Richesse extrême, pauvreté rampante : Le paradoxe de la région MENA

Au cœur de la région la plus inégalitaire du monde, une tendance fulgurante émerge : la fortune des super-riches du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) a presque doublé en trois ans. Pendant que la pandémie de COVID-19 et l’escalade des coûts de la vie ont pesé lourdement sur la population, les milliardaires de la région connaissent une ascension vertigineuse de leur richesse, révèle un récent rapport d’Oxfam, publié en préparation des réunions annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à Marrakech.

Entre 2019 et 2022, la richesse des 0,05 % les plus fortunés, soit 106.080 individus possédant une fortune supérieure à 5 millions de dollars, a augmenté de manière spectaculaire de 75 %, passant de 1.600 milliards de dollars en 2019 à un éblouissant montant de 3.000 milliards de dollars à la fin de l’année 2022. De plus, les 23 milliardaires de la région ont accumulé davantage de richesses au cours de ces trois années que durant toute la décennie précédente. Cette frénésie d’ultra-richesse survient alors que tous les pays de la région MENA s’enfoncent inexorablement dans une spirale d’endettement.

La Tunisie a vu sa dette publique grimper de 43 % du PIB en 2010 à 80 % en 2021, tandis qu’en Égypte, le pourcentage est passé de 70 % à 90 %, et au Maroc de 45 % à 69 %. Quant au Liban, son endettement a atteint un pic vertigineux de 151 % en 2020, contraignant le pays à faire défaut sur ses paiements.

Le FMI vient en aide à trois pays de la région, tandis que deux autres sont en négociation pour obtenir des prêts. Toutefois, au cours de la dernière décennie, les programmes d’austérité prônés par le FMI ont aggravé la situation en sous-finançant des services publics cruciaux pour la réduction des inégalités, tels que les soins de santé et l’éducation.

Nabil Abdo, conseiller politique principal d’Oxfam International et auteur du rapport, a souligné : « Les années récentes ont été exceptionnelles pour les riches. Ils ont prospéré alors que la pandémie et l’inflation ont plongé les familles dans des difficultés financières et précipité des millions de personnes dans la pauvreté. Les politiques d’austérité ne constituent pas la réponse aux défis qui se posent au Moyen-Orient. Elles servent principalement à protéger les élites de la société, les exonérant de toute responsabilité dans les réformes économiques, tout en accentuant les disparités et la misère. »

Même avant la pandémie, la région MENA se démarquait déjà comme l’une des plus inégalitaires au monde, confrontée à des défis complexes tels que les conflits, le changement climatique, la montée du chômage et des services publics gravement sous-financés.

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Oxfam exhorte les gouvernements à réclamer leur part de ces richesses colossales au profit de l’intérêt public. Un impôt de 5 % sur les fortunes excédant 5 millions de dollars au Liban, en Égypte, au Maroc et en Jordanie pourrait générer jusqu’à 10 milliards de dollars de recettes. Ces fonds pourraient être investis dans des services publics de qualité, le maintien de la paix et de la sécurité, ainsi que la lutte contre le changement climatique.

Un impôt sur la fortune de cette envergure aurait un fort impact sur les dépenses publiques dans toute la région MENA. En Égypte, il permettrait de doubler les investissements dans le secteur de la santé, offrant ainsi à la population un meilleur accès aux soins. En Jordanie, le budget de l’éducation pourrait également être doublé, garantissant une éducation de qualité pour les générations futures. Quant au Liban, il pourrait augmenter ses dépenses en matière de soins de santé et d’éducation par sept, améliorant ainsi considérablement les services essentiels offerts à ses citoyens.

Au Maroc, les recettes provenant de cet impôt pourraient contribuer de manière significative à la reconstruction après le récent tremblement de terre dévastateur, où le pays fait face à des coûts substantiels de reconstruction atteignant 11,7 milliards de dollars.

Nabil Abdo, conseiller politique principal d’Oxfam International, a souligné l’urgence de cette situation en déclarant : « Les gouvernements de la région doivent rejeter l’austérité et ses conséquences dévastatrices, et s’efforcer de répondre aux aspirations de leurs populations. Le FMI doit permettre aux gouvernements d’adopter des politiques économiques visant à redistribuer les revenus et les richesses, tout en investissant massivement dans les services publics. Il est grand temps de taxer la richesse et de commencer à réduire l’immense fossé qui sépare les plus riches du reste de la population. »

Cette mesure représente une opportunité cruciale pour les gouvernements de la région MENA de réorienter leurs politiques économiques vers plus d’équité et de justice sociale, tout en améliorant la qualité de vie de leurs citoyens.

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