », l’appellation pour la SMMU devrait aussi changer, en « Urgentologue ». C’est valable pour les infirmiers spécialisés en soins d’urgences et soins intensifs (ISSUSI), qui seront appelés « infirmiers urgentistes ».

Quant à l’offre publique de soins, la SMMU plaide pour l’augmentation de l’activité des services d’accueil des urgences (SAU) et la diversité des pathologies prises en charge nécessitant une organisation rigoureuse afin de toujours répondre, en priorité aux détresses par la création de SAU répondant aux normes de qualités (structurelles et architecturales) et aux besoins de la population en fonction des régions du Royaume et du nombre de passages quotidiens.

Concernant la prise en charge des patients se présentant aux SAU, elle doit assurer un triage adapté selon la gravité des patients, au lieu du mode du « premier arrivé/premier servi » qui n’est plus de mise.

Par ailleurs, l’informatisation des soins et des dossiers médicaux au niveau des structures des urgences permettra une meilleure gestion des dossiers malades et un gain de temps considérable sur toute la filière de prise en charge.

« Les services des urgences constituent la vitrine de tout hôpital », affirme le Pr. Lahcen Belyamani, qui estime que l’amélioration de l’offre de soins au niveau des instances hospitalières et extra hospitalières dédiées à la prise en charge des malades urgents, passe premièrement par l’amélioration de tout ce qui se rapporte au facteur humain.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page